Une victoire avec un goût de défaite

Élection Québec 2012


Pauline Marois a remporté les élections. Elle formera le prochain gouvernement. Elle sera la première femme à diriger le Québec, ce qui est un motif de réjouissance. Mais son gouvernement sera minoritaire, et sa victoire est si fragile qu'elle prend les allures d'une défaite.
Il n'y a en effet rien de remarquable ou de significatif à ce que les péquistes aient réussi à chasser un gouvernement libéral usé. Une victoire à 32%, c'est une victoire anémique, sans élan, sans enthousiasme.
La chef du PQ, qui avait recueilli 35% des voix en 2008, n'a pas réussi à augmenter ses appuis depuis quatre ans, malgré l'extrême impopularité de son adversaire, Jean Charest. Elle réclamait une majorité, mais elle aura, comme elle le craignait, les mains menottées, et devra se contenter, avec 55 députés, de mener la barque instable d'un gouvernement minoritaire.
Cette élection a mis en relief les limites de notre mode de scrutin. Dans des luttes à trois, comme c'est le cas cette année, le parti victorieux est condamné à l'emporter avec un niveau d'appui relativement faible. Ce problème ne serait pas réglé par un système proportionnel, bien au contraire. Mais la quasi-impossibilité pour le parti victorieux de séduire un pourcentage significatif de la population lui impose une grande prudence et une grande humilité dans la façon dont il interprétera sa victoire et la nature de son mandat.
Mme Marois doit prendre acte du fait qu'une forte majorité de Québécois, aux alentours de 58%, ceux qui ont choisi le PLQ ou la CAQ, n'endossent manifestement pas son programme, et que ces deux partis constitueront une opposition féroce. Et qu'une majorité plus forte, plus des deux tiers, endosse encore moins sa stratégie souverainiste, puisque l'appui à l'indépendance, à 29%, n'a jamais été aussi bas.
Pauline Marois n'aura pas de marge de manoeuvre.Si elle tente de mettre en oeuvre ses politiques sans tenir compte des limites sérieuses du mandat qui lui a été confié, elle aura rapidement un problème de légitimité. Elle devra faire preuve de doigté, de prudence, et d'un sens aigu de la démocratie, si elle veut survivre. Dans son allocution de fin de soirée, elle a manifesté ce désir de dialoguer et de rassembler.
La défaite du Parti libéral était prévisible. Un gouvernement, après trois mandats, et après neuf ans au pouvoir, souffre inévitablement d'usure, provoque inévitablement une lassitude dans la population. Le désir de changement était sain. Mais, grâce à la prime à l'urne, la défaite est beaucoup moins cinglante que ce que nous annonçaient les sondages, sauf pour Jean Charest lui-même, battu dans sa circonscription. Avec 31% des appuis et 49 sièges, les libéraux, qui formeront l'opposition officielle, n'ont pas été balayés et pourront se ressourcer, et sans doute devront se trouver un nouveau chef.
La surprise de cette fin de campagne, ce sont les résultats obtenus par la Coalition avenir Québec, les véritables victimes de notre mode de scrutin. Avec un taux d'appui honorable de 27%, la CAQ n'a obtenu que 19 sièges. Mais il n'en reste pas moins que François Legault a transformé la dynamique de cette campagne, que son parcours a été remarquable, lui qui a réussi à créer un parti et à l'imposer. Malgré des résultats décevants, la CAQ pourra profiter de son séjour à l'Assemblée nationale pour consolider son équipe et pourra se servir de cette élection comme d'un tremplin pour la prochaine fois.
Car cette prochaine fois n'est sans doute pas loin. On sait que les gouvernements minoritaires n'ont pas une longue durée de vie. Les chances sont fortes que le gouvernement Marois soit encore plus éphémère.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé