Il y a 50 ans commençaient, à Montréal, Les états généraux du Canada français (1966-1969), animés par la Fédération des Sociétés Saint-Jean-Baptiste du Québec et présidés par le juriste Jacques-Yvan Morin, futur ministre péquiste. L’assemblée, en reconnaissant le droit du Québec à l’autodétermination, aurait fait schisme à l’égard des minorités francophones du Canada, ces « dead ducks » pour un René Lévesque cynique qui prévoyait leur disparition.
C’est du moins ce que laissent entendre, avec beaucoup de circonspection faut-il le préciser, la plupart des 15 collaborateurs de l’ouvrage collectif Retour sur Les états généraux du Canada français, publié sous la direction des sociologues Jean-François Laniel et Joseph Yvon Thériault. Le sous-titre du livre est très révélateur : Continuités et ruptures d’un projet national.
Les ruptures importent plus que les continuités aux yeux de Laniel et Thériault, qui soutiennent que ces états généraux « occupent une place tristement célèbre dans l’historiographie et la conscience collective, jusqu’à porter le fardeau symbolique de l’éclatement du Canada français ». Le « projet national » qui préoccupe les deux sociologues est celui d’une nation incluant avec insistance les minorités francophones plutôt que celui du Québec.
L’illusion de l’Amérique française?
Acadien né en 1949 au Nouveau-Brunswick où il a grandi avant d’enseigner à l’Université d’Ottawa de 1978 à 2008, Thériault estime que le rapprochement de l’Église et de l’État constituait autrefois un des « lieux politiques structurants de la nation française d’Amérique ». Mais il s’inquiète de la « fragilité » du Québec actuel, où « les indices élevés de suicides, de divorces, de naissances sans unions pointent tous vers une sorte d’anomie sociétale, une crise motivationnelle d’entrer en société ».
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Pour lui, Les états généraux du Canada français se voulaient « un appel à la solidarité » avec les minorités francophones. N’en déplaise à ceux que René Lévesque traitait de « professionnels de la survivance », il ne s’agissait plus de l’illusion, chère à Lionel Groulx et à l’un des collaborateurs du livre, Charles-Philippe Courtois, d’une « Amérique française » ethnique, mais d’une diaspora linguistique dont le point de convergence serait le Québec.