Nomination des juges

Weil avoue avoir consulté Charest

«C'est tout à fait normal», se défend le premier ministre

"Normal" de consulter le "parrain"


17 avril 2010 Québec
La ministre de la Justice, Kathleen Weil, a révélé à l’émission de Paul Arcand sur les ondes du 98,5 FM, hier matin, qu’elle consultait le premier ministre au sujet de la nomination des juges.

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Robert Dutrisac - Saint-Hyacinthe — Le premier ministre Jean Charest et chef du Parti libéral du Québec se mêle directement de la nomination des juges, contrairement à ses prédécesseurs qui maintenaient une distance entre eux et le système de justice.
«Je suis premier ministre du Québec, alors c'est tout à fait normal», a déclaré hier Jean Charest dans un point de presse en marge du conseil général du PLQ qui se déroule tout le week-end.
Le chat est sorti du sac quand la ministre de la Justice, Kathleen Weil, a révélé à l'émission de Paul Arcand sur les ondes du 98,5 FM, hier matin, qu'elle consultait le premier ministre au sujet de la nomination des juges. «Je consulte le premier ministre. Évidemment. C'est le patron», a-t-elle dit.
«On discute de quelques noms. Évidemment, le premier ministre est au courant de quelques noms», a-t-elle poursuivi. La ministre lui présente «les noms intéressants sur la liste. Et puis bon, on discute des noms sur la liste».
Tout au long de la semaine, le gouvernement a fait valoir que seule la ministre de la Justice avait accès à la liste. «La liste est confidentielle», a déclaré le premier ministre à l'Assemblée nationale.
Pour Jean Charest, son intervention «n'enlève rien au fait que la démarche est tout à fait étanche. Ce ne sont que les candidats jugés compétents par le comité de sélection qui sont considérés».
Pourquoi avoir caché durant toute la semaine que le premier ministre se mêlait du choix des juges? Parce que c'est une évidence, a répondu Jean Charest. «C'est évident que le premier ministre, qui prépare la réunion du Conseil des ministres, a la responsabilité justement de s'assurer que ce travail-là est fait. C'est tout à fait normal», a-t-il dit.
De toute façon, le juge à la retraite Michel Bastarache va se pencher sur la question, a souligné M. Charest. «Il aura l'occasion de voir de quelle façon les choses se passent.» Le gouvernement a donné mardi à cet ancien juge de la Cour suprême le mandat de mener une commission d'enquête sur les allégations de l'ancien ministre de la Justice Marc Bellemare concernant le trafic d'influence qui entourerait la nomination des juges.
Depuis sa nomination il y a 16 mois, Kathleen Weil a nommé une vingtaine de juges. Jean Charest s'en est mêlé «à peu près cinq fois», a indiqué la ministre sur les ondes de TVA. M. Weil a dit ne pas savoir ce que Jean Charest faisait des informations qu'il obtenait sur les candidats. Elle ne sait pas si elles étaient transmises à Chantal Landry, qui est en lien avec le parti et qui est la responsable des nominations gouvernementales au sein du cabinet du premier ministre.
Kathleen Weil ne sait pas si elle a nommé juges des péquistes. «Ce n'est pas dans le CV», a-t-elle dit. «Personnellement, je n'ai pas une connaissance de leur background politique. Je ne suis pas en politique depuis longtemps.»
Hier, les ministres libéraux présents au conseil général semblaient ne rien savoir du rôle du premier ministre dans la nomination des juges. C'est le cas de la vice-première ministre, Nathalie Normandeau, qui l'a appris en même que tout le monde hier, elle qui répétait cette semaine que seuls la ministre de la Justice et le comité de sélection avaient accès à la liste des candidats. Mais en bonne soldate, elle a défendu son patron. «Il ne faut pas se scandaliser [du fait] que la ministre de la Justice juge important, dans certaines circonstances, d'aller voir son premier ministre», a-t-elle avancé.
Yvon Marcoux, ministre de la Justice de février 2005 à avril 2007, a refusé de dire, hier, s'il consultait le premier ministre sur la nomination des juges. Il en parlera seulement devant la commission d'enquête s'il est appelé à témoigner, a-t-il dit.
Les interventions de Jean Charest dans la nomination des juges pourraient expliquer pourquoi Marc Bellemare aurait nommé trois juges contre son gré, comme il l'affirme.
Chose certaine, Kathleen Weil ne peut plus soutenir, comme elle le faisait encore hier et comme l'a fait Jean Charest cette semaine, que «les règles n'ont pas été changées par rapport à ce qui s'est toujours fait depuis 30 ans», c'est-à-dire depuis que Marc-André Bédard les a mises en vigueur en 1979.
En effet, ni Jacques Parizeau, ni Lucien Bouchard, ni Bernard Landry ne sont jamais intervenus dans la nomination des juges et ils n'ont jamais pris connaissance de l'identité des candidats, a signalé hier Paul Bégin, qui a été ministre de la Justice sous ces trois premiers ministres.
L'intervention du premier ministre actuel dans le processus est «tout à fait incompréhensible, a dit Paul Bégin au Devoir. Quand on est un juge, on n'est pas un politicien, on exerce un devoir. Sinon, la justice est en péril et la société est en péril».


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