Une question de leadership

Qui sait quelles plaques tectoniques l'affaire Couillard-Bernier finira par faire bouger?

"L'affaire Maxime Bernier"

On dirait bien que la question du "leadership" dont les conservateurs voulaient faire leur thème principal lors de la prochaine campagne électorale vient de prendre le bord.
Face à Stéphane Dion, Stephen Harper entendait se présenter la prochaine fois comme l'incarnation même d'un leadership fort. Avec l'affaire Couillard-Bernier, on oublie ça.
Voilà que le premier ministre le plus contrôlant de l'histoire du Canada n'a pas levé le petit doigt avant qu'il n'y soit forcé. Le problème était pourtant sérieux: un ministre des Affaires étrangères entretenant une relation amoureuse avec une femme ayant eu des liens intimes avec des membres du crime organisé. La chose était bien plus troublante que la danse loufoque des Joe Louis en Afghanistan!
L'absence de leadership se mesure aussi à l'entêtement de Harper à vouloir réduire la relation de Julie Couillard et de Maxime Bernier à une question de vie privée. Quelques heures à peine avant que Bernier ne soit enfin "démissionné", le PM poussait même la désinvolture jusqu'à déclarer: "Ce n'est pas un sujet que je prends au sérieux." Et maintenant, monsieur Harper?
En fait, si TVA n'avait pas diffusé cette entrevue surréaliste où Couillard révélait que Bernier avait "oublié" chez elle, vers la mi-avril, des documents hautement confidentiels comme si c'était un simple menu de chez St-Hubert, le PM attendait l'été pour tasser son ministre irresponsable. C'est pourquoi cette histoire dépasse le "manque de jugement" de la part du PM. Il y a eu ici un manquement quant au leadership et la gestion d'une situation qui aurait exigé transparence et diligence de sa part. Ironie du sort: dans la catégorie de "l'arroseur arrosé", Harper, l'obsédé du droit et de l'ordre, n'aura pas agi à temps pour stopper ce qui pouvait constituer une menace à la sécurité nationale.
On ne sait toujours pas d'ailleurs quand le PM a appris les liens de Couillard avec le milieu criminalisé. Mais on sait que les médias ont rapporté le tout il y a quelques semaines et que le résultat fut ZÉRO action. Y a-t-il même eu enquête? À CBC, Couillard a même affirmé avoir été approchée comme candidate pour le Parti conservateur! Est-ce vrai ou de la fabulation? Comment se fait-il qu'avec un passé récent aussi chargé, on l'ait laissée accompagner Bernier à l'étranger, où le ministre était exposé à des informations stratégiques, qu'elle ait pu rencontrer George W. Bush et souper avec le PM et le ministre de la Sécurité publique, un ministère à la vocation tout aussi sensible que celui de Bernier?
Si Couillard a eu en sa possession depuis la mi-avril des documents destinés au sommet de l'OTAN, pourquoi le ministre ne les a-t-il pas récupérés? Pourquoi Couillard a-t-elle attendu cinq semaines avant de les rendre? Que s'est-il passé pendant tout ce temps? Ont-ils été reproduits ou vendus à d'autres intérêts?
UN WATERGATE CANADIEN?
Puis il y a cette histoire à la Watergate du microphone installé sous le lit de Couillard. La prudence dicte évidemment de prendre son témoignage avec une pincée de sel. Mais si sa version tenait, l'important serait de savoir pour qui ce micro travaillait? Pour la GRC? Pour le crime organisé? Pour des intérêts étrangers? Pour le bureau du PM? Sa sortie est-elle celle d'une femme se sentant trahie, ou comme l'ont soulevé certains experts en renseignement, celle d'une taupe? Si oui, pour qui? Ce n'est quand même pas anodin qu'une personne ayant fréquenté d'aussi près le crime organisé et s'étant intéressée à la sécurité dans les aéroports se soit retrouvée en relation intime avec le chef de la diplomatie canadienne et qu'elle ait eu en sa possession des documents confidentiels et stratégiques. Et si l'on a placé indirectement Bernier sous écoute électronique, l'a-t-on fait pour d'autres ministres?
Bref, non seulement le thème du leadership vient de sauter pour les conservateurs, mais celui de l'intégrité vient de voler en éclats. Son attentisme dans le dossier Couillard-Bernier fera qu'Harper ne pourra plus prétendre laver plus blanc que les libéraux.
Reste maintenant à voir si cette histoire suffira à lui coûter le pouvoir. Mais une chose est certaine: les piliers du temple conservateur viennent d'être sérieusement ébranlés. Pour Stéphane Dion, c'est un cadeau inespéré apte à le venger des moqueries pour son refus de provoquer des élections trop tôt. Elizabeth May, la chef du Parti vert, lui donne d'ailleurs raison là-dessus. Pour May, l'important étant de se débarrasser de la droite, toute stratégie se doit d'être soumise au principe du "Anybody but Harper". "Dion protège Harper", notait May en entrevue, mais c'est pour mieux "lui faire une campagne plus forte et le faire tomber".
Qui sait quelles plaques tectoniques l'affaire Couillard-Bernier finira par faire bouger?
Le VRAI problème
Et si le VRAI problème n'était pas Maxime Bernier. Après tout, ce n'est pas le premier à souffrir du syndrome de Peter et à se retrouver dans un poste qu'il est incapable d'assumer.
Et si le VRAI problème était le premier ministre? Pas parce qu'il a nommé Bernier aux Affaires étrangères. Peut-on vraiment lui en vouloir considérant la faiblesse évidente de son caucus? Avouons que le choix était tout de même limité...
Le VRAI problème est l'inaction de Stephen Harper dans une situation qui n'avait AUCUN bon sens et posait un danger potentiel à la sécurité nationale du Canada. Sans l'entrevue explosive de Julie Couillard, Bernier serait sûrement encore ministre...
Pour un ministre, fréquenter intimement une personne ayant eu des liens aussi étroits et récents avec le milieu du crime organisé aurait dû être vu comme une affaire d'État - une affaire nécessitant sa terminaison rapide et chirurgicale. Si on ne peut pas empêcher un coeur d'aimer, un premier ministre peut et doit empêcher un ministre de placer son gouvernement en situation possiblement dangereuse. Stephen Harper ne l'a pas fait lorsqu'il était temps de le faire. (...)


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