POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE

Un virage radical est inévitable

Une commission presse le gouvernement de réduire notre dépendance aux énergies fossiles

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Un appel à un changement de culture

La Commission sur les enjeux énergétiques du Québec presse le gouvernement d’opérer un virage très ambitieux dans notre façon de consommer l’énergie, un changement qui passe par une réduction draconienne de notre dépendance aux énergies fossiles. Elle propose d’ailleurs une série de moyens qui, s’ils étaient appliqués, transformeraient radicalement le paysage énergétique québécois.

Le Devoir a obtenu copie du rapport final produit par la Commission mise sur pied par la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet. Ce document de 300 pages est le résultat de travaux lancés en juillet dernier. Il a été remis le mois dernier à la ministre. Il doit servir de base à l’élaboration de la future politique énergétique du Québec, projet phare du gouvernement Marois.

Changements climatiques

Le rapport, intitulé « Maîtriser notre avenir énergétique », souligne d’entrée de jeu que le Québec doit rapidement prendre au sérieux la réalité des changements climatiques. C’est d’ailleurs pour cela que le gouvernement Marois s’est donné comme objectif de réduire de 25 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990, et ce, d’ici 2020.

Or, soulignent les auteurs du document, nous sommes en voie de rater complètement cette cible. « En l’absence de nouveaux moyens draconiens pour réduire les émissions, même l’objectif légal [de -20 %] ne sera pas atteint. » La Commission estime qu’au mieux, il serait possible « d’espérer les diminuer de 15 % d’ici 2025 ».

Si le Québec souhaite opérer un véritable changement de cap, il doit impérativement s’attaquer aux GES du secteur de l’énergie, qui constituent les trois quarts des émissions du Québec. La Commission propose une réduction « de 75 % d’ici 2050 ». Elle avance le même objectif « ambitieux » en ce qui a trait à la consommation d’énergies fossiles. Le gouvernement doit aussi se donner un objectif intermédiaire de réduction de 20 % d’ici 2025.

Si elle fait état d’objectifs importants, la Commission sur les enjeux énergétiques rejette l’idée de lancer dès maintenant le Québec dans l’aventure de la Bourse du carbone. Elle redoute « des flux d’argent économiquement désavantageux pour le Québec » en raison du « coût très inégal des réductions additionnelles d’émissions en Californie et au Québec ». Elle recommande de « suspendre l’application » du programme « jusqu’à ce que d’autres signataires, en particulier l’Ontario, se joignent à l’initiative ». L’Ontario n’a toujours pas fait savoir de quelle façon il pourrait éventuellement y prendre part, ni n’a fixé le moindre échéancier en ce sens.

Cette Bourse du carbone — dans laquelle le Québec est partenaire de la Californie — constitue une mesure phare du gouvernement Marois. Ce dernier compte sur ce système pour atteindre près de la moitié des réductions d’émissions prévues.

Transformer le transport

En guise de mesures concrètes, le rapport suggère d’opérer un véritable changement de culture en matière de transport, responsable de 30 % de la consommation d’énergie. En fait, cette question devrait être « au coeur » de la prochaine politique énergétique. Les auteurs estiment que cette politique devrait prévoir « un objectif de réduction nette » du nombre de kilomètres parcourus par véhicule par personne. Il importe aussi de se doter d’un objectif « spécifique » de réduction de la consommation d’énergie fossile pour le transport des personnes. Et même si « la propagation du transport électrique sera très graduelle », il faut soutenir son développement.

La Commission se montre en outre très critique de notre gestion du transport routier de marchandises, qui a connu une hausse marquée de ses émissions depuis 20 ans. « Les camions sont devenus des entrepôts mobiles grâce au faible coût de transport rendu possible par l’État qui subventionne le réseau routier bien plus que le réseau ferroviaire ou fluvial. » Dans ce contexte, Québec devrait adopter des objectifs de réduction de la consommation d’énergie par ce secteur. Le recours accru au gaz naturel fait partie des options à privilégier.

Et si certains remettent en question les investissements dans les transports en commun, le document produit à la demande de Québec est formel : « L’investissement massif dans les infrastructures de transport collectif des personnes pour le rendre attractif et fiable est aussi créateur d’emplois que la construction d’autoroutes, ce qui entraînerait un bénéfice social plus grand. »

Il faudrait aussi revoir en profondeur le développement du territoire, un aspect qui a toujours été négligé par les précédentes stratégies énergétiques. Les auteurs du rapport jugent nécessaire d’introduire la notion de « densification » dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Cela devrait signifier de restreindre l’étalement urbain galopant, ainsi que la construction de nouvelles routes et autoroutes.

Moins d’énergies fossiles

À l’instar de certains groupes environnementaux, les auteurs du rapport sont par ailleurs d’avis que le Québec peut viser « l’élimination complète » du mazout utilisé pour le chauffage en se tournant vers la biomasse forestière. Une telle initiative nécessiterait des investissements annuels d’un milliard de dollars. Des mesures sont aussi à envisager sérieusement pour faire en sorte d’accroître l’efficacité énergétique des bâtiments.

S’il préconise une réduction marquée de notre consommation d’énergie, le document ne tourne pas le dos aux projets de pipelines ni à l’exploitation pétrolière au Québec. On y plaide même pour la création d’une société d’État qui serait chargée de participer au développement. Mais tout en se ralliant à l’idée de mener des travaux d’exploration sur Anticosti, on souligne qu’« il ne semble pas opportun de commencer dès à présent l’exploitation à grande échelle ».

On prend aussi acte de la controverse suscitée par les énergies fossiles. « L’acceptabilité sociale n’est définitivement pas au rendez-vous pour ce qui est de l’exploitation des hydrocarbures fossiles, et aucune décision en ce sens ne peut d’ailleurs être prise en l’absence d’information solide sur l’importance des ressources exploitables et sur les impacts environnementaux. »

Afin de coordonner l’ensemble des efforts colossaux suggérés dans le rapport, on propose la création d’une société d’État, la Société pour la maîtrise de l’énergie du Québec, qui coordonnerait l’action du gouvernement. Celle-ci devrait bénéficier d’un financement annuel de plus de 600 millions de dollars. On estime aussi nécessaire de créer un « comité ministériel pour la maîtrise de l’énergie » présidé par la ministre des Ressources naturelles.

« Bien sûr, insistent les auteurs, les perspectives économiques découlant de cette orientation qui transforme les priorités affecteraient de nombreux acteurs économiques au Québec, en avantageant certains et en désavantageant d’autres. »


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