Une nouvelle donne pour la souveraineté du Québec

Continuons à imaginer le Québec souverain!

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?



La conjoncture actuelle et la période qui s’ouvre changent du tout au tout la donne pour le projet d’indépendance nationale du Québec. Les changements qui se dessinent posent des défis nouveaux au Québec. Ces changements de dimension planétaire ont évidemment un impact sur les réponses que chaque nation doit apporter à ces défis.
En y regardant de plus près, on constate que le Canada et le Québec auront des réponses différentes pour chacun des grands défis qui nous attendent. La situation actuelle se caractérise par une crise économique, la plus importante depuis longtemps, avec, en toile de fond, une crise environnementale sans précédent et une reconfiguration majeure de la scène internationale.
Dans chacun des cas, le Québec a des atouts qui ne peuvent véritablement se concrétiser qu’avec sa pleine souveraineté. La manière dont le 21e siècle se dessine semble tout à fait être sur mesure pour le Québec.

La crise financière et économique
La crise financière et économique états-unienne aura des impacts sur plusieurs plans. La crise financière déclenchée en août 2007 est de plus grande ampleur que celles qui l’ont précédée. Depuis vingt ans, on en compte neuf, donc une à tous les deux ans.
Cette fois, c’est une crise qui touche le mécanisme même de fonctionnement du secteur de la finance… comme en 1929. Le point de départ de la crise, c’est le retournement du marché immobilier, amplifié par la spéculation et l’augmentation démesurée des prêts et des acquisitions immobilières à risque.
La cause de cette augmentation débridée des prêts est la création de titres subprimes, un outil de refinancement qui permet aux banques de revendre leurs créances de toute nature transmettant ainsi les risques inhérents aux marchés financiers. Les défauts de paiement possibles sont alors supportés par les institutions ou particuliers qui achètent de tels titres, ce qui permet aux banques de les retirer de leur bilan.
Des millions de ménages états-uniens ont donc contracté ces emprunts-miracles. Pour un montant de 1 200 milliards de dollars, le marché des subprimes représente 12% de l’ensemble des crédits hypothécaires aux États-Unis, dont le financement vient en grande partie de l’extérieur.
Avec le retournement du marché immobilier et la hausse des taux d’intérêt en 2006, les premiers défauts de paiement apparaissent et, avec eux, la méfiance envers ces titres. Cette méfiance se généralise et gèle le marché interbancaire à l’été 2007. Rappel des prêts, nouveaux défauts de remboursement, c’est ainsi que le cercle vicieux de la crise s’est enclenché, affectant aussi l’économie réelle.
Le rationnement du crédit de la part des banques et la remontée de l’épargne des ménages, qui ont vu fondre leur patrimoine immobilier et financier et qui ont peur de perdre leur emploi, ont pour effet de réduire les dépenses. Les entreprises anticipent une baisse des ventes et, réajustant à la baisse leur production, procèdent à des mises à pied.
Le chômage augmente, ce qui provoque de nouvelles baisses de dépenses et de nouvelles anticipations négatives. Seul l’État peut rompre ce cercle vicieux, ce à quoi même les plus ardents chantres du laisser-faire ont dû convenir. C’est donc le premier effet de la présente crise : le retour de l’État, pas sous la même forme que l’État-Providence bien sûr, mais c’est bel et bien la fin des décennies du tout-au-marché.
La volte-face de Claude Castonguay sur la gratuité du réseau de santé est symptomatique à cet égard. L’État et les gouvernements sont de retour et la population attend d’eux qu’ils contrôlent le fonctionnement de l’économie et du marché. C’est aussi le retour des projets politiques. Cela donne une légitimité renouvelée au projet de la souveraineté du Québec.
Pour inverser les anticipations pessimistes, il faut injecter des milliards de dollars, mais aussi présenter un projet pour mobiliser la population. Un modèle économique et social capable de restaurer la confiance dans l’avenir est susceptible d’être ce projet mobilisateur. C’est la vision que Barack Obama veut dégager, sans trop de précision, il faut bien l’avouer.
Les souverainistes devraient profiter de la situation pour démontrer que la souveraineté du Québec est un atout comme élément de sortie de crise.
D’abord, n’avoir qu’un gouvernement à la direction des opérations en situation de crise est un avantage indéniable, évite des délais non souhaitables devant l’urgence d’agir et assure une cohérence d’action au plan national, ce qui est extrêmement difficile dans le cadre du fédéralisme canadien où les intérêts de la nation canadienne priment sur ceux de la nation québécoise.
Les programmes d’infrastructures illustrent malheureusement trop bien cette réalité. Mais il y a plus.
Une stratégie de relance s’appuie sur l’engagement de tous les acteurs socioéconomiques (entreprises, municipalités, syndicats…) autour de leur État national en faveur de cette stratégie.
Seul l’État peut rallier l’ensemble des composantes de la société et assurer la solidarité sociale nécessaire. Seul l’État québécois a la légitimité et la connaissance de la dynamique sociale pour animer cette concertation nécessaire.
Mais dans le système politique actuel, la concurrence de visibilité et de leadership va à l’encontre de cette coordination nécessaire. La souveraineté du Québec clarifierait les rôles de chacun dans cette stratégie de relance, en particulier celui des paliers administratifs, dont l’engagement est essentiel. Le même type de réflexion peut être développé concernant l’économie sociale, aujourd’hui un axe de développement économique incontournable.

La souveraineté et l’économie sociale
La souveraineté sera une source de dynamisme économique importante qui responsabilisera davantage les divers acteurs socioéconomiques du Québec face aux défis d’un monde en mutation.
Elle permettra aussi de faciliter le développement d’une sphère d’activité essentielle pour la création d’emplois et pour la satisfaction des nouveaux besoins sociaux, celui de l’économie sociale.
Dès le milieu des années 1970 apparaissent au Québec des initiatives locales qui développent des activités à petite échelle pour répondre à des besoins de services (marchands et non marchands) qui ne sont pas pris en charge par l’initiative privée parce qu’ils ne correspondent pas à une demande solvable selon les termes traditionnels.
Quant au secteur public, la difficulté d’adapter son intervention aux situations particulières d’une communauté ne permet pas toujours de prendre en charge certains besoins très spécifiques. L’économie sociale est composée de cette partie de la réalité économique et sociale qui ne se situe ni dans la sphère privée des entreprises à but lucratif, ni dans la sphère publique.
La mise en oeuvre de ces initiatives implique une collaboration étroite entre les usagers et les producteurs du service. Elle se fait généralement avec l’aide des pouvoirs publics locaux notamment les municipalités et les organismes de services sociaux.
On remarque que l’offre et la demande pour ces activités sont définies et organisées, souvent selon le mode démocratique, par les usagers et les personnes qui y travaillent. Ces activités créent de l’emploi, mais produisent aussi de la solidarité et favorisent la cohésion sociale.
On peut donc globalement définir l’entreprise de la sphère de l’économie sociale comme une entreprise de développement solidaire qui a un objectif de rentabilité sociale et cherche à atteindre la viabilité économique. Cette viabilité économique, souvent actuellement encore difficile, peut être atteinte par un financement mixte : subventions de l’État, contributions des usagers, bénévolat des personnes usagères et employées et parfois appuis de l’entreprise privée.
Deux grandes catégories de services se sont développées dans une variété de secteurs. La catégorie la plus importante est sûrement celle des services aux personnes, notamment destinés aux personnes âgées ou à mobilité réduite (aide domestique), aux enfants (garderie, aide contre le décrochage…) et aux groupes avec des difficultés particulières dont la nature peut varier, allant de l’aide aux personnes en chômage à des interventions en santé mentale.
Ensuite, on retrouve les services d’intérêt collectif comme le transport d’appoint pour certaines clientèles, le tourisme et les loisirs de proximité, les restaurants populaires de quartier, la récupération, le recyclage, la revente de vêtements ou de déchets industriels ou de collecte sélective, la production culturelle ou encore certaines formes de sous-traitance avec l’entreprise privée ou les pouvoirs publics. Les coopératives de production et d’épargne (caisse d’économie, mutuelle d’assurance…) font partie de cette catégorie.
En excluant les grandes coopératives financières et agricoles, le chiffre d’affaires des 6 500 entreprises d’économie sociale au Québec est de 4,3 milliards de dollars en 2006. Tout un potentiel à développer avec la souveraineté du Québec.

Souveraineté et stratégie de relance
Une stratégie de relance est axée sur des mesures fiscales, budgétaires, de formation de la main-d’œuvre et de solidarité sociale. Dans tous ces domaines, la souveraineté du Québec créerait une synergie et une cohérence beaucoup plus forte et efficace que le régime fédéral actuel.
Cela a été démontré aussi bien par la Commission Bélanger-Campeau, celle sur l’avenir du Québec et même par le Conseil économique du Canada (28 e Exposé annuel, 1991).
Reste la politique monétaire. Reconnaissons que la politique monétaire canadienne a peu de latitude par rapport à celle des États-Unis. Dans ce cas-ci, la politique monétaire n’est pas d’une grande efficacité : la baisse du taux auquel les banques se refinancent auprès de la banque centrale ne se traduit pas automatiquement par un crédit moins cher pour les ménages et les entreprises.
De plus, lorsque les prix baissent, même si la banque centrale pratique des taux d’intérêt nuls (comme l’a fait pendant plusieurs années la Banque du Japon et le fait pratiquement aujourd’hui la Fed états-unienne), le taux d’intérêt corrigé de l’inflation (en fait, de la déflation) est lui, toujours pareil.
Quand les banques préfèrent garder leurs liquidités plutôt que de prêter au secteur privé, c’est à l’État de les recycler sous forme de dépenses publiques. La politique budgétaire passe alors en première ligne ainsi que la pertinence de disposer de tous les leviers de cette politique, à commencer par la perception de tous les impôts, attribut essentiel de la souveraineté du Québec.
Ceci dit, ces remarques laissent complètement ouvert le débat sur le choix d’une monnaie pour le Québec devenu souverain.

La souveraineté pour diversifier nos marchés
En 2007, seul le surplus commercial de 26 milliards de dollars avec les États-Unis a permis au Québec de partiellement contrebalancer son déficit commercial de 37 milliards de dollars avec le reste du monde (en plus du déficit de 4,2 milliards de dollars avec le Canada).
Cette grande dépendance de notre économie nous rend vulnérables (comme le Canada, d’ailleurs) aux aléas de la conjoncture états-unienne. Il faut donc diversifier nos marchés et l’Europe constitue pour le Québec un partenaire de choix, avec ses 495 millions d’habitants qui génèrent 31% du PIB mondial.
Le Canada et l’Union européenne ont signé une entente-cadre pour lancer les négociations sur un éventuel accord de libre-échange dans les prochains mois. Mais ces négociations risquent d’être ardues, beaucoup plus ardues que si le Québec-pays les entreprenait.
L’objectif des Européens, c’est évidemment le marché états-unien. Le Canada pourrait constituer une tête de pont pour faire leurs affaires dans le marché nord-américain et profiter des règles de l’ALÉNA.
Mais voilà, à mesure que le Canada a calqué ses règles de fonctionnement et ses politiques fiscales sur celles des États-Unis, il est devenu de moins en moins intéressant à cet égard, aussi bien tenter, pour les Européens, de s’entendre directement avec les États-Unis.
Cela explique en partie le recul des investissements européens au Canada qui sont passés de 3% de la totalité de leurs investissements directs en Amérique du Nord en 1992 à 1% en 2004. Ajoutons à cela que la politique étrangère du Canada est devenue un clone de la politique des États-Unis avec Paul Martin et Stephen Harper, ce qui réduit d’autant l’intérêt stratégique d’une entente avec le Canada.
Avec le Québec, ce pourrait être une autre histoire. Pour des raisons culturelles, il n’est pas complètement aspiré par l’espace états-unien; sur le plan économique, il apporte une plus-value aux Européens.
Le Québec joue déjà en quelque sorte le rôle de pont entre l’Europe et l’Amérique du Nord : 77% des emplois des entreprises françaises au Canada sont au Québec. C’est 37% pour les entreprises britanniques et 33% pour les allemandes. À titre de comparaison, seulement 16% des emplois d’entreprises états-uniennes se retrouvent au Québec. Et encore, c’était en 2004.
Avec les investissements massifs qui ont été effectués en Alberta depuis cinq ans, en majorité par des intérêts des États-Unis, on a toutes les raisons de croire que la part du Québec est encore plus faible aujourd’hui.
La place que tiennent l’État québécois et ses institutions dans le développement économique est proche de la vision européenne. Notre structure fiscale n’exercera pas de pressions à la baisse sur la leur, une des craintes qu’entretiennent plusieurs pays européens à l’égard du Canada.
Sur le plan structurel, nos économies sont complémentaires. Le Québec est bien présent dans des secteurs de hautes technologies (aéronautique, pharmaceutique, technologie de l’information…) dans des secteurs à faible intensité technologique (vêtement, meuble, produits forestiers) et dans les ressources naturelles.
Pour l’Europe, c’est essentiellement des entreprises de moyenne et de forte intensité technologique ainsi que des produits de marque qui constituent leur base industrielle.
Même dans les domaines de hautes technologies, le Québec et l’Europe sont plus en complémentarité qu’en concurrence. Par exemple, en aéronautique, Bombardier utilise des moteurs Rolls Royce (britanniques) et est déjà un partenaire d’Airbus.
Bref, sur les plans culturel, fiscal et économique, le Québec et l’Europe sont faits pour s’entendre. C’est peut-être à cause du Québec que les Européens ont tant insisté pour que les provinces soient incluses dans le Partenariat économique Canada-Europe.
Ainsi, on peut lire dans l’Accord-cadre, signé dernièrement, que « bien que le gouvernement fédéral négocie et conclue des traités internationaux, ses provinces et territoires sont tenus de mettre en oeuvre les obligations ainsi contractées qui relèvent de leur compétence, y compris en promulguant des dispositions législatives si nécessaires ».
On le voit, le projet d’entente qui couvre, non seulement les marchandises et les investissements, mais aussi les marchés publics, la propriété intellectuelle et l’environnement, est très ambitieux.
Peut-être trop ambitieux quand on prend en compte les intérêts respectifs et les dynamiques internes du Canada et de l’Europe. Très clairement, les intérêts du Québec sont plus proches de ceux de l’Europe et un Québec souverain arriverait plus facilement à un accord.
Il faudra être extrêmement vigilant face aux négociations menées par le fédéral. Avec l’indépendance, le Québec peut renouer avec sa vraie nature : être le pont entre l’Amérique du Nord et l’Europe.

La crise environnementale
Depuis la Révolution industrielle, il était payant de polluer et ne pas le faire représentait un coût qui minait la capacité concurrentielle d’une économie ou d’une entreprise. Le Protocole de Kyoto vise à renverser cette logique, seule manière de corriger les problèmes, en particulier ceux du réchauffement climatique et des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Lorsque la logique derrière le Protocole de Kyoto se concrétisera, l’ensemble des avantages comparatifs des nations et des économies sera modifié en profondeur. Dans un monde où il est coûteux de polluer et payant de ne pas le faire, le Québec devient une économie avec un avantage comparatif majeur.
Avec l’eau, le vent et le soleil, le potentiel d’énergies propres et renouvelables du Québec est immense.
La logique de Kyoto, c’est un atout pour l’économie québécoise. Mais, ce n’est pas vu de cette façon par le Canada qui, on le sait, mise sur l’exportation du pétrole issu des sables bitumineux pour créer sa richesse.
Les déclarations récentes du ministre conservateur de l’environnement, Jim Prentice, et celles du chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, à l’effet qu’il serait irresponsable de se priver de cette richesse et des emplois qui en découlent, sont révélatrices du consensus canadien.
Pour occulter le tout, le Canada mise sur le captage des GES et du CO2. Le problème, c’est que la technologie ne sera pas au point avant 15 à 20 ans et va coûter très cher à développer. La World Wildlife Federation estime que, techniquement, on ne pourra jamais capter plus que 10% des émissions de GES.
Ce sont des ressources financières et de recherche qui seront détournées du développement d’énergies propres et renouvelables. Le dernier budget conservateur est éloquent à ce propos. Une grande partie du nouveau financement à l’environnement (près d’un milliard de dollars) ira pour le captage et le stockage du carbone, une technologie qui bénéficie exclusivement aux grandes pétrolières.
Pendant ce temps, les conservateurs n’investissent pas un sou de plus dans le financement des trois Conseils subventionnaires de recherche avec pour conséquence que, notamment, la recherche sur l’éthanol cellulosique est compromise à l’Université de Sherbrooke.
Une recherche publiée en 2005 par le Canadian Energy Research Institute a évalué l’impact des investissements dans les sables bitumineux pour le PIB des provinces. De 71% à 72% de l’effet des investissements était ressenti en Alberta et à peine 1% au Québec.
Selon l’un des chercheurs, André Plourde, cette répartition demeure toujours valable. On voit à quel point les divergences d’intérêts sont grandes entre le Québec et le Canada.
Il est clair que le Canada ne respectera pas ses objectifs dans la première phase de Kyoto et va tout faire pour saboter les discussions de l’après-Kyoto. D’ici deux ans, les pays devront s’entendre sur les mécanismes s’appliquant à partir de 2012 avec des objectifs à court, moyen et long termes jusqu’en 2050. Une première rencontre majeure aura lieu à Copenhague en décembre prochain.
Pendant la durée de l’Accord de Kyoto 1, c’est l’Europe qui a supporté seule le poids des efforts de réduction de GES. Si les discussions s’enlisent à cause des pays pollueurs comme le Canada, on peut s’attendre à ce que l’idée d’une taxe à l’importation sur les produits provenant des pays délinquants refasse surface au sein de l’Union européenne.
Après tout, il s’agit d’une forme de concurrence déloyale, d’autant plus condamnable que le Canada est signataire du Protocole de Kyoto. Une telle taxe sur le carbone pénaliserait au premier chef le Québec, qui représente plus du tiers des exportations canadiennes en Europe.
Le Québec, qui a fait des efforts et est en voie d’atteindre les cibles de Kyoto, serait le grand perdant de la délinquance du Canada.
Rappelons que les entreprises manufacturières québécoises ont réduit leurs émissions de GES de près de 24% de 1990 à 2006, soit quatre fois l’objectif fixé par Kyoto, et ce, six ans avant l’échéance. Une entreprise peut fabriquer au Québec en émettant deux à trois fois moins de CO2 qu’ailleurs dans le monde. Dans un monde où la logique de Kyoto prévaut, c’est un atout inestimable au plan économique.
Mais notre appartenance au Canada nous prive de cette possibilité. Ajoutons que le choix de 2006 comme année de référence pour le calcul des réductions de GES par Harper et 2005 par Obama, risque de priver les entreprises québécoises de crédits de carbone.
En effet, si l’année 1990 est retenue, ces entreprises pourraient bénéficier de crédits pour la période 1990 à 2006. Des crédits que ces entreprises pourraient échanger sur la bourse du carbone nord-américaine. Le Québec devra tenter de négocier des crédits additionnels avec le Canada, mais la possibilité de pouvoir transiger sur la bourse européenne, dont l’année de référence est 1990, doit être facilitée dans le cadre de l’Accord de libre-échange avec l’Europe.
Pour la première fois de façon aussi manifeste, indépendance du Québec, conscience environnementale et prospérité économique vont de pair. Tous les pays industrialisés, sauf le Canada, préparent l’après-pétrole, car les réserves prouvées de ce combustible fossile sont d’une cinquantaine d’années.
Le Québec est bien positionné pour l’après-pétrole. Il n’y a que deux endroits au sein de l’OCDE où le pétrole n’est pas la première source d’énergie : la Norvège et le Québec.
Le Québec peut développer son potentiel hydroélectrique qui demeure important, peut développer de nouvelles sources d’énergies propres et renouvelables et doit se doter d’une stratégie de réduction à notre dépendance au pétrole. En plus d’être riche en énergie, notre structure économique est mieux adaptée à l’après-pétrole : le Québec ne fabrique pas d’automobiles, mais des trains, des métros et des autobus.
On sait que le fédéral a aboli son soutien à ces secteurs en limitant le nouveau programme « Partenariat technologique Canada » au secteur de l’aéronautique et de la défense. Il y a des investissements très importants à faire dans chacun de ces secteurs. Est-ce que le Québec-province en aura les moyens? C’est douteux.
Le Québec-pays serait beaucoup plus apte à préparer l’après-pétrole pour en tirer tous les avantages qu’en restant au sein du Canada, État pétrolier, qui s’y refuse. C’est d’autant plus urgent que la crise économique est une occasion de conditionner les soutiens de l’État pour favoriser la reconversion de notre économie en fonction de la nouvelle donne environnementale.
Il est évident qu’au fur et à mesure de la diminution des disponibilités en pétrole, qui devrait commencer à se manifester d’ici 15 à 20 ans, le Québec verra s’accroître ses avantages comparatifs, en particulier par la disponibilité sur son territoire d’une énergie propre, fiable et durable.
Si on ajoute à cela la réglementation internationale environnementale qui sera nécessairement mise en place, le Québec deviendra une destination de choix pour les entreprises et les investisseurs étrangers.
Le Québec doit sortir du Canada pour profiter pleinement des avantages du 21 e siècle, un siècle taillé sur mesure pour lui.
La reconfiguration de la scène internationale
La crise économique actuelle a remis à l’ordre du jour la question de la coopération internationale. Les États-Unis ont constaté leur incapacité à surmonter leurs difficultés économiques sans une forme de coordination avec ses partenaires.
André Pratte, éditorialiste en chef du journal La Presse, a tort de penser que cette coordination passe par la soumission du Québec à l’ordre fédératif canadien ou encore aux choix états-uniens.
Non seulement Washington n’a pu agir seul, non seulement il n’a pu dicter sa conduite aux autres, mais il n’a même pas été, jusqu’à présent, le meneur de jeu parce que d’autres pays, notamment européens, forts d’expériences différentes, ont su amener des idées plus efficaces. Obama en a pris acte en parlant de l’importance des alliances.
Ce qui est vrai pour les États-Unis est encore plus vrai pour le Canada dont le gouvernement demeure un vestige de la Révolution néoconservatrice. Ainsi, non seulement la crise économique et financière marque le retour des États sur la scène intérieure, mais elle constitue aussi le retour des États sur la scène internationale.
C’est un contexte où la souveraineté du Québec devient encore plus pertinente. Mais il y a plus. L’embourbement en Irak et en Afghanistan a montré les limites des solutions strictement militaires, particulièrement les actions unilatérales, comme celles privilégiées par les Etats-Unis durant l’ère Bush.
Si au cours des vingt dernières années, les puissances militaires ont eu une influence plus déterminante dans les affaires de la planète, l’enlisement irakien et afghan ouvre une période où la diplomatie et le règlement pacifique des conflits seront privilégiés, redonnant un rôle à chaque pays, chaque nation, peu importe son importance sur l’échiquier militaire.
En d’autres termes, c’est le retour des « petits » pays sur la scène internationale.
Sur la scène politique internationale, la Norvège joue un rôle qui peut paraître disproportionné en comparaison avec son poids démographique et économique. Le Québec-pays, sans se prendre pour un autre, pourrait à partir de ses expériences et de ses forces, déterminer son rôle au plan international.
Le Bloc Québécois a déjà esquissé ce que pourrait être une politique étrangère d’un Québec souverain. Il faut approfondir cette réflexion, c’est un chaînon important pour transformer les préoccupations globales, notamment celles des jeunes, en engagement politique pour l’indépendance du Québec.
Au plan commercial aussi les choses changent rapidement et radicalement. Voilà 15 ans que l’OMC est née. Depuis, aucune avancée majeure ne s’est produite en termes d’ententes commerciales multilatérales.
La rencontre de Seattle a été un échec, le cycle de Doha est dans l’impasse. Tout cela s’explique très bien. Les bases de négociations ont été développées à l’époque du tout-au-marché, où le leitmotiv était : « dérèglementation à l’interne et libéralisation à l’externe, c’est la prospérité assurée ».
Avec les crises économique et alimentaire, tout le monde est à même de constater qu’il s’agissait d’un mirage. Pourtant, le système commercial multilatéral est essentiel. L’alternative au système multilatéral, c’est plus ou moins le retour à la logique des empires où les grandes puissances se construisent des blocs économiques pour s’assurer des marchés.
C’est la stratégie des États-Unis depuis quelques années avec leur frénésie d’accords bilatéraux, suivis en cela par le Canada. Pensons aux accords avec la Colombie et avec le Pérou. Il faut donc que les bases de négociations soient revues, sinon l’OMC est menacée de paralysie et même de régression.
En période de difficultés économiques, les réflexes protectionnistes sont souvent tentants. Demander aux pays pauvres d’abandonner leur souveraineté agricole en pleine crise alimentaire, c’est inadmissible. Considérer comme loyale, la concurrence de produits fabriqués au mépris du droit international en matière d’environnement de travail, c’est maintenant inacceptable.
Vouloir restreindre la capacité des États d’assurer le bien-être de leur population au nom de la liberté d’entreprise, c’est une atteinte à la démocratie. Ces préoccupations sont de plus en plus présentes dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud.
Malheureusement, le Canada ne fait pas partie du lot. Le Canada a une base agricole axée sur les céréales, une production pour l’exportation. Sa base économique a pour assise les ressources naturelles, peu affectées par la délocalisation. De plus, il soutient peu ses entreprises et ne voit pas d’urgence à civiliser la mondialisation.
Le Québec, au contraire, a intérêt à ce que cette mondialisation soit encadrée. En effet, sur le plan agricole, notre production est centrée vers le marché intérieur et la gestion de l’offre requiert le maintien de la souveraineté des États sur le plan alimentaire.
Sur le plan industriel, le Québec est susceptible de subir des délocalisations sauvages et des effets du dumping social et environnemental.
Les crises économique et environnementale vont favoriser la révision en profondeur des bases de négociations des accords commerciaux. Avec la remise en question de la libéralisation absolue des échanges, l’établissement de règles permettant des échanges équitables sera à l’ordre du jour.
Le Canada va continuer à souhaiter une libéralisation débridée, le Québec-pays souhaitera comme beaucoup d’autres pays, une approche plus équilibrée que ce que le projet néolibéral voulait.
Voilà une occasion d’intégrer au projet souverainiste les préoccupations liées au commerce équitable, à la coopération internationale, à la souveraineté alimentaire, au respect des droits et à l’environnement.

Continuer à imaginer le Québec souverain
La situation actuelle préfigure des changements importants au plan politique, économique et international. Pour tous ces changements, le Québec est du côté de la vague qui monte et le Canada est du côté de celle qui descend.
Si Wilfrid Laurier en 1904 pouvait s’imaginer que le 20e siècle serait le siècle du Canada, le 21e siècle, lui, est définitivement fait sur mesure pour le Québec.
Pour que le Québec puisse mettre en place une stratégie de développement durable, il est essentiel qu’il récupère l’ensemble des pouvoirs de politique économique actuellement contrôlés par le gouvernement fédéral : fiscalité, dépenses budgétaires, assurance-emploi, politique commerciale, politique de développement sectoriel et régional, politique environnementale…
Dans certains de ces domaines, le Québec pourrait sous le régime fédéral actuel, récupérer certains pouvoirs et il ne doit pas s’en priver. Cependant, seul un Québec souverain pourra avoir la marge de manoeuvre politique et financière pour établir des politiques cohérentes là où, actuellement, les initiatives québécoises sont souvent contrecarrées par une myriade de programmes et de mesures en provenance du fédéral qui poursuivent des fins contradictoires.
Comme société, nous avons un intérêt fondamental à récupérer tous les leviers pour aller de l’avant vers nos objectifs collectifs de développement social, culturel, économique et environnemental.
Un Québec souverain sera un pays vert et prospère, dont la culture et le modèle de développement sont les atouts dans le monde d’aujourd’hui et de demain. La souveraineté du Québec, c’est une extraordinaire entrée dans le 21 e siècle.
Continuons à imaginer le Québec souverain!

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L’auteur est économiste et député fédéral de Joliette. Il est également leader parlementaire du Bloc Québécois
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Je veux remercier Stéphane Gobeil et Marc-André Roche pour leurs commentaires et leurs suggestions et, comme le veut la formule consacrée, je demeure le seul responsable du contenu (et des erreurs s’il y en a) de ce texte.


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