Un acteur incontournable

Géopolitique — Russie






Sans surprise, Vladimir Poutine retourne à la présidence de la Russie, un poste qu'il avait occupé de 2000 à 2008. En prime, son mandat, renouvelable, est maintenant de six ans au lieu de quatre. Autant dire qu'il faudra s'habituer à le voir jusqu'en 2024.
La plupart des observateurs ont longtemps sous-estimé Vladimir Poutine. L'ancien agent du KGB a fait carrière en Allemagne de l'Est avant de rejoindre les cercles du pouvoir russe. En 1998, il entre au bureau du président Eltsine, devient chef des services de sécurité, puis premier ministre, et enfin président en décembre 1999. Quelques mois plus tard, il est élu pour un premier mandat. Une ascension fulgurante et étonnante. Mais on s'interroge : gouverne-t-il vraiment ou n'est-il qu'un pion aux mains du clan Eltsine? Impossible de le dire, mais les premières années de son régime sont surtout marquées par une remise en ordre de l'économie.
À l'époque, Poutine n'est pas un acteur sur la scène internationale. Après les attentats du 11 septembre 2001, il offre un appui sans faille au président Bush dans la lutte contre le terrorisme, ce qui sert de couverture aux massacres en Tchétchénie. Il va s'opposer à la guerre en Irak, mais sans plus.
C'est depuis son deuxième mandat que Vladimir Poutine s'affirme comme leader mondial. Il se veut le promoteur d'une nouvelle Russie, forte et consciente de sa place dans le monde.
Dès 2005, à Munich, devant un parterre de leaders politiques occidentaux, il affirme que «la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle fut la dissolution de l'Union soviétique». Il ne manque pas une occasion de dénoncer le retour de l'impérialisme occidental et les dérives de l'interventionnisme à tout crin. En 2007, à Istanbul, il avertit l'OTAN que l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'Alliance atlantique serait considérée comme un acte hostile envers son pays.
Poutine veut reconstituer l'empire soviétique, tout en «respectant» les souverainetés. En 2008, il mène une guerre éclair contre la Géorgie et reconnaît l'indépendance de deux territoires géorgiens. En Ukraine, il favorise le retour au pouvoir des pro-russes. En Asie centrale, les cinq «stan» sont dorénavant accrochés à l'orbite russe. Quant au Belarus, dernière dictature européenne, Poutine attend sa demande de rattachement à la Russie. Compte tenu de la situation économique et politique de ce pays, cela ne devrait pas tarder.
La Russie de Poutine fait sa place, ce qui ne veut pas dire qu'elle est en opposition constante avec le reste du monde. Elle est de toutes les grandes négociations internationales sur la Palestine, l'Iran, la Corée du Nord. Elle vient d'adhérer à l'Organisation mondiale du commerce et, l'an prochain, devrait joindre le club très sélect des membres de l'OCDE. Au Conseil de sécurité, elle vote souvent du côté des Occidentaux. Pour autant, il y a des lignes rouges à ne pas franchir. Elle a dit son opposition à une intervention en Libye et bloque toute solution sur la Syrie.
Certains analystes ont vu dans les prises de positions anti-occidentales de Poutine un simple effet de la campagne électorale en Russie. Poutine élu, les choses devraient se calmer. Erreur. Le président russe est au pouvoir depuis 12 ans. Il se fait une certaine idée de son pays, comme De Gaulle en avait une de la France. Il voit la Russie comme un acteur incontournable, une puissance avec laquelle il faut compter.
Il n'a pas tort. Riche en gaz, en pétrole et en minerais, la Russie s'est transformée depuis une décennie. Pour autant, avec un PNB égal à celui du Brésil, mais sans la vitalité économique de ce dernier, la Russie va mettre longtemps avant de redevenir une grande puissance. Poutine le sait et il se donne 12 autres années pour offrir au monde une nouvelle image de son pays.
***
Jocelyn Coulon
L'auteur (j.coulon@umontreal.ca) est directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, affilié au CERIUM.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé