Avant même sa sortie en salles au Canada, le film Unplanned soulève la controverse. Au centre de cette polémique, le propriétaire de salles Vincent Guzzo, qui sera le seul au Québec à présenter ce long métrage.
Ce film, qui a été taxé de propagande anti-avortement et qui a été financé par des militantes pro-vie, a été accueilli par des manifestations aux États-Unis.
Vincent Guzzo a décidé de présenter le long métrage au nom de la liberté d'expression, lui qui est favorable à l'avortement.
Je pense que c'est un film typique américain catégorie B, que si ce n’était pas pour la controverse qu'on a voulu lui faire [...] je pense qu'il y a beaucoup de monde qui n’aurait même pas voulu aller le voir
, explique-t-il.
Mais devant le nombre grandissant de plaintes qu’il reçoit, M. Guzzo va plus loin et avoue avoir personnellement contacté des personnes qui ont envoyé une plainte à partir de son site Internet, une pratique qu’il dit faire régulièrement lorsqu’on s’adresse à lui directement.
Puisque les attaques sont envers moi, envers la décision de M. Guzzo de présenter le film, c’est moi qui ai appelé. Je ne les ai pas appelés pour essayer de convertir du monde ou pour montrer que j’avais raison. J’ai eu une discussion d’opinion avec trois personnes et personne n’avait vu le film.
De ce nombre, Karine Richard, qui réside dans la région de Montréal, a écrit deux messages publics sur sa page Facebook. Un premier pour s'opposer à la diffusion en salle du film, qu'elle qualifie de « propagande » et de mensonger.
Elle a publié un deuxième message pour dénoncer le ton utilisé par M. Guzzo lors d'une conversation téléphonique, se moquant au passage de l'accent du propriétaire de la chaîne du même nom.
Selon ses dires, elle n’a « jamais pu placer un mot » et a invité les gens à écrire au cinéma s’ils souhaitaient se « faire crier après ».
M. Guzzo soutient toutefois ne jamais avoir élevé le ton lors de cette conversation.
Contactée par Radio-Canada, Mme Richard avoue cependant avoir réécrit à M. Guzzo après leur conversation et espère pouvoir lui reparler, une fois qu’il aura lu son premier courriel au complet. Elle a aussi pris la peine de regarder la bande-annonce du film, comme lui avait proposé le président des Cinémas Guzzo.
Le formulaire de plainte disponible sur le site de l'entreprise est conçu de manière à ce que M. Guzzo reçoive les récriminations des clients dans sa boîte courriel. Il transfère ensuite les requêtes aux personnes concernées, dit-il.
Des messages de soutien ont également été envoyés à M. Guzzo depuis l'annonce de la présentation du film. Radio-Canada a pu consulter certains messages.
Cineplex présentera le film, mais ailleurs au pays
Cineplex a aussi reçu un grand nombre de plaintes, mais a décidé de ne pas diffuser le film au Québec. Il le présentera cependant dans quelques salles ailleurs au pays.
Dans un communiqué publié sur Twitter, l’entreprise a fait savoir que, selon elle, il appartient aux gouvernements provinciaux et territoriaux, par l’intermédiaire des conseils de classification des films, de déterminer si le contenu convient aux cinéphiles et respecte les paramètres relatifs à l’âge des cinéphiles
.
Le Canada est un pays qui croit en la liberté d’expression et qui s'y rallie, mais ce n’est pas toujours facile à faire. Et une chose est sûre, c’est que cela ne nous rend pas toujours populaires. Dans le cas présent, beaucoup d’entre nous vont devoir mettre de côté leurs convictions personnelles et se rappeler que vivre dans un pays qui censure le contenu, les opinions et les points de vue de chacun n’est pas un pays dans lequel nous souhaitons vivre
, écrit Ellis Jacob, président et chef de la direction de Cineplex
Le film Unplanned a soulevé une tempête aux États-Unis. Cette fiction, basée sur un fait réel, raconte l'histoire d'Abby Johnson, une directrice de clinique d'avortement qui devient militante pro-vie.
Des opinions qui s’entrechoquent
La ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie Mélanie Joly a aussi critiqué Vincent Guzzo en disant que son choix de présenter le film est une décision politique pour faire reculer le droit des femmes.
Ce que je vous dis, c’est que fondamentalement la diffusion de ce film-là a des répercussions parce que c’est une campagne de propagande, importée des États-Unis, qui vise à influencer les femmes sur des bases morales pour les empêcher de prendre des décisions éclairées
, a-t-elle affirmé.
C'est baveux et ça démontre le mépris qu'elle a pour moi et pour Monsieur et Madame Tout-le-Monde qu'elle ne veut pas qu'on voie le film. Son commentaire est à son image, quelqu'un qui n’est pas pris au sérieux, parce qu'elle n'est pas sérieuse
, répond M. Guzzo, qui est un bailleur de fonds pour le Parti conservateur.
Pour le président de la campagne Québec-Vie, Georges Buschemi, ce film, basé sur la vie de l'icône pro-vie Abby Johnson, contribuera à rouvrir le débat sur l'avortement au pays.
Je pourrais dire qu'elle représente ce que la société était ou est maintenant, comme le Québec est l'Abby Johnson d'avant, et ça pourrait être l'Abby Johnson d'après. Le Québec peut se transformer, mais a besoin d'être touché de la même manière
, dit-il.
Au contraire, pour Véronique Pronovost, une doctorante en science politique à l'Université du Québec à Montréal et membre du Chantier sur l'antiféminisme du Réseau québécois en études féministes, le film contribue à diffuser des contre-vérités sur l'avortement.
Le problème avec ça, c'est que ça vient symétriser deux positions, comme si justement le fait de dire je suis pro-choix, je suis pro-vie se valaient alors qu'une est basée sur les croyances, sur la foi et sur les pseudo vérités médicales qui ont été mainte fois réfutées. Alors que de l'autre côté, il y a la position pro-choix qui est argumentée et qui est légitimée par toutes les études scientifiques
, répond-elle.
Le film doit prendre l'affiche vendredi.
Avec des informations de Nabi-Alexandre Chartier