Le déni face à l'assimilation des francophones

Une grossière manoeuvre de Jean-Marc Fournier

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La soumission abjecte à un ordre illégitime

La longue, sinueuse et mensongère réplique du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes Jean-Marc Fournier à la chronique de Michel David, « Entre l'arbre et l'écorce », du 1er octobre 2015, est une injure à l'intelligence de vos lecteurs qui connaissent la situation réelle des minorités francophones hors-Québec. Les données officielles de Statistiques Canada indiquent, recensement après recensement, que le français recule dans toutes les provinces et même au Québec. Soutenir le contraire en triturant les chiffres est une opération de propagande indigne de sa fonction.

Selon M. Fournier: « Ils sont 2,6 millions de francophones et francophiles à l'extérieur du Québec. Ils se sont battus pour pouvoir étudier en français, travailler en français, vivre en français, une bataille dont nous, Québécoise et Québécois, connaissons l'importance. Certes il y a encore des défis à relever, mais il faut prendre conscience des avancées ». écrit-il.

Et bien justement, j'en ai pris conscience, M. Fournier. Je suis né en Outaouais, j'ai étudié en Ontario et j'ai travaillé plus de 15 ans à Ottawa, la capitale unilingue du Canada. Là où plus des 100 0000 fonctionnaires fédéraux travaillent en anglais et en traduction.

Je sais aussi que 103 ans après l'adoption par Queen's Park de l'infâme Règlement 17 qui interdisait l'enseignement du français dans cette province, les franco-ontariens n'ont toujours pas droit à une université bien à eux comme en ont les anglo-québécois. « L'Ontario souligne actuellement avec enthousiasme le 400e anniversaire de la présence française sur son territoire », écrivez-vous. La preuve, plusieurs municipalités ont hissé le drapeau franco-ontarien en guise de réjouissance. Thank you very much Ms Wynne.

Je sais aussi qu'il n'y a pas 2,6 millions de francophones à l'extérieur du Québec ! Selon le dernier recensement, il y a 620 000 personnes dont le français est la langue d'usage à la maison, dont quelques 300 000 en Ontario et 210 000 au Nouveau-Brunswick. Mais un million ont déclaré que le français est leur langue maternelle, ce qui veut dire que près de 400 000 ont adopté l'anglais comme langue d'usage quotidien à la maison. Cela s'appelle l'assimilation.

Pour cacher cette réalité M. Fournier, vous ajoutez aux 620 000 personnes dont le français est la langue d'usage près de deux millions de «francophiles». Qui sont-ils? Comment les reconnaît-on? Parlent-ils français? Pas nécessairement. Ce sont des personnes qui ont déclaré au recensement avoir une connaissance du français. Une auto-évaluation très subjective.

Lorsque Statistique Canada a demandé en 1988 si la «connaissance du français» permettait d'entretenir «une conversation, assez longue sur divers sujet, dans cette langue», la moitié ont déclaré forfait. C'est donc dire qu'il suffisait d'avoir pris un vague cours de français à l'école primaire, d'avoir un parent ou un voisin à qui on dit «bonjour comment ça va» de temps à autre, pour avoir une «connaissance du français».

Vous trouverez des données précises sur les langues sur le site de suivant de Statistiques Canada http://publications.gc.ca/collections/Collection/CH3-2-8-2004F.pdf]. Vous trouverez aussi l'explication alambiquée sur la francophonie virtuelle de l'ex-directeur de la division de la démographie de la maison, Réjean Lachapelle. Selon lui, «il n'y a pas de définition canonique du francophone» à l'extérieur du Québec. «Il est même difficile d'en cerner adéquatement le noyau, écrit-il. Correspond-il au million de personnes ayant le français comme langue maternelle, maintenant rangée parmi les souvenirs, ou encore au 600 000 qui le parlent le plus souvent à la maison?»

Poser la question c'est y répondre, me semble-t-il. À moins de faire comme Jean-Marc Fournier et d'y ajouter tous ceux qui savent que le français existe quelque part dans leur arbre généalogique. D'y joindre aussi tous les Beauchamp d'Amérique, qui ne parlent plus français et qui sont maintenant devenus des Fairfield. Tous ceux qui vivent maintenant dans ce rest of Canada sans école française ou aux États-Unis.

Tous ceux là n'attendent plus de services fédéraux en français ou d'université de langue française, ils ne comptent d'ailleurs pas sur l'appui de M. Fournier. Heureusement, car sa vision de la francophonie canadienne vise au fond à dire aux Québécois que tout va bien et que leur langue est florissante dans le régime fédéral.

C'est d'ailleurs pourquoi il s'oppose à ceux qui veulent « promouvoir leur vision d'un Québec français séparé d'un Canada anglais ». Il ne voit aucune raison de faire du français la langue de travail des fonctionnaires fédéraux au Québec de crainte que cela provoque une réaction négative des anglophones à l'endroit des minorités francophones.

« Il n'y a pas de crise linguistique au Québec ». ajoute M. Fournier. Les progrès du français au Québec sont évidents, statistiquement démontrés, prétend le ministre. Or, les données des derniers recensements contredisent cette affirmation jovialité. Le graphique ci-joint démontre que le français recule même au Québec.

« Entre 2001 et 2006, le poids de l'anglais a légèrement progressé au Québec pour la première fois dans l'histoire des recensements. En même temps, le poids du français, langue maternelle comme langue d'usage, a essuyé un recul d'une ampleur jamais vue », écrit le professeur et démographe Charles Castonguay dans une chronique parue en 2014.

L'auteur illustre cette évolution dans un graphique qui met en relief la tendance défavorable au français amorcée en 2001-2006, par opposition à la tendance antérieure qui consistait en un recul simultané des poids de l'anglais et du français. Ce graphique étend l'analyse aux résultats de 2011.

Nous sommes maintenant en 2015, quatre ans se sont écoulés pendant lesquels l'immigration s'est maintenue au niveau record réalisé sous le gouvernement Charest. Autrement dit, on peut être raisonnablement certain qu'à l'heure qu'il est, le Québec est à moins de 78% francophone alors qu'une décennie plus tôt nous étions encore 81%.

Nous sommes à la veille du prochain recensement, tout le monde pourra alors constater que le discours de Jean-Marc Fournier entretient le contraire de la vérité.

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Gilles Paquin32 articles

  • 136 059

Ancien directeur de la section politique au quotidien La Presse. Journaliste pendant 35 ans, il a aussi travaillé à la radio et à la télé de Radio-Canada ainsi qu'aux quotidiens Le Droit à Ottawa et au Montréal-Matin. Il a été correspondant et envoyé spécial dans de nombreux pays en Europe, en Afrique, en Amérique latine et en Asie.





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9 commentaires

  • marie-france legault Répondre

    20 novembre 2015

    Le défi des québécois.
    Pour conserver notre langue, il faut que chaque québécois se sente responsable
    de sa qualité et en être fier. Responsabilité personnelle et fierté sont les armes
    qui rendront impossible l'assimilation. Le manifestations, le balancement des drapeaux ne donnent rien. Il faut s'impliquer personnellement.

  • Stefan Allinger Répondre

    13 octobre 2015

    Merci M. Paquin pour ce texte.
    Votre analyse m'apparaît lucide et transparente.
    Le jovialisme de Jean-Marc Fournier est déplorable et s'inscrit dans le même courant de pensé que Justin Trudeau qui invitait les francophones à conquérir le Canada plutôt qu'à vouloir un pays.
    Je comprends leur vision qui veut que les francophones prennent leur place et qu'ils fassent valoir leur droits partout mais la réalité est tout autre. Plusieurs francophones sont convaincus qu'il faut désormais parler anglais.
    Exiger le français au travail, même à Montréal, peut nous nuire. Imaginez ailleur!! Exiger des services en français peut parfois être laborieux.
    Ces deux politiciens voudraient sincèrement, je crois, créer une vague ou un mouvement de francisation enthousiaste au Canada avec des classes d'immersion et des échanges linguistiques mais les faits sont claires sur le taux d'assimiliations.
    Vouloir renverser cette tendance est noble mais les efforts que cela exige pour le peu de résultats obtenus viendront à bout de leur optimisme.
    Ils nous jurent qu'il a un oasis merveilleux au loin alors que nous savons tous que ce n'est qu'un mirage.

  • Marcel Haché Répondre

    12 octobre 2015

    Rien de surprenant provenant du plus peureux des ministres de la gang à Couillard. Une p’tite gang d’à genoux, qui mènent la « belle province ».
    La « belle province » n’a pas toujours à voir avec les québécois et les québécoises, loin s’en faut, le comté de Fournier étant le comté le plus anti-Québec de toute la belle province.
    Qu’attendre d’autre que du phlasage d’un pareil peureux, élu à 82% des voix dans ce comté canadian à l’os.
    Eh oui, 82% des suffrages… malgré LA commission qui ne règle rien…malgré un ATTENTATqui n’est pas réglé…
    Indéniablement, Fournier est un…un représentant du West Island, qui ne va jamais mordre la main qui le nourrit.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 octobre 2015

    "2,6 millions de francophones et de francophiles [aimant le français] hors Québec."
    C'est donc dire qu'ils sont plus de vingt-cinq millions dans le reste de ce pays - 90% de la population - qui ne parlent pas sa langue fondatrice et qui ne L'AIMENT PAS pas non plus.
    Pas fort, ce ministre, pas fort pentoute. Mais merci de le dire...

  • Archives de Vigile Répondre

    11 octobre 2015

    Le parti libéral du Québec, qui est notre gouvernement, a décidé depuis longtemps de ne pas protéger l'utilisation de la langue française. Alors toutes les excuses sont bonnes et Jean Marc Fournier un spécialiste en la matière n'hésite jamais à déformer les faits et à en inventer d'autres pour tenter de camoufler cet état de fait. Il faut se rappeler que la clientèle de base des libéraux est constituée des anglophones et des allophones, sauf de rares exceptions, et d'un faible pourcentage de francophones, alors!

  • Luc Lemoine Répondre

    11 octobre 2015

    [->luclemoine@videoteon.ca]
    Je soulève la question suivante au fédéraliste Jean-Marc Fournier : " Comment ce fait-il que ces 2,6 millions de "francophones" hors Québec n'ont pas une province francophone en Ontario ou une province acadienne dans les Maritimes ?
    Après tout les anglos ont bien une province avec seulement 140 000 habitants à l'Île du Prince Édouard !
    Le ministre Fournier devrait entreprendre ce combat pour vraiment aider les francos-canadiens à contrôler leur avenir, à se doter d'hôpitaux, de collèges et d'universités francophones !

  • Alain Raby Répondre

    11 octobre 2015

    Depuis trop longtemps les Québécois se sont fait berner par ces fausses statistiques concernant les francophones hors-Québec. Pour avoir enseigné le français au Manitoba dans les années 70', dans un milieu entièrement " francophone", mes élèves du secondaire, sitôt sortis de la classe conversaient en anglais entre eux. Ils étaient pourtant tous "francophones". J'avais eu la naïveté de croire que la fierté française pouvait encore être préservée chez les franco-manitobains. Mon contrat se termina en 1976 et je revins au Québec plus déterminé que jamais à œuvrer pour son indépendance politique. Le Québec est le dernier rempart de la francophonie en Amérique. Sa consolidation passe par l'indépendance nationale.
    ps://www.facebook.com/199556373390541/photos/a.283724924973685.78177.199556373390541/1076770775669092/?type=3&theater
    https://www.facebook.com/199556373390541/photos/a.283724924973685.78177.199556373390541/1076771009002402/?type=3&theater

  • Marc Labelle Répondre

    10 octobre 2015

    En fait, le ministre Fournier a annoncé une bien mauvaise nouvelle : il y aurait 2,6 millions de francophones et de francophiles hors Québec. Si on soustrait le million de francophones hors Québec selon la langue maternelle, cela signifie qu’il n’y a que 1,6 million de francophiles — amoureux de la langue française — au sein d’une population de plus de 27 millions d’anglophones. Eh misère !
    Trêve de plaisanterie, votre portait de la situation linguistique des francophones hors Québec est précis, étoffé, indéniable.
    Marc Labelle
    Citoyen de Gatineau
    Ancien francophone hors Québec

  • François A. Lachapelle Répondre

    9 octobre 2015

    Merci Gilles Paquin pour cette longue et éloquente correction apportée aux mirages du ministre Jean-Marc Fournier, membre du gouvernement de l'austérité de Philippe Couillard.
    Le chiffre de 2,6 millions retenus par le propagandiste Fournier est impossible à décortiquer à moins de compter deux fois les mêmes personnes. C'est d'ailleurs pour cela que Fournier accouple les termes difficiles à définir de " francophones et francophiles ". Pour arriver à 2,6 millions, Fournier a sûrement jouer avec 2 miroirs qui multiplient les objets à l'infini.
    Évidemment, le fédéraliste Fournier se vautre dans le piège à cons de l'article 23 de la Charte de Trudeau-1982 qui fait le tour de force de faire croire en regardant à gauche que les francophones du Québec sont une majorité, et en regardant à droite, que ces mêmes francophones sont une minorité au Canada.
    Les Québécois savent très bien la différence entre une majorité et une minorité et cela depuis l'Acte d'Union de 1840 alors que les 450 000 Haut-Canadiens ont joui du même nombre de députés que les 650 000 Bas-Canadiens.
    La crainte actuelle des canadiens-anglais est la résilience des Québécois qui encaissent coup après coup, tricherie après tricherie de la part du pouvoir centrale de dépenser au mépris des lois démocratiques du Québec.
    D'ailleurs, au scrutin fédéral du 19 octobre prochain, les Québécois qui se souviennent de la pendaison des 12 patriotes, de la pendaison de Louis Riel doivent voter par fierté pour le seul parti fédéral dédié aux valeurs et aux problèmes du Québec. Tous les autres chefs de partis sont des "manges-canayens".