Vladimir Poutine au centre de l'activité diplomatique sur le dossier nucléaire iranien

Géopolitique — nucléaire iranien


Voyage de Vladimir Poutine en Iran, voyage d'Ehud Olmert à Moscou, déclarations de George W. Bush et de Mahmoud Ahmadinejad, rencontre entre Angela Merkel et Vladimir Poutine: la question du nucléaire iranien est au centre de l'activité diplomatique des six chefs d'Etat se préoccupant du dossier à l'ONU (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité -- France, Russie, Chine, Etats-Unis, Grande-Bretagne -- plus l'Allemagne) mais surtout du président russe Vladimir Poutine. Petit résumé des étapes de la semaine dans le processus en cours.
09 octobre: Nicolas Sarkozy rencontre Vladimir Poutine à Moscou. A l'issue de cette première visite officielle en Russie, le président français, grand partisan de sanctions internationales contre l'Iran, déclare un peu vite en conférence de presse qu'il y a entre lui et Vladimir Poutine une "convergence de vues" sur le dossier du nucléaire iranien. Le président russe remet les choses au point dès le lendemain en déclarant que "Nous n'avons pas d'information sur la volonté de l'Iran de développer l'arme nucléaire. Il n'y a pas de données objectives là-dessus. C'est pourquoi nous partons du principe que l'Iran ne nourrit pas de tels projets."
12 octobre: La secrétaire d'Etat Condoleezza Rice et le secrétaire à la Défense Robert Gates se rendent à Moscou pour discuter du dossier du bouclier antimissile que Washington veut déployer en Europe (Pologne et République tchèque) pour soi-disant répondre à une menace de "pays voyous" comme l'Iran. Vladimir Poutine ne voit pas l'intérêt de ces bases militaires états-uniennes en matière de défense européenne et considère qu'il s'agit plutôt d'une menace directe pour la sécurité de la Russie. Il a déjà prévenu que son pays déploierait à son tour des missiles si les Etats-Unis persistaient dans leur projet. La question du nucléaire iranien est également abordée au cours de cet entretien aux accents de nouvelle guerre froide.
14 octobre: Vladimir Poutine rencontre la chancelière allemande Angela Merkel lors d'un sommet à Wiesbaden (Allemagne). Tous deux vantent une relation constructive entre Berlin et Moscou et soulignent leur volonté de trouver une solution diplomatique dans la crise sur le programme nucléaire iranien. Mais, contrairement à Angela Merkel qui se dit prête à soutenir de nouvelles sanctions de la communauté internationale contre le pays de Mahmoud Ahmadinejad, le président russe met en avant l'exemple positif de la Corée du Nord et déclare que seul le dialogue est envisageable, de nouvelles pressions sur le peuple iranien n'ayant selon lui aucun sens.
16 octobre: Malgré les menaces d'attentat, Vladimir Poutine rend visite à son homologue Mahmoud Ahmadinejad et au numéro 1 du régime islamique iranien, le guide suprême Ali Khameneï, à l'occasion du Sommet des Etats riverains de la Caspienne (Iran, Russie, et anciennes Républiques soviétiques du Kazakhstan, du Turkménistan et de l'Azerbaïdjan). Il s'agit de la première visite à Téhéran d'un président russe depuis celle de Staline en 1943. Vladimir Poutine insiste sur le droit de Téhéran à produire de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques et répète son refus de durcir la position vis-à-vis de l'Iran. Il réaffirme que Moscou, qui détient un droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, et qui s'est associé aux deux premières séries de mesures, n'entérinera pas un troisième train de sanctions diplomatiques et économiques. Avec Mahmoud Ahmadinejad, il insiste sur la nécessité de régler la crise nucléaire iranienne par la voie diplomatique et par la négociation. Surtout, Vladimir Poutine déclare que "nous ne devrions même pas songer à faire usage de la force dans cette région" et signe un pacte de non-agression et d'assistance mutuelle avec les autres pays riverains de la mer Caspienne. Les cinq pays signataires sont d'accord pour développer librement leur nucléaire civil, conformément au traité de non-prolifération nucléaire (TNP), et préviennent qu'ils n'accepteront "sous aucune circonstance" une agression militaire contre un pays de la région, ce qui met en émoi Ehud Olmert et George W. Bush.
18 octobre: Le premier ministre israélien Ehud Olmert effectue une visite éclair au Kremlin pour s'entretenir avec Vladimir Poutine. Selon certains médias, Ehud Olmert lui montre des photos satellites de sites nucléaires iraniens qui seraient en construction. Il évoque aussi les livraisons d'armes de la Russie à l'Iran et à la Syrie, ces armes étant ensuite soi-disant redistribuées au Hezbollah libanais. Le président russe lui répond qu'il comprend les inquiétudes et les impératifs sécuritaires d'Israël mais qu'il est opposé à toute action militaire pour résoudre la question iranienne. Le même jour George W. Bush se manifeste depuis la Maison blanche en évoquant la menace d'une troisième guerre mondiale. Le président américain qui, de la même façon qu'il agitait la menace d'armes de destruction massives en Irak, a déjà agité à plusieurs reprises le spectre d'un "holocauste nucléaire" et s'attaque de nouveau violemment à Mahmoud Ahmadinejad. Selon lui, il y a en Iran "un dirigeant qui appelle à la destruction d'Israël [et] si nous voulons empêcher une troisième guerre mondiale, il faut tout faire pour que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire". Il profite de sa conférence de presse pour réclamer à Vladimir Poutine des éclaircissements sur ses propos et un compte-rendu des entretiens qu'il a eu avec Mahmoud Ahmadinejad.
19 octobre: On en est là à la date d'aujourd'hui, sachant que le ballet diplomatique va se poursuivre dans les prochains jours avec l'offensive diplomatique d'Israël qui n'a de cesse de pousser la communauté internationale à en découdre avec l'Iran. Ehud Olmert débarquera en visite officielle à Paris du 21 au 23 octobre pour discuter du dossier iranien avec le tout récent divorcé Nicolas Sarkozy. Le Président de la République est déjà tout acquis à ses positions va-t-en-guerre. Il est en effet l'un des plus actifs partisans de sanctions sévères de l'ONU et il n'a pas hésité à déclarer devant le corps diplomatique français que ce sera "la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran". Son ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner a confirmé l'intention du chef de l'Etat en assurant qu'il faut se préparer à la guerre. Le premier ministre israélien ira ensuite propager sa bonne parole et ses photos satellites à Londres auprès de Gordon Brown, oubliant comme d'habitude de signaler qu'en matière de prolifération son propre pays s'est doté en toute illégalité et sans être inquiété de l'arme nucléaire (de même que l'Inde et le Pakistan). La ministre des Affaires étrangères israélienne, Tzipi Livni, doit quant à elle partir samedi 20 octobre pour Pékin. Elle tentera de convaincre la Chine, actuellement comme la Russie opposée à de nouvelles sanctions, de s'associer à une résolution de l'ONU contre l'Iran. Pour l'instant, suite à l'engagement de Téhéran de coopérer pour montrer que son programme d'enrichissement d'uranium respecte les principes du traité de non-prolifération nucléaire, le Conseil de sécurité des Nations Unies a décidé d'attendre la remise du rapport de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA), ce qui reporte le vote d'une éventuelle résolution au plus tôt à décembre prochain.
Mais le rôle de Vladmir Poutine dans la bataille diplomatique n'est pas terminé. Le président russe dispose d'arguments de poids pour tenter d'empêcher les docteur Folamour de l'axe américano-franco-israélien d'aller bombarder l'Iran au risque de déclencher une terrifiante guerre mondiale. Il est l'un des membres du quartet des médiateurs internationaux pour le Proche-Orient (avec les Etats-Unis, l'ONU et l'Union Européenne), un dossier épineux concernant directement Israël et dans lequel ses relations, entre autres avec la Syrie, peuvent avoir leur importance à la veille de la conférence de paix israélo-palestinienne prévue à Annapolis (Etats-Unis) en novembre.
Selon certains observateurs, Vladimir Poutine est également le meilleur médiateur du moment avec le régime iranien puisque le durcissement de la position française le place en position d'interlocuteur privilégié de Mahmoud Ahmadinejad. La Russie étant l'un des principaux fournisseurs d'armes à l'Iran, en particulier d'avions et de systèmes de défense anti-aériens, en même temps que son principal partenaire en matière d'industrie nucléaire -- c'est elle qui l'aide notamment à construire son premier réacteur nucléaire à la centrale de Bouchehr (travaux actuellement interrompus à l'initiative de Moscou) -- elle est bien placée pour contrôler le programme d'enrichissement d'uranium et arracher des concessions diplomatiques à Téhéran.
Enfin, avec la mise en place de partenariats dans les domaines pétrolier, gazier et spatial entre la Russie, l'Iran et les pays de la Caspienne, étendus à la Turquie et à la Syrie, Vladimir Poutine contrecarre sérieusement les visées des États-Unis en matière géopolitique et géostratégique. L'exploitation et le contrôle des ressources énergétiques de la région est en effet d'une importance considérable pour les Etats-Unis et c'est sans doute là, au delà du dossier nucléaire iranien, le grand enjeu de la crise actuelle.
- Source: La République des Lettres, vendredi 19 octobre 2007


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