Les économistes de toutes tendances reconnaissent que la monnaie nationale est une partie importante de la souveraineté économique d’un pays. On parle souvent des avantages concrets pour un pays d’avoir une politique monétaire adaptée à sa propre économie nationale. La crise économique européenne vient de mettre en évidence les problèmes rencontrés par les pays ne possédant pas de contrôle sur leur politique monétaire, comme la Grèce et l’Espagne, alors que leurs dirigeants ne possèdent pas les outils monétaires nécessaires aux ajustements demandés par une variation du taux de change et du taux d’intérêt rendus impossibles par rapport aux autres pays européens et au reste du monde, cela étant causé par l’union monétaire à l’euro.
Dans le cas du Québec, on a souvent parlé de la politique monétaire canadienne qui est axée, en toute logique, sur l’ensemble économique canadien, mais ne tenant pas compte prioritairement de la stricte réalité économique québécoise. Il reste que le Québec possède forcément un certain mot à dire sur la politique monétaire canadienne puisque nous faisons partie du Canada et que nous en représentons le quart. Il est impossible de ne pas tenir compte de la situation économique québécoise pour la Banque du Canada car nous faisons partie de ce pays; même s’il est vrai que nous sommes minoritaires dans ce pays et que les décisions peuvent bien sûr nous défavoriser en favorisant le reste du Canada qui est majoritaire.
Si le Québec devient un pays et qu’il utilise le dollar canadien, le dollar américain, l’euro, ou la monnaie de n’importe quel autre pays du monde, il est clair que le Québec ne pourra pas dire un seul mot dans la politique monétaire de ce pays puisqu’il n’en fera pas partie. Au mieux, le Québec pourrait obtenir, après de longues et pénibles négociations avec le reste du Canada ou le pays propriétaire de la monnaie que l’on voudrait utiliser, une position comparable à la Grèce par rapport à l’euro.
Ainsi, les partisans du dollar canadien ou du dollar américain au sein du mouvement souverainiste québécois, proposent une situation où le Québec devient un pays et perd du pouvoir en matière de politique monétaire. Non seulement un des avantages économiques de la souveraineté du Québec vient de disparaître avec une telle proposition mais la réalité internationale actuelle nous démontre que les unions monétaires, quelles que soient leurs formes, peuvent être dangereuses particulièrement pour les pays minoritaires dans ces unions.
Il y a pire. En voulant dédramatiser le passage du Québec au statut de pays souverain, soit en proposant de conserver le dollar canadien, le PQ a offert sur un plateau d’argent au reste du Canada la possibilité de faire chanter le Québec lors du référendum en nous faisant croire que le Québec ne pourrait utiliser le dollar canadien une fois devenu souverain. Sans compter tout l’impact psychologique négatif que constitue, pour l’option indépendantiste québécoise, un projet de pays ne comprenant pas de monnaie. Quel aveu de faiblesse que de ne pas vouloir contrôler son argent!
Mais l’importance pour un pays de posséder sa propre monnaie ne se limite pas à réagir à court terme aux aléas de la conjoncture économique mondiale. La fonction de création monétaire, ou seigneuriage, est souvent négligée par les économistes. Dès que l’on parle de l’utilisation de la planche à billets pour financer certaines dépenses on se rappelle le folklore du crédit-social proposant d’imprimer l’argent et le donner aux pauvres ou bien on fait le parallèle avec les républiques de bananes qui ont des inflations dans les deux chiffres en finançant la majorité de leurs dépenses par seigneuriage.
Il est vrai qu’une création monétaire ne servant qu’à la consommation de dépenses ne créera pas de richesses et qu’elle finira fort probablement par être dangereusement inflationniste. Cela n’est pas du tout le cas par contre si cette création monétaire sert à financer des investissements de long termes qui affecteront la productivité nationale. En fait, l’impact à long terme de tels investissements sera plutôt de faire baisser le niveau général des prix en causant ainsi un véritable enrichissement national par une augmentation des possibilités de production nationale ce qui équivaut en fait à une augmentation de la productivité nationale. Ce sera le cas si la planche à billet sert à construire de nouveaux ponts, de nouvelles autoroutes, de nouveaux canaux, de nouveaux ports, de nouveaux TGV, des nouveaux métros, etc…En fait les plus grands états nations sont ceux qui ont su utiliser leur monnaie d’une façon responsable et intelligente. Il est beaucoup plus sensé d’utiliser la création monétaire pour financer de nouvelles infrastructures de transport qui augmentent la productivité nationale que d’imprimer la monnaie et de l’envoyer aveuglément dans les marchés financiers qui peuvent bien s’en servir pour faire de la spéculation internationale comme le font actuellement les banques centrales à travers le monde en espérant qu’une partie de cet argent serve à créer de la véritable richesse. Les marchés financiers et leurs économistes influents ont naturellement tendance à occulter le pouvoir de la création monétaire nationale comme mode de taxation et d’investissement. Cela est normal car le pouvoir monétaire passe ainsi des marchés financiers à l’état.
Un autre avantage du seigneuriage comme mode de taxation est le fait de pouvoir taxer toute l’économie nationale dans son ensemble, incluant l’économie au noire qui échappe bien souvent à la fiscalité.
Bien entendu, le Québec ne créera pas une nouvelle monnaie le lendemain de la victoire du oui au référendum. Temporairement, le dollar canadien restera la monnaie québécoise dans une transition de quelques années. Lorsque toutes les nouvelles institutions québécoises seront établies, que le partage de la dette et des actifs du fédéral sera terminé, le Québec sera prêt à entrer à pleine dents dans la vraie vie d’un état nation en créant sa propre monnaie nationale. Un taux de change fixe devrait normalement être établi avec le dollar canadien dans un premier temps…
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1 commentaire
Marcel Haché Répondre
23 janvier 2015Autre texte remarquable. Point de vue inattaquable.
Au lieu de mettre tout le monde sur les nerfs et engraisser nous-mêmes tout à fait gratuitement l’argumentaire de peur des fédéralistes, et faire tout un bla-bla à propos de garder le dollar canadien (comme si nous étions les seuls concernés), les indépendantistes auraient mieux à faire et utiliser le mot « Transition ». Ce qui impliquerait évidemment d’atténuer le mot « Rupture »… et cesser enfin de rêver au Grand Soir.
Nous ne sommes pas une bande de taouins qui « avions » peur de l’Indépendance. Il n’y a pas un seul peuple riche qui voudrait s’embarquer dans une aventure. Et Nous sommes riches déjà. Nous ne sommes pas dans une situation où Nous n’aurions « rien à perdre ». C’est précisément parce que notre nation est riche qu’elle est en droit de s’attendre (et d’obtenir) les assurances qu’il faut concernant une Transition politique.
Méchante, méchante grosse job au P.Q….