Un laboratoire pour frapper l'Iran?

Washington et Israël ont longuement préparé les attaques contre le Liban, selon The New Yorker

Géopolitique — Proche-Orient



La guerre au Liban n'a été ni "imposée" ni "improvisée". Elle a été longuement préparée par Israël et les États-Unis, et son objectif est de tester la meilleure stratégie pour frapper l'Iran et ses installations nucléaires.
C'est ce qu'écrit le journaliste Seymour Hersh dans une longue enquête parue hier dans l'hebdomadaire The New Yorker. La capture de deux soldats israéliens le 12 juillet par le Hezbollah n'a été qu'un prétexte, comme tant d'autres incidents qui ont lieu de temps à autre sans qu'Israël décide de les traiter comme des casus belli majeurs, dit-il.
Hersh écrit que les responsables de l'administration ont réfuté ces accusations, mais il a affirmé hier sur CNN que ses sources étaient solides.
Rappelons que le journaliste du New Yorker a été le premier à révéler le scandale des sévices infligés par les gardes américains aux prisonniers irakiens dans la prison d'Abou Ghraïb.
Intérêts convergents
Citant des sources diplomatiques et du renseignement aux États-Unis, en Israël et en Europe, Hersh affirme qu'Israël avait ses propres raisons de frapper le Hezbollah, qui s'est nettement renforcé depuis le retrait de Tsahal du sud du Liban en 2000.
Mais l'État juif a coordonné avec les néo-conservateurs de la Maison-Blanche, y compris avec le président George W. Bush et le vice-président Dick Cheney, la meilleure façon de servir la stratégie états-unienne dans la région, contre l'Iran surtout, et la guerre contre le Hezbollah est apparue aux deux alliés comme un excellent test, souligne Hersh.
L'objectif, dit-il, était de détruire le réseau souterrain fortifié où le Hezbollah déploie le nouvel arsenal électronique obtenu de l'Iran, de soulever les sunnites et les chrétiens libanais contre la milice chiite, de déployer une force de l'ONU à la frontière syrienne pour couper les envois iraniens et de permettre aux États-Unis de répéter l'opération, à plus grande échelle, contre l'Iran lui-même.
D'où, écrit Hersh, l'insistance de Bush à Blair, au sommet du G8, sur la responsabilité de la Syrie et de l'Iran pour mettre au pas le Hezbollah. D'où aussi, poursuit-il, l'alignement de l'Arabie Saoudite, de la Jordanie et de l'Égypte sur Washington - dans l'espoir de former, avec l'Europe, une grande coalition pour isoler l'Iran.
Mais en détruisant les infrastructures du Liban et en tuant des civils, les raids d'Israël ont rassemblé les Libanais derrière le Hezbollah, dont la farouche résistance terrestre et les tirs de roquettes ont ralenti Tsahal. Citant les 70 jours de bombardements de l'OTAN dans la guerre du Kosovo, Israël pensait achever le Hezbollah en 35 jours. La colère de la rue et la dévastation du Liban ont poussé les régimes arabes à dire "assez", écrit Hersh.
Que conclura Bush?
"L'échec d'Israël face au Hezbollah doit être un avertissement pour la Maison-Blanche", dit Richard Armitage, ancien secrétaire adjoint de Bush, cité par Hersh. "Si une puissance comme Israël ne peut pas pacifier le Liban avec ses quatre millions d'habitants, comment appliquer cette formule à l'Iran avec ses 70 millions d'habitants et sa profondeur stratégique?" demande-t-il.
D'autres, dont des agents qui ont confié à Hersh que le renseignement sur ce dossier avait été acheminé directement à l'administration, sans analyse, comme avant l'invasion de l'Irak, craignent que la Maison-Blanche va conclure qu'Israël a réussi au Liban. Et qu'elle va se sentir enhardie pour attaquer l'Iran - peut-être dès la fin du mois, quand Téhéran "dira non" à l'ONU à la fin du délai pour qu'il cesse d'enrichir l'uranium, conclut Seymour Hersh.


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