Tunisie: le terrorisme a frappé

Chronique de Djemila Benhabib

Ils étaient venus découvrir les trésors que recèle le riche passé métissé d’un petit pays au grand destin, convoité par les Romains et les Phéniciens, entre autres, voilà belle lurette, et ont été piégés par les convulsions d’un présent tourmenté par la montée en flèche de la barbarie islamiste.

Vingt et une personnes sont mortes dans l’attaque du musée du Bardo, mercredi à Tunis. Attentat, revendiqué, le lendemain, par l’Etat islamique.

La violence, pourquoi ?

Comment échapper à cette absurdité de l’Histoire? Pourquoi se surprendre de cette terrible violence? L’islam politique n’a-t-il pas partout, peu ou prou, la même idéologie, le même projet, les mêmes méthodes? Comment ne pas exprimer, aujourd’hui, mon sentiment d’une infinie tristesse, d’impuissance et mon entière solidarité à l’égard de mes amis démocrates tunisiens?

Le dessein des islamistes est clair : contrarier la marche de la Tunisie vers la démocratie; faire couler son économie et l’isoler du monde; l’enfermer dans une supposée identité arabo-musulmane exclusive avec sa vision fantasmagorique de l’oumma, la soi-disant nation musulmane sans frontières pour la couper de ses racines africaines et méditerranéennes.

Bref, l’empêcher d’être ce qu’elle a toujours été, un îlot de brassage culturel et intellectuel, un carrefour de plusieurs civilisations, un creuset de la modernité arabe, un pont tendu entre le Sud et le Nord.

Les islamistes sont-ils en guerre contre la Tunisie?

Nadia El Fani, courageuse cinéaste condamnée à mort pour sa déclaration publique d’athéisme, n’en a jamais douté. Avec son film Laïcité Inch’Allah!, cette fille d’ancien dirigeant communiste met les pieds dans le plat et prédit, dès le lendemain de la révolution, un affrontement brutal entre «islamistes » et « laïques ».

Depuis, la chute de Ben Ali, le 14 janvier 2011, une dynamique complexe portée par des mouvements contradictoires s’est mise en place pour inventer un nouveau pacte social.

La dictature est tombée, mais son système n’a pas totalement disparu et le parti islamiste Ennahda s’est imposé par les urnes aux élections législatives, le 23 octobre 2011, remportant 41,5 % des suffrages et 89 sièges (sur 127) de l’Assemblée nationale. En 2014, sa majorité a fondu à 69 sièges et le parti a perdu le pouvoir au profit de Nidaa Tounes, un parti laïque.

Ça fait mal!

À l’origine du terrorisme, un projet politique et une alliance stratégique

Profitant de cette période de transition démocratique, les salafistes se défoulent, dans des actions concertées et coordonnées sous la bénédiction de son grand frère, Ennahda. La démocratie pâlit. L’islam vire à l’islamisme.

Les attaques contre les laïques n’ont jamais cessé ainsi que les agressions contre les femmes « occidentalisées », c’est-à-dire ne portant pas le voile islamique.

En 2011, le compte à rebours commence. Violence contre Nessma TV, la chaîne qui avait osé diffuser Persepolis, de la Franco-Iranienne Marjane Satrapi, et son directeur, Nabil Karoui, les menaces de mort contre la blogueuse Lina Ben Mhenni, fer de lance de la mobilisation tunisienne sur Facebook, ainsi que les violences qu’a subies Habib Kazdaghli, le célébrissime doyen de la faculté des lettres de la Manouba, qui avait clairement fait savoir au nom de son université que le niqab n’était pas le bienvenu dans ses salles de cours.

En juin 2012, les salafistes brûlent des toiles, saccagent des bars, attaquent des commissariats de police et des sièges de syndicats, incendient des bureaux juridiques et appellent au meurtre de plusieurs artistes.

Et puis deux assassinats politiques bousculent le pays en 2013. Le 6 février, Chokri Belaïd, critique virulent d’Ennahdha, est abattu, non loin de son domicile. Ses proches soupçonnent le parti, qui dément les accusations. Le 25 juillet 2013, Mohamed Brahmi, membre de l’assemblée constituante, est assassiné et sa femme Mbarka accuse Ennahdha.

« Pour moi, ces attentats ne sont finalement qu’un prolongement terroriste de la stratégie politique d’Ennahda qui consiste à couper le pays du reste du monde. La Tunisie ne vit que de ses capacités d’interactions avec le reste du monde et en particulier avec l’Occident. Elle n’a pas de ressources autonomes. Cela a été la stratégie permanente des Frères musulmans partout où ils ont agi : couper les ponts avec le monde extérieur dans un objectif de prendre le pouvoir sans que personne ne puisse intervenir. Cela a été écrit noir sur blanc par Saïd Qotb, le grand penseur des Frères musulmans. » – déclare Alain Chouet, ancien responsable de la DGSE, dans Marianne, qui fait une lecture politique de ces attentats dans lesquels il voit une continuation terroriste de la politique du parti islamiste Ennahda au pouvoir en Tunisie de 2011 à 2014.

Ah, le Bardo!

Je les revois ces touristes traîner avec nonchalance, dans les grandes salles du musée, ébahis comme je l’ai été, en 2012, de découvrir la plus importante collection de mosaïques romaines du monde méditerranéen.

Après de longs travaux de rénovation et d’agrandissement, le «nouveau musée» du Bardo a ouvert ses portes le 19 mai 2012. La veille, jour de ma visite, tout le monde s’activait. Une jeune femme à la magnifique chevelure rouge ondulée s’appliquait à gratter une mosaïque romaine couvrant un mur entier d’une salle d’exposition du premier étage. Accroupie, les mains dans des gants en plastique jaunes et le corps camouflé par un tablier blanc lui arrivant aux genoux, la jeune restauratrice travaillait dans un nuage de poussière aux côtés de deux autres collègues femmes pour donner vie à Vénus, là, sous mes yeux, aux côtés d’un Bacchus couronné de lierre.

Je retiendrai à jamais le souvenir de ces femmes au service de leur pays, de la culture, de l’histoire, de l’art et de la beauté du monde réunies ensemble pour que l’étendard noir de l’obscurantisme ne se pose jamais sur les balbutiements d’une démocratie à peine naissante.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mars 2015

    Désacraliser le coran et mahomet...Ouf! projet ambitieux s'étalant sur un siècle ou deux ..Et On aura un millard d'endoctrinés (es) qui sortiront dans les rues pour cracher et postillonner sur les mécréants occidentaux...si ce n'est pas pour se joindre au EI et faire tout sauter en criant à gorge déployée allah akbar.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2015

    La charia est un système totalitaire, non modifiable et non abrogeable, qui, à terme, selon l'islam, doit régner sur toute la planète.
    Il faut couper les racines de l'islam (Sami Aldeeb 6)
    http://gloria.tv/media/tetuE5mNwGz