Ça faisait un bout de temps qu’on nous avait épargné ce refrain. Il aura cependant fallu que le candidat péquiste et ancien député bloquiste, Serge Cardin, ouvre la boîte de Pandore avec ce commentaire larmoyant, prononcé récemment sur les ondes du 98,5 : «Y a peut-être des gens qui ne sont pas prêts à avoir une femme comme premier ministre. Et ça me déçoit grandement.» Vous savez quoi ? Je crois qu’il a parfaitement raison. De tels gens, aussi obtus que misogynes, existent bel et bien, et chez les deux sexes.
De là à conclure qu’on en dénombre suffisamment pour compromettre les chances de Mme Marois de devenir la première femme première ministre du Québec, surtout devant le premier ministre le plus impopulaire de l’histoire récente du Québec, c’est une autre histoire, et ce genre de commentaire maladroit, déjà formulé par le député mauricien Claude Pinard, passe de moins en moins bien aux yeux du public, comme en témoigne la volonté manifeste du PQ de passer prestement à un autre sujet.
Parce qu’elle est immigrante ?
Au fait, Djemila Benhabib se présente sous la bannière péquiste, à Trois-Rivières, en Mauricie, région considérée, grâce au code de vie d’Hérouxville, comme le berceau de la contestation des accommodements religieux. Je n’ai pas encore entendu la candidate, ni ses nombreux aficionados, affirmer qu’un éventuel échec électoral serait forcément attribuable à ses origines algériennes. Il semble que Mme Benhabib soit trop droite pour se livrer à ce chantage au procès d’intention, du genre « si vous ne votez pas pour moi, vous êtes racistes », attitude culpabilisante digne des islamistes que la militante combat avec ardeur depuis tant d’années.
Qu’il existe des gens qui ne voteront pas pour elle en raison de ses origines ethniques, c’est certain. Malgré le conservatisme inhérent à la circonscription trifluvienne, réputée cependant pour son extrême volatilité électorale, et le « fait » que, selon un récent reportage de Radio-Canada, elle ne serait que très peu connue dans sa future ville d’adoption, ce qui reste à confirmer, ses chances d’être élue restent bonnes, même si son parti devait mordre la poussière, devant la prolifération de tiers partis susceptibles de diviser le vote et de reporter au pouvoir…. Jean Charest.
Il est par ailleurs difficile d’imaginer que cette femme déterminée et volontaire ait accepté de quitter la sécurité de son emploi dans la fonction publique fédérale et ses tribunes médiatiques pour aller jouer les back benchers dans le parti de Mme Marois. Comme le PQ, malgré ses nombreux défauts, demeure le seul parti à prôner la mise en place d’une charte de la laïcité, qui débloquerait en partie l’impasse actuelle quant à la nécessité de baliser les accommodements religieux, devinez qui pourrait devenir éventuellement ministre de l’Immigration, si le PQ était porté au pouvoir le 4 septembre prochain ?
Les Américains ont bien élu un président noir…
Malgré la fragilité du PQ, qui a davantage à voir avec les gaffes répétées de sa chef qu’avec son sexe, ce scénario demeure plausible. Le peuple américain, souvent regardé de haut par nous, Québécois si évolués, comme des gens hyper conservateurs, bigots et racistes, ont bien porté au pouvoir en 2008 un président noir, contre toute attente. Et nous serions incapables d’élire Pauline Marois première ministre, simplement parce qu’elle est une femme ? Devrions-nous alors, pour contrecarrer une tendance aussi misogyne, envisager le sexe de l’intéressée comme un sauf-conduit, un privilège d’immunité diplomatique, nous obligeant à fermer les yeux sur les nombreuses bévues commises par elle depuis sa nomination à la tête du PQ ?
Pauline Marois n’a-t-elle pas fait preuve à maintes reprises d’un opportunisme déplacé, notamment par ses multiples volte-face, tantôt pour, tantôt en défaveur de la hausse des droits de scolarité, au fil des ans ? N’a-t-elle par trahi un manque de vision stratégique, de flair politique, par son entêtement à porter le carré rouge, malgré une majorité d’électeurs en faveur de la hausse des droits de scolarité, puis par la subite disparition du morceau de tissus incriminant, à l’approche des élections ? Ces bourdes n’auraient-elles pas pu être évitées, alors que la politicienne de plus de 25 ans d’expérience venait d’opérer une remontée notoire dans les sondages après avoir surmonté la – nouvelle - crise de son parti en juin 2011. Au fait, Louise Beaudoin et Lisette Lapointe, deux des trois députés démissionnaires, sont-elles parties parce que Mme Marois était une femme ?
Plusieurs sont montés aux barricades à la suite de la diffusion de la publicité douteuse du parti libéral montrant Pauline Marois martelant maladroitement ses casseroles. On peut toujours critiquer le mauvais goût de Jean Charest, mais qui est allée se placer dans une situation aussi potentiellement ridicule digne d’un Amir Khadir, qui a cependant fait mieux en provoquant sa propre arrestation.
Était-elle alors moins femme ?
La chef péquiste était-elle moins femme les quelques fois où elle a dominé momentanément les intentions de vote, ou quand elle fut accueillie comme la sauveure du PQ en 2007, ou encore quand elle a contribué à recueillir 35 % des votes aux élections de 2008 ? Était-elle moins féminine, plus hommasse, aurait dit Jeannette Bertrand ? On invoque souvent sa fortune, comme si elle avait été la seule à qui on lui en avait adressé le reproche. Et Pierre Trudeau et Jacques Parizeau ? Ne pourrait-on pas enfin envisager l’hypothèse que Pauline Marois partage le même atavisme que les Stéphane Dion ou Michael Ignatieff, des hommes dont les multiples maladresses ont jadis constitué une arme absolue pour leurs adversaires ? Qu'en reste-t-il aujourd'hui ?
Si, comme ça demeure possible, le PQ mord la poussière au terme de cette campagne électorale aux rebondissements imprévisibles, de nombreux facteurs pourront expliquer ce nouvel échec : volonté de Jean Charest de mener campagne à une époque où peu de gens ont la tête à la politique, donc faible participation ; perte de la spécificité qui rendait le PQ différent d’un parti libéral devenu encore plus interventionniste que lui ; refus des Québécois d’affrontements déjà envisagés comme incontournables par des péquistes mêmes avec Ottawa ; solidarité péquiste de façade envers le mouvement étudiant dans le dossier des droits de scolarité dont la facture pourrait échoir au contribuable ; rejet populaire d’un éventuel débat référendaire souhaité par les radicaux libres du PQ dès le premier mandat ; penchant marqué chez ce parti pour les psychodrames dont les électeurs ont soupé, mais, surtout, impopularité d’une chef de parti qui avait suscité de – trop ? - grands espoirs en 2007, mais dont la crédibilité s’est peu à peu flétrie au fil des ans.
Si Pauline Marois ne devient pas la première chef d’État québécoise, elle devra attribuer son échec à un ensemble de facteurs, dont certains ne lui incombent pas. Elle se verra néanmoins contrainte d’admettre sa part de responsabilité déterminante dans le choix des électeurs, attribuable à une aptitude presque surnaturelle à se tirer dans le pied. N’en déplaise à l’intéressée et à ses supporters, la fait qu’elle soit une femme n’aura jamais été un facteur significatif dans le résultat des élections, qu’elle soit portée au pouvoir… ou non.
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
12 août 2012M. Meloche,
Sauf erreur de ma part, selon la définition, le Québec, comme chaque province, est en fait un État fédéré.
C'est le mot "province" qui est inapproprié.
Archives de Vigile Répondre
5 août 2012Une femme à la tête du Québec ne serait pas un problème, il y a déjà 3 provinces qui ont des femmes élues. On se dit plus évolués que les canadiens, plus ouverts aussi, donc si le PQ perd ce ne sera pas pour cette raison.
Pas parce qu'elle est une femme, mais le genre de femme que beaucoup de voteuses n'aiment pas.
Archives de Vigile Répondre
5 août 2012Je rappelle que Pauline Marois deviendra - peut-être - la Première Ministre de la « province » de Québec. Elle ne sera pas Chef d'état (on aura beau écrire partout, dans des textes de propagande du gouvernement du Québec, le mot état, on n'en demeurera pas moins une « province »).
Madame Marois n'a pas le courage de l'idéal républicain. En ce sens, elle dévoile bien son provincialisme. Qu'elle soit une femme n'a rien à voir dans le débat. Madame Marois - comme une bonne partie des politiciens actuels - est incapable de mesurer la gravité de la situation internationale. Voilà pourquoi on élira peut-être, le 4 septembre prochain, une Première Ministre d'une province n'ayant aucune voie au concert des nations. Quand on est né pour un petit pain...