Une manifestation étudiante pas comme les autres

Tribune libre

La récente manifestation des étudiants et étudiantes universitaires québécois, à Montréal, a été fort réussie. Le cortège imposant par son nombre, plus de 100 000 personnes, a bien démontré comment ses participants sont unis contre la décision du gouvernement du Québec d’augmenter les frais universitaires de 325 $ par année durant les cinq prochaines années pour rattraper quelque peu les frais demandés dans les autres universités canadiennes qui sont de deux à quatre fois ceux du Québec, à une exception près.
Cette augmentation a été motivée par le manifeste « Pour un Québec lucide » publié en 2005 par un groupe de 12 personnages, sous le leadership de l’ex-premier ministre québécois Lucien Bouchard. Inquiet de l’avenir du Québec au sein de l’Amérique du Nord, le groupe a proposé une série de mesures radicales pour rechausser les finances du Québec pour le préparer à faire face à la musique que lui réservent son prévisible déclin démographique et l’active croissance de la concurrence mondiale asiatique.
L’intention était bonne et plusieurs recommandations l’étaient comme celles de réduire la dette québécoise, d’investir dans l’éducation, de promouvoir la maîtrise de plusieurs langues, d’augmenter les taxes sur la consommation, d’établir un revenu minimum garanti et d’aider le secteur privé à grossir. D’autres par contre, étaient fort discutables comme l’augmentation des taux d’électricité et des frais de scolarité. Malheureusement, les propositions n’ont pas reçues l’analyse objective qu’elles méritaient car les proposants ont été victimes de procès d’intentions, une façon de faire déplorable et beaucoup trop répandue au Québec, qui ont détourné l’attention des Québécois de l’importance de réfléchir sur leur avenir. Il s’agissait de notre futur et non de fédéralisme ou de séparatisme car ni l’un ni l’autre ne nous garantient une saine économie québécoise à long terme.
Les manifestations publiques sont importantes puisqu’elles représentent, jusqu’à un certain point, l’opinion d’une frange de la société. Les élus se doivent d’écouter mais ne pas plier simplement pour avoir la paix ou gagner des points de popularité. Un bon exemple est le grand nombre de manifestations en France, l’an dernier, contestant l’augmentation de l’âge des retraites de 60 à 62 ans. Elles ont littéralement bloqué les grandes villes et jusqu’à un certain point le pays, durant des semaines, et devenaient de plus en plus grosses et importantes. Il aurait été facile pour le président Sarkozy d’accepter l’opinion des manifestants pour éviter, un an avant les élections, tous les sentiments négatifs à son égard émis et répétés sur sa personne durant cette période. Mais il ne le pouvait pas, puisque le système de pensions n’aurait pas éventuellement résisté au statu quo. Il a agi comme un homme politique responsable.
L’augmentation des frais de scolarité universitaires n’est pas de la même nature que la solution au problème des pensions. Certes, ces frais sont plus bas qu’ailleurs et c’est en ne considérant que cet aspect que plusieurs politiciens et observateurs concluent qu’il serait normal de les ajuster à ceux des autres. Mais nous ne sommes pas les autres.
Nous sommes un peuple francophone qui va se retrouver dans cinquante ans à 8 millions d’individus dans une mer nord américaine de 1,2 milliards de personnes de langues anglaise et espagnole. C’est très peu ! Si on ajoute le million de francophones canadiens vivants hors Québec, nous serons 0.0075% de la population totale. Une poussière… Je crois que c’est par la compétence que nous survivrons et pourrons prendre notre place dans cet ensemble gigantesque. C’est la raison principale pour laquelle, j’estime que nos universités et nos centres de formation doivent être facilement accessibles à tous.
Le gouvernement québécois peut trouver ailleurs les fonds nécessaires aux universités. Qu’il cesse d’investir et de dépenser, à gauche et a droite, dans des projets où il n’a pas à se montrer le nez, comme l’amphithéâtre de Québec pour sports professionnels qui va avaler à lui seul 200 millions de nos taxes et impôts. Il est essentiel que notre gouvernement se ressaisisse et impose ses contraintes budgétaires où il peut reduire. Un autre exemple est l’accord France-Québec grâce auquel les étudiants des deux pays étudient dans leurs universités respectives. En France, les frais des facultés équivalentes aux nôtres se situent entre 7 000 et 12 000 euros (9 000 $ et 15 600$) $ alors que plus de 10 000 étudiants français étudient chez nous en 2012 et payent $2 168. Ces derniers profitent de cette entente et on peut comprendre pourquoi le nombre croît d’année en année alors qu’au même moment, seulement un peu plus d’un millier de Québécois, de moins en moins, vont étudier là bas. Le coût net est plus de 90 millions $ de « subventions données par année à la France, qui n’est pas, comme on sait, un pays du tiers monde » a écrit récemment Alain Dubuc de La Presse. L’entente doit être revue.
Les dons des anciens diplômés sont une aussi source de revenus pour nos universités. Malheureusement, nous sommes loin de donner ce que les diplômés des universités canadiennes anglaises et américaines versent à leur alma mater. Nous ne sommes pas très généreux. Pourtant, l’École Polytechnique de Montréal nous donne un bel exemple. Elle est devenue, grâce aux dons de ses anciens et de ses dirigeants ingénieurs, une des meilleures écoles de génie au monde. Grâce à elle et aux facultés de génie de McGill, ETS et Laval, Québec devient le centre du génie conseil du monde. Et cela a débordé sur des écoles d’infographie avancée, de technologies informatiques nouvelles et d’autres spécialités nouvelles. L’épopée polytechnicienne est le modèle parfait dont devraient s’inspirer toutes nos facultés universitaires.
Il est clair que nos universités et nos écoles de formation doivent avoir tous les moyens pour être encouragées à devenir les meilleures au monde avec les professeurs les plus chevronnés. En étant au top, les professeurs étrangers les plus qualifiés voudront y venir. C’est possible et Poly le démontre. C’est par de hautes connaissances et un know how élevé que les Québécois pourront jouer avec les meilleurs du monde. Voilà, à mon avis, la vraie façon de faire grandir notre peuple et notre culture.
Nous, les francophones, non seulement du Québec, devrions être solidaires pour planifier et concentrer tous nos efforts sur la qualité de l’éducation et de la formation de nos jeunes afin qu’ils puissent prendre les premières places dans le monde de demain.
Tout change si vite. L’évolution rapide de la technologie et la complexité grandissante du monde des affaires nous démontrent de plus en plus que nos enfants auront besoin, dans l’avenir, de plus d’un diplôme pour pouvoir aller au bout de leur potentiel. Par exemple, il devient nécessaire pour un ingénieur d’en obtenir un second dans un domaine affilié à sa spécialité ou dans les affaires. C’est comme çà en médecine depuis longtemps. C’est un nouveau must qui se généralise pour les autres professions et métiers.
Voilà pourquoi il nous faut éliminer tout obstacle qui peut empêcher un de nos jeunes d’aller au bout de ses possibilités. L’augmentation des frais de scolarité universitaire en est un et c’est la raison pour laquelle je partage l’opinion des étudiants universitaires dans leur combat.
Que ce se serait bon si le Québec de 2062 devenait le centre de la formation de la compétence de l’Amérique ! Un rêve ? Pourtant Polytechnique y est presque, aujourd’hui.
Claude Dupras


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    29 mars 2012

    Heureusement que Polytechnique n'a pas attendu ce que vous suggérez. Je respecte beaucoup vos opinions, mais il faut aussi être réaliste. Le québec ne peut pas attendre au cas où...

  • Archives de Vigile Répondre

    29 mars 2012

    C'est bien beau tout cela, mais c'est quoi le lien que vous faites avec l'indépendance de la patrie?
    Me semble que c'est de cela qu'on devrait d'abord parler.
    Est-ce que parler le norvégien empêche la petite Norvège avec ses 4 millions de citoyens - la moitié moins que le Québec - d'être parmi les pays les plus prospères du monde.
    Cesser d'être une province pauvre pour devenir un pays riche, voilà le véritable défi. Le reste c'est juste de la parlotte.
    Pierre Cloutier