Un Québec multiethnique dans un Canada multiculturel

Sondages 2011


[Le sondage Angus Reid effectué le 9 septembre dernier->30481] déboulonne en entier le mythe d'un Québec raciste. Selon ce sondage, le Québec serait, avec la Colombie-Britannique, l'endroit au Canada où l'immigration est la mieux perçue, mais le sondage précise par la même occasion que le Québec est, avec l'Ontario, l'endroit au Canada où l'on souhaite le plus une réduction du niveau d'immigration. Paradoxe? Pas vraiment.
Les Québécois comprennent en effet que l'immigration ne constitue pas un problème en soi, mais qu'elle peut devenir problématique lorsque son niveau dépasse la capacité d'intégration de la société d'accueil. Le multiculturalisme exacerbe ce problème en signalant aux nouveaux arrivants qu'ils n'ont pas à s'intégrer à la culture d'accueil et peuvent conserver sous la protection des tribunaux leur culture, leur langue et leurs moeurs tout en habitant parmi nous comme de parfaits étrangers.
Les Québécois forment un peuple très métissé; les sangs amérindiens, irlandais et italiens coulent notamment dans nos veines. Notre rapport à l'identité n'est pas racial, comme on aime le penser à Toronto, mais culturel. Attendu que l'identité québécoise passe plus par le son de la voix que par la couleur de la peau, et en vertu des nombreux succès d'intégration à la culture québécoise, on peut dire que le Québec est depuis l'époque de nos ancêtres coureurs des bois une terre de métissage où la culture française d'Amérique tient lieu pour qui y adhère de fondement identitaire.
On se rappellera à cet égard l'éloquente réponse de Joseph Facal à une journaliste anglophone qui, lors de sa nomination en 1998 au poste de ministre délégué aux Affaires intergouvernementales, voulait savoir si Lucien Bouchard l'y avait nommé précisément parce qu'il n'était pas «de souche», afin de faire bonne figure. M. Facal avait répondu avec la sagacité très cartésienne qu'on lui connaît: «Au contraire, c'est parce je suis tellement québécois que cette confiance m'a été accordée.»
L'immigration ne constitue donc pas un problème en soi. Plus spécifiquement, la réponse de M. Facal illustrait la distinction, rarement faite au Québec, entre multiethnicité et multiculturalisme. Le Québec est depuis longtemps multiethnique, mais, contrairement au Canada, il ne s'est jamais voulu multiculturel.
Une contradiction
Heureusement dira-t-on, car créer de toutes pièces une «culture multiculturelle» comme tente de le faire le Canada tout en favorisant le maintien de la culture d'origine des immigrants est une contradiction sans nom. L'intégration sociale réussie nécessite en effet, malgré ce qu'en pense le sociologue Gérard Bouchard, l'abandon de certains référents et symboles issus de la culture d'origine au profit de ceux de la culture d'accueil.
Coincé au Canada, le peuple québécois se voit plutôt contraint d'abdiquer au nom du dogme multiculturel sa propre culture et son histoire devant les revendications des «communautés culturelles». On comprendra que c'est tout notre succès passé à l'intégration et au métissage qui par cette manoeuvre se trouve remis en cause.
Le multiculturalisme imposé sournoisement au peuple québécois par une petite élite depuis bientôt trente ans liquide sa culture. Loin de favoriser l'harmonie entre la majorité et les «communautés culturelles» comme on voudrait le faire croire, le multiculturalisme nivelle plutôt toutes les cultures. Ce nivellement est la résultante d'une violence structurelle faite à la culture majoritaire, neutralisant du coup ses mécanismes d'intégration.
Les Québécois s'en sont jusque-là accommodés, en partie à cause de leur grande tolérance et en raison de leur penchant traditionnel pour l'égalitarisme. Aujourd'hui fatigués des pressions culturelles sans issue dont ils sont l'objet depuis quelques années, les Québécois semblent de plus en plus enclins à l'affirmation identitaire, laissant poindre à l'horizon, comme dans d'autres pays occidentaux, une crise de la culture.
L'intégration réelle menacée
Les francophones deviendront d'ici quelques mois minoritaires sur l'île de Montréal. Comment dès lors continuer à faire entrer aveuglément, vague après vague, des centaines de milliers d'immigrants, si nous peinons à intégrer et à franciser ceux déjà parmi nous? On constate en effet que, prise en étau entre le volume stratosphérique du flux migratoire, l'individualisme exacerbé de la société de consommation et le multiculturalisme institutionnel, l'intégration réelle se raréfie. Aujourd'hui plus que jamais, le lien social de l'immigrant en faveur de la culture d'accueil se décline au conditionnel.
En conséquence, le débit quasi incontrôlé du flux migratoire — qui a subi une augmentation graduelle de 39 000 à 55 000 immigrants par année depuis 2003 — érode dorénavant plus qu'il ne la renforce l'unité socioculturelle du Québec. De moins en moins capables d'intégrer harmonieusement le grand nombre, les Québécois assistent passifs au navrant spectacle de la création de zones franches toujours plus grandes nommées «quartiers multiculturels» où, dépourvues d'assises réelles, la culture nationale et la langue française n'ont pratiquement plus droit de cité.
Afin d'éviter le piège des enclaves torontoises, des ghettos américains ou des «cités» de la banlieue parisienne, la réduction substantielle du flux migratoire à des niveaux pré-1995 (< 25 000 par année) s'impose désormais afin que le Québec puisse préserver son unité culturelle et sa capacité d'intégration future.
Le gouvernement du Québec doit en ce sens donner suite à la volonté maintes fois exprimée du peuple québécois de préserver son identité culturelle et sa cohésion nationale, en substituant à l'immigration «de masse» une politique nataliste plus énergique jointe à un accès plus facile à l'adoption internationale afin de combler son déficit démographique et de diminuer de façon proportionnelle sa dépendance à l'immigration.
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Alexis Cossette-Trudel - Candidat au doctorat en sciences des religions et doctorant en sémiologie à l'UQAM


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