Traitement de l'information

Vérification des faits et liberté d’expression, un mariage voué à l’échec?

Tribune libre

Dans la foulée de X, Meta met fin à sa politique de vérification des faits pour mettre de l’avant celle des Notes Complémentaires, lesquelles émergent directement des usagers, alléguant de la sorte la protection de la liberté d’expression et, en corollaire, l’exclusion de la censure. De facto, la vérification des faits et la libre expression s’avèrent-ils des concepts inconciliables? Dans l’instabilité politique dans laquelle nous plongera l’arrivée de Donald Trump à la tête des États-Unis, cette question m’apparaît tout à fait pertinente, voire cruciale.

Mais au fait, où se situe la ligne rouge qui délimite la frontière entre la liberté d’expression et la vérification des faits? Sur quels critères se baser pour établir que tel message doit être censuré? De fait, y a-t-il une limite à la liberté d’expression? «L’Internet échappe aujourd’hui aux contrôles légaux raisonnables de nos démocraties. Pour le meilleur et pour le pire, les messages les plus divers sont déversés à tous, sans l’assurance de la capacité de discernement de ceux qui les reçoivent», peut-on lire sur le Web. À cet effet, aux yeux de Russ Burley, cofondateur du Centre de résilience de l'information, «les efforts pour protéger la liberté d'expression sont essentiels, mais reculer sur la vérification de faits sans solution de rechange crédible ouvre la porte à un flot de contenus encore plus dangereux».

À mon sens, et la liberté d’expression et la vérification des faits doivent cohabiter et, particulièrement dans un monde où la désinformation occupe de plus en plus d’espace sur les médias sociaux, un phénomène croissant qui doit être contré sans ménagement par un organisme neutre et indépendant des GAFAM. En contrepartie, bien que la liberté d’expression inclue le droit d’exprimer des opinions controversées et dérangeantes, et de critiquer des idées et des valeurs sans avoir peur de représailles, elle n’est pas absolue et ne doit pas primer sur les autres droits garantis par la Charte des droits et libertés de la personne telle la liberté de religion ou de genre.

Somme toute, «le diable est dans les détails» nous rappelle un adage bien connu. Et c’est dans cet esprit que nos gouvernants, dans le cadre d’une société démocratique, doivent faire preuve de clairvoyance et de prudence dans l’établissement des règles régissant la vérification des faits et la liberté d’expression... C’est une question de stricte cohérence et de saine convivialité sociétales.



Henri Marineau, Québec



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1 commentaire

  • François Champoux Répondre

    17 janvier 2025

    17 janvier 2025



    Bonjour M. Marineau,

    Encore une fois merci de votre réflexion.


    J’ai connu la censure du Comité de Simplicité volontaire de Québec lequel est lié au groupe “Les amis de la Terre de Québec” dont je suis membre. J’avais dénoncé dans le journal périodique du comité, les politiques de dons, commandites et subventions de la Caisse d’économie solidaire Desjardins, à même l’exploitation des 23 000 membres ordinaires, au bénéfice de seulement 300 membres-entreprises de la Caisse. Imaginez : toutes les ristournes annuelles ne sont remises qu’à des membres-entreprises choisis à la seule discrétion de la direction de la Caisse. Cette manigance coopérative se trafique depuis plus de 50 ans! Parmi ces membres-entreprises favorisés par la direction de la Caisse se retrouvait le journal Le Devoir qui prétend être 100 % indépendant dans sa publicité.


    Le Mouvement Desjardins est une institution financière qui peut maintenant acheter le silence du 4e pouvoir de pratiquement tout le Québec; la transparence des “Coopératives de l’information” sur leur financement demeure douteuse : j’ai demandé la liste de leurs donateurs qui peuvent bénéficier du reçu de charité (!) et la liste ne présentait que les donateurs de l’Estrie; Desjardins était parmi le plus important. J’ai aussi demandé la liste des donateurs du journal La Presse et celle-ci était complète : on y a découvert des dons importants (200 000. $ en deux ans) par Desjardins (le plus important donateur), toujours bénéficiaire des reçus de charité. Faire des dons avec l'argent issu de l'exploitation des sociétaires et en retirer les reçus de charité: ça me semble là un abus de pouvoir bien contourné par des lois permissives. 


    Je pense bien modestement que, si les réseaux sociaux sont devenus ce qu’ils sont aujourd’hui, c’est aussi probablement à cause des censures que nous avons connues dans le passé par nos propres démocraties et autorités de celles-ci. Je rappelle que “Nègres blancs d’Amérique” de Pierre Vallières a été censuré lors de sa parution en 1968, considérée comme une oeuvre de sédition. 


    Les autorités ont peur de la vérité ou de la recherche de celle-ci. Le Mouvement Desjardins, par l’autorité de sa présidente Monique F. Leroux, a institutionnalisé et légalisé par sa loi sur les coopératives de services financiers, deux règlements de régie interne (4,6 et 4,7) lesquels exigent des sociétaires d’être de bons membres sous la menace d’une exclusion radicale et arbitraire par le conseil d’administration de la Caisse! Pire : si vous contestez (une juste défense qui ne peut se faire que par écrit seulement) votre exclusion radicale et arbitraire, par des arguments qui démontrent justement cet arbitraire, vous serez condamné davantage par cette contestation et votre démonstration de l’arbitraire pour votre défense. Depuis 2011, je l’ai subi 7 fois de 7 Caisses Desjardins différentes.


    Je vous félicite de vous indigner; “Indignez-vous” disait Stephan Hessel en 2010 avant de mourir à l’âge de 95 ans. C’est notre devoir de nous lever dignement contre l’autorité qui déraille, contre l’arbitraire, car l’humain est un être irrationnel nous a démontré Freud et combien d’autres. C'est le juste débat que la démocratie doit favoriser; sans menace de représailles. 

     

    Les réseaux sociaux ne font pas que de la désinformation; il faut rendre à César ce qui revient à César. Ce que vous faites par la publication de vos opinions dans le journal Vigile Québec est une expression d’une information; seul l’esprit critique des gens fait la différence à savoir si vous dites juste ou non. L’éthique journalistique des journaux n’en fait pas plus : elle ne va pas jusqu’à bénir de son autorité du 4e pouvoir nos dires que nous leur demandons de publier; c’est à chacun de juger selon sa conscience. Évidemment, si un journaliste de métier ose confirmer ou infirmer les écrits d’un citoyen, là il y a une vérification des faits qui vient faire une différence importante. Le journal ose alors s’impliquer ouvertement “pour” ou “contre” le citoyen. C’est plutôt très rare, sinon jamais. Publier une opinion ne la confirme pas.


    Vous faites une référence à la charte des droits et libertés et à notre peur de représailles; c’est là justement tout le risque des citoyens ordinaires : nous n’avons pas la puissance des autorités qui elles, ont tous les pouvoirs et celui de la loi avec une armée d’avocats dédiée à la faire respecter. C’est le problème quasi éternel de la justice : c’est l’injustice qui est universelle et non la justice. Il faut être nanti pour se payer la justice! 


    Est-ce là une simple question de stricte cohérence et de saine convivialité sociétales, comme vous le dites? Je pense malheureusement que c’est plus compliqué que ça, mais oui, la “simplicité volontaire” (non censurée) pourrait faire une différence si les autorités rendaient accessible la justice. Ce n’est pas demain la veille, n’est-ce pas?




    
François Champoux, Trois-Rivières