Une incitation au bilinguisme dans la fonction publique

Le projet de loi 14 ne fait rien pour contrer l’essor du bilinguisme dans l’appareil étatique, déplore le SFPQ

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Le ver est dans la pomme

Le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) juge que le projet de loi 14, censé renforcer la Charte de la langue française, ne fait rien pour contrer l’essor du bilinguisme dans l’administration publique. Qui plus est, certaines des nouvelles dispositions l’encouragent.
En vertu du projet de loi 14, les entreprises qui, en vertu de la Charte, doivent communiquer avec l’administration publique en français ne seront plus dans l’obligation de le faire. « Désormais, les entreprises ne seront plus tenues d’acheminer leurs documents en français. Ce sera à l’Administration de demander une version française si elle le juge nécessaire », relève le SFPQ dans le mémoire qu’il présente mardi lors de la commission parlementaire sur le projet de loi 14 défendu par la ministre responsable de la Charte de la langue française, Diane De Courcy.
« Alors qu’il faudrait donner un sérieux coup de barre pour que le français retrouve la place qui sied à une langue officielle, ce projet de loi donne plutôt l’impression de vouloir ménager la chèvre et le chou en assouplissant la loi tout en donnant l’impression de vouloir la raffermir. Une désagréable impression se dégage à l’effet que les élites politiques ne croient plus en la réalité d’un Québec français », peut-on lire.
Le SFPQ s’appuie sur divers témoignages d’employés de la fonction publique, que ce soit à Revenu Québec, à la Régie du logement, à la Commission des normes du travail, au ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, où le bilinguisme est de mise, même avec des personnes dont la langue maternelle n’est pas l’anglais. « Ce qui se dégage de ces quelques témoignages est l’obligation pour le personnel de première ligne de fournir des services en anglais sous la pression des citoyennes et des citoyens. Alors qu’ils devraient se sentir appuyés par leurs supérieurs immédiats, les employées et les employés craignent les réprimandes et les sanctions qui pourraient suivre… et qui viennent », avance le syndicat.
Bien souvent, les gestionnaires de l’État ne se soucient pas du respect de la loi 101, privilégient « l’approche client », et préfèrent « éviter les situations controversées », souligne le SPFQ.
Le guide d’application de la politique linguistique de l’État stipule d’ailleurs que l’administration « n’a pas à refuser, quel que soit le contexte, de communiquer dans une autre langue que le français avec une personne physique qui en fait la demande », ce qui comprend les personnes dont la langue maternelle n’est pas l’anglais. « Il ne faut donc pas s’étonner que les personnes immigrantes ne fassent pas la différence entre le bilinguisme anglais-français du gouvernement fédéral et l’unilinguisme français du Québec. […] Alors, lorsqu’elles sont servies par un fonctionnaire qui invoque la Charte de la langue française pour ne pas leur répondre en anglais, elles croient être tombées sur un hurluberlu. »

Rassemblement de sympathisants
Jean-François Sylvestre, le président de la SFPQ pour la région de Montréal, a d’ailleurs enfoncé le clou lors d’un rassemblement au Théâtre Plaza organisé par le Mouvement Québec français. Selon lui, dans certains ministères, comme celui de l’Immigration et des Communautés culturelles, le français est très peu utilisé pour communiquer avec la clientèle. « Est-ce bien dans la fonction publique que je travaille ou bien au service à la clientèle de l’ONU ? », a-t-il dit avec ironie, devant les quelque 150 personnes réunies pour l’occasion.
Le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles ne favorise pas vraiment l’usage du français, selon M. Sylvestre. « La haute direction va dire aux employés : voyons, c’est bizarre qu’un immigrant vous parle en français. C’est aussi rare que d’avoir un service en français au centre-ville de Montréal », a-t-il ironisé, sous les applaudissements.
D’autres défenseurs de la langue française ont aussi été invités à s’exprimer à la tribune, dont Mario Beaulieu, le président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Il craint tout autant la « bilinguisation » de l’administration publique, même s’il est d’avis que les nouveaux arrivants doivent avoir droit à certains services dans leurs langues afin qu’ils puissent s’intégrer.


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