Une montagne de cas cachés en Ontario

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La vaste majorité des cas ne nécessite pas d'hospitalisation


Depuis 10 jours, les Québécois sont médusés par le nombre beaucoup plus grand de cas ici qu’ailleurs au Canada. En particulier, le calme ontarien dans les chiffres étonne, ici comme chez nos voisins.


Or, une analyse plus fine des données suggère que le nombre de cas positifs de COVID-19 en Ontario serait de deux à trois fois plus élevé que les chiffres officiels ne l’indiquent. Cette sous-estimation fait mal paraître le Québec et embellit le portrait global canadien.


Comment j’arrive à ce résultat ? En comparant la proportion de patients qui sont hospitalisés ici comme en Ontario, ou pire, qui sont transférés aux soins intensifs.


Au Québec, 6,6 % des cas déclarés positifs ont besoin d’être hospitalisés, alors que cette proportion est plus de deux fois plus élevée en Ontario, soit 14,5 %. Même constat pour le recours aux soins intensifs : 1,7 % des personnes déclarées positives au Québec doivent être transférées aux soins intensifs, contre près de 6 % en Ontario, le triple.


Rien ne permet de croire que la constitution des Ontariens diffère à ce point de celle des Québécois que les personnes atteintes y sont plus malades et doivent se rendre davantage à l’hôpital.


L’écart suggère plutôt qu’il y a plus de cas non détectés en Ontario et que ceux qui y sont détectés ont donc davantage de probabilités de recourir au système de santé. Autrement dit, le dénominateur de l’équation (le nombre de cas positifs) y est nettement sous-estimé.


 

Deux autres données permettent de confirmer ce constat. La proportion des Ontariens qui sont transférés aux soins intensifs pour être traités contre la COVID-19 est la même qu’au Québec, soit 11,3 personnes par million d’habitants. Même chose pour les décès, quoique les chiffres soient encore petits : le taux de décès est de 4,2 au Québec par million d’habitants, un niveau semblable à celui de l’Ontario (3,6).


À ce sujet, Radio-Canada a estimé, jeudi matin, que le nombre réel de décès en Ontario causés par le coronavirus serait erroné. Il s’élèverait non pas à 53, comme le disent les chiffres officiels, mais à 84, ce qui ferait passer le taux ontarien à 5,7 décès par million d’habitants, devant le Québec et la moyenne canadienne.





PHOTO CHRIS YOUNG, LA PRESSE CANADIENNE 


Doug Ford, premier ministre de l’Ontario





Ce portrait explique peut-être pourquoi Doug Ford a pris un ton beaucoup plus sombre ces derniers jours, ce qui en a surpris beaucoup. « La dure réalité, c’est qu’à l’heure actuelle, très peu nous sépare de la dévastation qu’on a vue en Italie et en Espagne », a-t-il dit en conférence de presse, mercredi (François Legault a contesté cette comparaison en conférence de presse).


L’analyse des données, plus encore, permet de constater que l’Ontario est celle qui teste le moins sa population parmi les quatre grandes provinces canadiennes. Ainsi, pour chaque tranche de 1000 personnes, seulement 4,1 personnes ont été testées en Ontario, contre 8,7 au Québec et en Colombie-Britannique et 12,0 en Alberta.


Bref, toutes les données pointent dans la même direction : l’Ontario a vraisemblablement deux fois plus de cas que ce qu’indiquent les chiffres officiels, ce qui ferait passer la province devant le Québec, à environ 6100 cas, contre 5518 cas chez nous, 1066 cas en Colombie-Britannique et 871 cas en Alberta.


Une gestion ciblée des tests au Québec


L’analyse des données récentes permet aussi de déduire que le Québec fait une gestion beaucoup plus efficace de son dépistage qu’ailleurs au Canada. La nouvelle est importante, sachant que le Québec « est serré » dans ses inventaires de réactifs, comme l’a reconnu François Legault, et comme nous l’ont affirmé trois autres sources. Le réactif est le composant qui sert à produire la réaction chimique pour les tests.


Tant aujourd’hui qu’il y a 10 jours, le Québec semble cibler plus judicieusement ses groupes de personnes à tester, auparavant les voyageurs, aujourd’hui le personnel médical, les personnes âgées en résidence et les personnes symptomatiques en régions éloignées, notamment.


Ainsi, 7,4 % des personnes testées sont déclarées positives, contre 4,5 % en Ontario et 1,6 % en Alberta. Ce taux plus élevé n’indique pas nécessairement plus de cas, comme on l’a vu avec la situation ontarienne, et sachant que le nombre de décès au Québec est semblable à la moyenne des grandes provinces (4,2 contre 3,8).


Enfin, autre bonne nouvelle, si l’on peut dire : le volume de personnes hospitalisées au Québec est bien moindre que ce qu’annonçait le scénario du 16 mars qui a circulé dans le réseau de la santé et dont La Presse avait fait état. Dans ce scénario, on prévoyait que 15 % des personnes atteintes devraient être hospitalisées.


Or, dans les faits, le taux d’hospitalisation est de 6,6 % au Québec, si bien que 365 personnes avaient dû être hospitalisées en date du 2 avril, environ deux fois moins que ce qu’on pouvait prévoir avec le taux de 15 %. En revanche, la proportion qui se rend aux soins intensifs (1,7 %) est plus grande qu’anticipé dans le scénario du 16 mars (0,75 %).




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