Pour qui, comme moi, s’intéresse à l’égalité homme femme, il arrive parfois que de se voir confronté à des choix déchirants. Je vous le dis tout de go : j’avais résolu de ne plus voter pour le parti québécois, désolé de voir à quel point ce parti jadis porteur de changement social n'était plus qu’une triste et pâle auto parodie de ses splendeurs passées. Après deux référendums et un désintérêt persistant de l’électorat pour la souveraineté, dont le peu d’enthousiasme pour Option nationale, de Jean-Martin Aussant, demeure la manifestation la plus tangible, Pauline Marois ose réitérer son désir d’un troisième référendum à l’intérieur d’un premier mandat. Qui sait, si elle devient première ministre, elle aura à nouveau l’occasion de changer d’idée, selon les sondages, une manie à laquelle elle nous a désormais habitués.
Hormis l’idée fixe de la souveraineté, l’un des rares points d’ancrage qui différencie le PQ du parti libéral du Québec, devenu plus interventionniste que son adversaire, demeure la volonté d’instaurer une charte de la laïcité, qui baliserait une fois pour toutes les accommodements religieux. On sait avec quelle fermeté le gouvernement Charest s’est empressé d’oublier le très succint projet de loi 94, dont l’interdiction de la burqa et du niqab dans l’espace public, la moindre des choses, et celle des signes religieux visibles dans la fonction publique demeurent les principaux fers de lance.
Un vote pour le PQ, qui a rentabilisé une prise de position de l’Action démocratique du Québec, que son chef, Mario Dumont, n’a su exploiter, une fois devenu chef de l’opposition officielle en 2007, pourrait contribuer à dénouer l’impasse libérale, puisque que 85 % de la population québécoise refuse tout compromis sur les accommodements religieux. On voit mal comment Mme Marois, si elle devenait première ministre, pourrait refuser de poser un geste aussi profitable électoralement, mais sait-on jamais avec elle ?
Dans cette perspective, il reste difficile de voir un effet du hasard dans l’arrivée de Djemila Benhabib, candidate péquiste à Trois-Rivières, capitale de la Mauricie identifiée, depuis la saga d’Hérouxville, comme le berceau de la lutte à l’intégrisme religieux. Cette perception se voit amplifiée par le fait que la militante anti-islamiste bien connue a laissé derrière elle son emploi de fonctionnaire fédérale, et a décidé de jouer le tout pour le tout pour venir s’établir dans sa ville d’adoption et d’y rester, qu’elle gagne ses élections ou non.
Je l’ai dit dans ma chronique précédente, et je le répète : j’ai du mal à croire qu’une femme d’une telle envergure militante et intellectuelle ait consenti de semblables sacrifices à sa cause, sans qu’il ne se profile pour elle de compensation significative si elle se voyait élue au sein d’un gouvernement péquiste. Malgré son inexpérience politique, elle pourrait sans doute se voir confier un ministère, et celui de l’Immigration demeurerait le choix le plus logique. Reste à voir comment une femme aussi déterminée pourrait composer, en cas de désaccord, avec Pauline Marois, dont la rigidité a déjà provoqué des départs fracassants. Avant les démissions des Pierre Curzi, Lisette Lapointe et Louise Beaudoin, ses démêlés avec Diane Lemieux, alors leader parlementaire dans l’opposition, avaient déjà mené au départ hautement médiatisé de la « lionne de Bourget ».
Un atout pour les femmes…
Dans une perspective d’égalité homme femme (et non de privilèges indûment consentis à la gent féminine aux plans de la loi, de la santé et des services sociaux, de la discrimination positive à l’emploi, notamment dans la fonction publique provinciale, et aux hautes études, sans compter les bourses d’études universitaires exclusivement réservées aux étudiantes), la lutte aux accommodements religieux devrait se voir doublée d’une plus grande vigilance face aux comportements qui les sous-tendent.
Refuser à un islamiste le privilège injustifié de se voir uniquement servi par un homme à la Société d’assurance automobile du Québec, ou interdire le port du kirpan dans les aéroports, c’est la moindre des choses. Il est encore plus essentiel d’intervenir lorsque des femmes et des jeunes filles se voient menacées par des conjoints, frères, ou autres parents, parmi lesquels des femmes, d’ailleurs, de sévices aussi bien psychologiques que physiques qui menacent leur bien-être ou leur existence même. La tragédie des quatre femmes de la famille Shafia, tuées dans un contexte de crime d’honneur, par le père, sa seconde épouse et leur fils à Kingston, Ontario, bien que représentant un cas extrême, illustre bien qu’une charte de la laïcité ne suffit pas à prévenir des dérives autrement plus graves que l’entêtement stupide d’une fonctionnaire à porter le hijab.
Car enfin, si directions d’école, intervenants sociaux et policiers avaient été un tant soit peu plus attentifs, quatre vies auraient pu être sauvées. Rappelons-nous ces intervenants de la Direction de la protection de la jeunesse interrogeant l’une des jeunes filles … en présence de ses parents tortionnaires ! Lumineux, comme approche ! Fallait-il s’étonner qu’une gamine opprimée en arrive à se rétracter ? S’il y a une leçon vitale à retirer de l’affaire Shafia, c’est bien de ne plus banaliser le risque que représente les comportements médiévaux exercés par des individus pour qui l’épanouissement des conjointes et des enfants constitue une menace à leur pouvoir fanatisé. Des procédures préventives, garantissant une liberté d’expression aux victimes présumées, gagneraient fortement à se voir révisées ou instaurées, si nécessaire, devant les maladresses inexcusables accumulées dans ce dossier.
… Mais un danger pour les hommes.
Tout membre du gouvernement devrait avoir lu 300 000 femmes battues, y avez-vous cru ? un essai collectif d’une grande qualité qui dénonce, dans une optique sobre, articulée et très documentée, la dérive étatique survenue dans le courant des années 80, qui a posé les jalons d’un féminisme d’État hostile aux hommes et vampirique en deniers publics. Tout a commencé avec un mensonge inventé de toute pièce en 1980 par Mmes Andrée Cadieux et Linda MacLeod (qui devait se rétracter des années plus tard). Ces dames avaient décidé, sans aucune validation scientifique, qu’une femme sur dix était chroniquement battue par son conjoint au Canada, tout bonnement.
Grâce à des militantes bien intentionnées, ces chiffres dopés à l’hélium parvinrent aux oreilles de la ministre péquiste à la Condition féminine de l’époque, une certaine... Pauline Marois. Nul ne saurait dire quel(s) génie(s) est à l’origine de l’adaptation provinciale de cette lubie, toujours est-il que quelqu’un, quelque part, au ministère des Affaires sociales du temps, calcula en 1984 que 300 000 femmes étaient chroniquement battues par leur conjoint au Québec, rien de moins.
Dans l’essai cité plus haut, Jean-Claude Boucher et Jean-Pierre Gagnon démontent avec une minutie de laborantin le mécanisme de l’imposture méthodologique ayant mené à pareil Himalaya chiffré. En bref, la population du Québec représentait à l’époque six millions d’individus, dont la moitié, constituée, on s’en doute, de femmes. Une femme battue sur dix représentait donc 300 000 personnes, sur trois millions. Simple, n’est-ce pas ? Trop ! Il aurait fallu dès cette époque lancer un appel massif à l’immigration pour trouver autant de conjointes, de fait ou mariées, molestées. Car enfin selon pareil calcul, toute personne de sexe féminin, du bébé naissant à la veuve grabataire, se voyait incluse dans ce carnage présumé. On constate sans peine la grossière imposture de cette fausse statistique, la première d’une interminable série, qui allait déterminer les politiques sociales – et les budgets des organisations féministes – pour des années à venir.
En effet, les millions commencèrent à affluer, pour les groupes féministes, et l’inquisitoriale politique d’intervention en violence conjugale, permettant l’arrestation immédiate de tout homme sur simple dénonciation de sa conjointe, fut instaurée, rappelons-le, sur les bases d’une imposture chiffrée. De nos jours, près de 10 000 hommes seraient arbitrairement arrêtés et relâchés chaque année en vertu de cette politique. C’est en fonction de cette démonisation des hommes que le Barreau du Québec, trop heureux de voir s’ouvrir devant lui les portes d’un marché lucratif, jeta les bases de ce que Lise Bilodeau et Pierre Grimbert baptisèrent « l’industrie du divorce » dans leur essai De l’amour à la haine, vibrant plaidoyer dénonçant la misandrie de la justice familiale québécoise. Selon Mme Bilodeau, 16 000 avocats travaillent en droit familial.
Il n’est pas jusqu’au ministère de la Sécurité publique qui manipule l’opinion publique en prétendant faussement que 82 % des violences conjugales sont attribuables aux hommes, en faisant passer de simples signalements pour des infractions validées par des verdicts de culpabilité.
Bien sûr, le PQ n’est pas responsable de toutes les dérives, chiffrées ou législatives, visant les hommes. Force reste cependant de constater que c’est sous sa bannière que fut instauré le ministère de la Condition féminine (les libéraux, quant à eux, avaient déjà fondé le Conseil du statut de la femme en 1973) inauguré par Lise Payette, figure de proue de la misandrie québécoise. C’est également un gouvernement péquiste qui devait sensiblement accroître le financement des organismes féministes, puis lancer une inexorable chasse à l'homme étatique, avant que le PLQ ne prenne le relai dès 1989, au lendemain de la tuerie de Polytechnique. Les féministes d’État ne l’admettront jamais, mais Marc Lépine contribua fortement à l’augmentation de leur enveloppe budgétaire.
Deux idéologies déviantes
Dans l’optique de l’égalité homme femme, le Québec se voit menacé par deux idéologies déviantes : l’intégrisme religieux, principalement islamiste, mouvance patriarcale menaçant d’abord les femmes, musulmanes comme québécoises, et le féminisme d’État, d’inspiration matriarcale, asservissant hommes et garçons en faisant passer la réduction injustifiée de leurs droits pour la limitation de privilèges usurpés par des siècles de complot patriarcal.
Je reviens à mon dilemme. Le PQ demeure le seul parti susceptible d’être élu à prôner la limitation des accommodements religieux et le maintien d’une société laïque. Dans cette optique, la venue de Benhabib pourrait avoir un impact comparable à celui de l’arrivée de Jacques Duchesneau à la Coalition pour l’avenir du Québec. Malheureusement, il faut également que ce parti représente le pire choix quant à la reconnaissance d’une condition masculine que la potentielle future première ministre a été la première à déconsidérer. Le comble serait que, pour protéger les femmes de l’islamisme, Marois nomme Djemila Benhabib… à la Condition féminine !
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