Une stratégie transparente

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Durer longtemps ? Au rythme auquel se précipitent les événements, certainement pas

Bon, on va faire ça court.
Nous allons parler de la CALVDLEDNRDLEAQDEELFELHEELDDA.

Un sigle, c'est quand même moins long qu'un titre de 29 mots.
Mais il faudra s'habituer, car cette affaire va durer très, très longtemps.
On pourrait abréger le sigle en «calv», mais cela pousserait des petits comiques à dire que le projet est «bon (ou mauvais) en calvaire», alors on va laisser faire. Pour faire simple, nous parlerons du projet de loi 60.
Du fond des âges, il me revient que c'était le numéro de la loi créant le ministère de l'Éducation, en 1964... on parlait à l'époque du «bill 60». Comme quoi les projets se suivent et ne se ressemblent pas.
Le premier projet numéroté 60 était progressiste, celui-ci constitue une régression vers l'époque de Maurice Duplessis, une époque où l'on trouvait normal que la majorité fasse fi des droits individuels des minorités. Voir à ce sujet la loi du cadenas.
Je disais, donc, que cette affaire va durer très longtemps. Pour la simple raison que le gouvernement Marois entend en faire le fer de lance de la prochaine campagne électorale.
Le gouvernement n'a aucun intérêt à faire les compromis qui lui vaudraient peut-être l'appui de la CAQ. Pas plus, d'ailleurs, qu'il n'a voulu en faire au sujet des projets de loi sur la langue, les mines et le gaz de schiste. Dans tous ces cas, le gouvernement a préféré jeter ses projets à la trappe plutôt que de les édulcorer le moindrement.
Ou cela indique un entêtement ahurissant de la part d'un gouvernement minoritaire, ou cela indique une stratégie bien définie. Je penche pour la seconde hypothèse.
Le gouvernement compte axer sa prochaine campagne électorale sur des thèmes identitaires, en réclamant une majorité afin de faire passer les projets qui auront été défaits cet automne par l'opposition. Le projet de loi 14 pour défendre une langue menacée par les vilains Anglais, les projets de loi sur les mines et le gaz de schiste pour défendre la pureté du sous-sol menacée par les vilains promoteurs, le projet de loi 60 pour défendre la majorité catho-laïque menacée par les vilains porteurs de foulards et de kippas...
Le gouvernement n'a aucun intérêt à faire preuve de flexibilité pour faire passer au moins les éléments de sa charte qui ne portent pas à controverse. Il a au contraire tout intérêt à garder son projet intact, et à laisser la marmite au chaud sur le feu, jusqu'à ce qu'il puisse régler le feu à «max» quand viendra le temps des élections.
La preuve en est que le projet de loi est encore plus radical et autoritaire (c'est un euphémisme) que la première mouture de la charte.
On étend l'interdiction des signes religieux aux entreprises privées faisant affaire avec le gouvernement. L'interdiction pourra aussi s'appliquer à tous les organismes subventionnés, ce qui inclut entre autres la totalité des organismes communautaires et des institutions culturelles. On élimine le droit de retrait renouvelable, sauf pour les hôpitaux et encore seulement dans certains cas, au bon jugement du gouvernement (c'est la clause «Jewish», pour l'Hôpital général juif de Montréal... les péquistes ont peur de voir partir les médecins juifs dont eux-mêmes pourraient avoir besoin!).
La stratégie va bien au-delà de la prochaine campagne électorale. S'il remporte une majorité, le gouvernement remettra la charte sur les rails, attendant les contestations judiciaires du fédéral. Un autre affrontement Québec-Ottawa, et cette fois sur un sujet émotionnel et explosif, qui mettra une partie des francophones en colère. Ottawa et le «Canada anglais» bloquant un projet identitaire québécois... quel beau thème référendaire!


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