Une charte crève-coeur

Diane Rollert

Généraliser au Québec tout entier les usages mal acceptés de quelques quartiers de Montréal. La tyrannie de la minorité, c'est ça !

Mon Québec, s'il te plait, ne permets pas que la proposition de charte des valeurs québécoises te représente!
Je suis une immigrante, et je suis une pasteure, une personne «religieuse». Il y a sept ans, lorsque je suis arrivée au Québec, c'était tout un défi d'apprendre le français, mais il était facile d'apprendre à aimer ce pays.
J'adore l'énergie et la diversité de Montréal autant que j'adore les beaux paysages et les gens chaleureux du Nord du Québec, où je passe plusieurs semaines chaque année. Je considère le Québec comme mon chez-moi et il m'est impossible d'imaginer que je puisse habiter ailleurs.
Quand j'utilise le mot «religieux», je fais référence à mon choix personnel de vivre selon certaines valeurs qui m'amènent à évoluer dans une communauté affectueuse: l'amour, la tolérance, la liberté de questionner, un engagement envers la paix, la valeur et la dignité intrinsèques de toute personne.
La proposition envisagée pour une charte des valeurs québécoises est un crève-coeur pour moi, comme immigrante ainsi que comme personne religieuse. Elle me signale qu'il est possible que je ne sois pas vraiment la bienvenue dans le pays où j'ai choisi de m'établir. Elle me dit que les gens «comme moi» ne sont qu'une menace, un message tellement différent de l'accueil chaleureux que j'ai reçu ici.
Depuis que je suis au Québec, j'ai rencontré une diversité incroyable de gens et ma vie a été enrichie par des personnes qui risquent fort d'être très affectées par cette charte. J'ai connu des musulmans, juifs, bouddhistes, autochtones, hindous, chrétiens, sikhs, hommes et femmes qui travaillent fort pour faire toute une différence à Montréal et au Québec. Beaucoup sont actifs dans des programmes sociaux, en aidant les sans-abris, en empêchant l'abus conjugal, ou en améliorant l'environnement. Certains sont des immigrants venus ici pour échapper à des régimes oppressifs. Certains portent fièrement les symboles de leur foi, un hijab, une kippa, une croix, une robe jaune-safran, une étoffe cérémoniale ou un turban. Ce sont des gens qui n'ont aucune envie de convertir ou d'obliger les autres à suivre les préceptes de leur foi.
Quelle tristesse quand je pense que ces personnes, que je connais et que je respecte, seraient barrées du service public à cause du recul de la liberté d'expression qui a été assurée depuis longtemps par notre État. C'est douloureux de penser que la plupart des Québécois, selon les récents sondages, auraient peur d'eux tout simplement à cause de leur apparence.
Je comprends l'histoire difficile qui a marqué la majorité francophone du Québec. Je comprends leur désir de fortifier l'identité d'ici. Mais la puissance culturelle vient de ce qui est célébré et chéri, pas par ce qui est interdit. Ah, comment je voudrais crier au Québec, que vous avez tellement à offrir au monde! Vous possédez de la créativité, de l'ingénuité, de l'humour, de la joie de vivre, de beaux paysages, une histoire fascinante, de la cuisine raffinée, de la musique enchanteresse, et par-dessus tout d'un peuple chaleureux. Tout ça est uniquement à vous.
C'est votre caractère qui nous amène ici, nous qui sommes nous autres les immigrants, à vos côtés. Votre valeur vient de ce que vous êtes déjà. Par la législation de la différence, vous confisquez ce qui est noble et accueillant du Québec et vous le remplacez par de la division et la discorde.
Mon cher Québec, s'il te plaît, réaffirme le meilleur de ton identité aussi belle et honorable. Mets-toi debout, et dis au monde que tu n'as pas peur de la diversité; que tu es assez solide pour accueillir la différence; que tu peux engager un dialogue à travers la culture et la religion, que tu es capable d'être enrichi de la présence des autres en restant toujours toi-même. Ne laisse pas cette charte proposée des valeurs québécoises parler pour toi.


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