Volte-face sur le port des masques en France

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L'Académie de médecine contredit le gouvernement


Utiles ou inutiles ? Depuis un mois, les messages du gouvernement français n’ont pas varié d’une virgule à propos des masques. Ils seraient sans la moindre utilité pour la population en général. Jusqu’à hier encore, les responsables politiques étaient unanimes. Il ne servait à rien d’en généraliser le port.


Soudain, vendredi, un immense pavé est tombé dans la mare. Alors que la situation semble en voie de stabilisation dans les hôpitaux du Grand Est et de l’Île-de-France et que l’on commence à envisager des scénarios de « déconfinement », la prestigieuse Académie nationale de médecine a contredit tous les discours officiels tenus depuis un mois.


Selon la vénérable institution, « en France, […] le port généralisé de masques par la population constituerait une addition logique aux mesures barrières actuellement en vigueur ». Celui-ci s’impose d’autant plus, disent les médecins, qu’« il est établi que des personnes en période d’incubation ou en état de portage asymptomatique excrètent le virus et entretiennent la transmission de l’infection ».


 

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Depuis quelques jours, même les plus fervents adversaires de la généralisation du port du masque semblent en train de changer d’avis. Simple « réévaluation de doctrine », a déclaré de manière sibylline le ministre de la Santé, Olivier Véran. « Nous apprenons chaque jour avec ce nouveau virus », a ajouté samedi le directeur général de la santé, Jérôme Salomon. Avant d’admettre que « peut-être qu’un jour nous proposerons à tout le monde de porter une protection. Mais, on n’en est pas là ».


L’après-confinement


Pour le président de l’Académie nationale de médecine, Jean-François Mattei, la question se pose pourtant dès à présent. « Il faudra rendre le port du masque obligatoire dès que le déconfinement aura lieu », a-t-il déclaré sur France Info. Or, dit-il, celui-ci pourrait commencer dans deux ou trois semaines. À l’image de ce qui se passe en Asie et en Europe centrale, la région la plus touchée d’Italie, la Lombardie, a d’ailleurs déjà rendu obligatoire le port du masque, sous peine d’une amende de 400 euros. Dans les autres régions d’Italie, il est aussi fortement recommandé.


En France, si les masques médicaux sont impérativement réservés aux professionnels à cause de la pénurie, Jean-François Mattei suggère à la population de s’en fabriquer de manière artisanale. Depuis le week-end, ils se sont répandus comme une traînée de poudre dans les rues de Paris. Sur Internet, les tutoriels de fabrication se sont multipliés. À Draguignan, les sœurs de la Consolation se sont même mises à la confection de 300 masques en tissu par jour destinés aux policiers et aux commerçants.


Car, pour la plupart des experts, le déconfinement ne se fera pas sans masques. « On va probablement passer du confinement le plus uniforme possible à ces choses qui seront plus différenciées, en fonction des publics, en fonction des territoires », a déclaré le grand patron des hôpitaux de Paris, Martin Hirsch. Selon lui, un certain nombre de personnes « iront vers davantage de confinement » et d’autres « pourront avoir un degré de liberté supplémentaire ».


Selon le Dr Martin Blachier, du Public Health Expertise, la seule manière d’agir serait de « libérer » d’abord les moins de 65 ans à partir du 15 avril, par exemple. Cela permettrait aux moins vulnérables de s’immuniser. « Si jamais vous relâchez tout le monde le 30 avril, vous aurez 80 000 morts et une saturation des lits de réanimation, a-t-il déclaré au quotidien Les Échos. Avec un déconfinement progressif par âge, ce sera 12 000 ou 15 000 morts. »


Une campagne de tests


On estime aussi que le déconfinement devrait commencer par les régions les plus sinistrées, si le nombre d’admissions aux urgences décroît suffisamment pendant au moins deux semaines. C’est ce que préconise notamment un rapport américain intitulé « A Road Map to Reopening ».


Ce déconfinement progressif devrait s’accompagner d’une campagne massive de tests, précisent les experts. Notamment, ces fameux tests sérologiques permettant de déterminer en trente minutes à peine si une personne a contracté la maladie et est donc immunisée, théoriquement du moins.


En Bretagne, l’entreprise NG Biotech a déjà mis au point un tel test. D’abord réservé aux professionnels de la santé, il devrait être produit à environ 60 000 exemplaires en avril, selon le directeur du développement, Alain Calvo. Puis, à entre 300 000 et 500 000 exemplaires par mois en mai, pour atteindre un million en juillet. Mais tous ne s’entendent pas sur la place des tests. « Baser un scénario de déconfinement uniquement sur le fait de tester toute la population n’est pas réaliste, selon le Dr Martin Blachier. Cette stratégie ne peut pas remplacer le déconfinement par tranche d’âge », a-t-il déclaré sur RTL.


« Traçage » numérique


Faudra-t-il utiliser les techniques de « traçage » numérique de la population qui ont été généralisées en Asie ? Dès la mi-mars, le président Emmanuel Macron a mis sur pied un comité d’experts chargés de réfléchir à une « stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées ».


Mais, en France, les obstacles juridiques à une telle mesure, en matière notamment de protection des renseignements personnels, sont très nombreux. Selon le secrétaire d’État au Numérique, Cédric O, seul un dispositif volontaire, comme « Trace Together » utilisé à Singapour, serait à l’étude. Utilisant le signal Bluetooth, il permet aux volontaires qui le téléchargent de savoir s’ils ont été à moins de deux mètres d’une personne infectée, si celle-ci accepte évidemment de se déclarer.


Même si personne n’ose avancer de calendrier précis, un responsable du déconfinement a déjà été nommé par le gouvernement. Haut fonctionnaire, Jean Castex est un professionnel de la santé doublé d’un expert de la politique puisqu’il a été secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Nicolas Sarkozy.


Dans tous les scénarios envisagés, il faudra porter des masques et, surtout, continuer à respecter les gestes barrières. Le retour de la bise ne semble pas pour demain.



Les décès en hausse


L’épidémie de coronavirus a fait près de 9000 morts depuis début mars en France, dont 833 au cours des 24 dernières heures, a indiqué lundi le ministre français de la Santé, Olivier Véran. Sur ces décès supplémentaires, 605 sont survenus en milieu hospitalier, les autres dans des établissements pour personnes âgées ou dans des établissements médico-sociaux, a précisé le ministre. Lueur d’espoir peut-être, l’augmentation du nombre de patients traités aux soins intensifs a pour une première fois ralenti depuis le début des mesures de confinement le 17 mars (94 patients de plus). « Nous ne sommes pas au bout de l’ascension épidémique », a tenu à préciser Olivier Véran. Il a également appelé les Français à ne pas se relâcher concernant le confinement, dont il a jugé « l’impact [...] visible dans les territoires où le virus circule beaucoup ».


Agence France-Presse





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