Une critique injuste

Écosse et indépendance





Dans une entrevue qu'il a accordée à la BBC plus tôt cette semaine sur le référendum qui déterminera si les Écossais demeurent au sein du Royaume-Uni en 2014, l'ex-chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, a créé une controverse médiatique.
Il a laissé sous-entendre que, dans une logique où la réponse du Canada à une plus grande affirmation du nationalisme québécois était d'accorder davantage de pouvoirs et de laisser le Québec gérer ses affaires, l'aboutissement logique de ce raisonnement serait l'indépendance en bonne et due forme.
Dans un pays où les sensibilités sur le sujet sont considérables, cela a suffi pour soulever l'ire de nombreux commentateurs politiques. Certains ont même affirmé que M. Ignatieff ne «comprendrait jamais le Canada».
Quel était donc l'essentiel du propos de M. Ignatieff sur la comparaison Québec-Écosse? En somme, si on écoute toute l'entrevue, il met en lumière trois évidences: 1. Que le référendum de 1995 a occasionné une quasi-rupture de facto du pays; 2. Que le Québec est très affirmatif dans l'exercice de ses compétences constitutionnelles, qui sont considérables par rapport à d'autres états fédérés; 3. Que de plus en plus, le Québec et le reste du Canada vivent dans une indifférence relative mutuelle, ce qu'il déplore, et qu'ils agissent comme deux sociétés parallèles.
A-t-il tort? Les Québécois sont-ils actifs et engagés dans la gouvernance canadienne? Le gouvernement fédéral actuel ne gouverne-t-il pas comme si le Québec n'existait pas?
Si l'appui à la souveraineté est relativement stagnant au sein de la population québécoise depuis bon nombre d'années, on ne peut pas dire que les Québécois ont redécouvert un engouement collectif à l'égard du fédéralisme canadien pour autant.
Le ras-le-bol de la question constitutionnelle a occasionné de part et d'autre une certaine lassitude, il faut en convenir. La question qui se pose alors est la suivante: où cela nous mène? Et faut-il s'en inquiéter? Pour ceux et celles qui croient que les Québécois ont une contribution à faire dans le Canada, comme M. Ignatieff, la réponse est affirmative. Parce que nous savons bien, dans le fond, que les Québécois restent ou non dans le Canada n'aura pas vraiment d'importance si, dans les faits, ils sont déjà passés à autre chose.
J'ai appris à bien connaître M. Ignatieff au cours de la dernière campagne électorale fédérale alors que j'ai été temporairement membre de sa garde rapprochée. Pendant 36 jours, 16 heures par jour, j'étais, avec une demi-douzaine d'autres conseillers, littéralement à ses côtés. Je ne connais pas d'autres hommes ou femmes politiques provenant du Canada anglais qui ont une connaissance et un respect aussi grands de la société québécoise. Le Québec est évidemment au centre de sa conception du pays. Il est certes légitime de critiquer M. Ignatieff sur ses prises de position, et c'est de bonne guerre en démocratie, mais il est injuste, voire absurde, de l'accuser de manquer de conviction envers le Canada et de baisser les bras devant les souverainistes québécois.
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Robert Asselin
L'auteur est directeur associé de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa. Il a agi comme conseiller de Paul Martin, Stéphane Dion et Michael Ignatieff.


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