En octroyant plus de poids au Québec autour de la table des décisions, Justin Trudeau s’offre des munitions afin de répondre au Bloc québécois et à la CAQ.
Avec un contingent de 32 députés à Ottawa, le Bloc constitue une force politique significative, lui qui était sur le respirateur artificiel depuis 8 ans.
On imagine déjà la guerre de tranchées que se livreront à la Chambre des communes bloquistes et libéraux. Justin Trudeau a constitué une équipe qu’il pense capable de répliquer coup pour coup.
Les ministres québécois seront plus nombreux et dirigeront des ministères plus importants et variés. L’équipe économique libérale québécoise a été renforcée, avec Jean-Yves Duclos au Trésor et Mélanie Joly au Développement économique.
Justin Trudeau offre aussi la plus importante promotion de tous à François-Philippe Champagne, qui devient le ministre des Affaires étrangères, un des postes les plus prestigieux.
Un lieutenant débordé
Pour s’assurer que tous comprennent bien le message, le premier ministre ressuscite la fonction de lieutenant du Québec, dont M. Trudeau ne voulait pas il y a 4 ans. Le poste revient au Montréalais Pablo Rodriguez. Un lieutenant provenant des régions aurait peut-être été plus judicieux.
Le PLC a presque tout raflé sur l’île de Montréal. C’est à l’extérieur de la métropole que le parti cherche à faire des gains. M. Rodriguez n’est pas non plus connu pour être le plus fervent des nationalistes québécois.
Un lieutenant moins occupé, aussi, aurait été possiblement préférable. On se demande combien de temps M. Rodriguez aura à consacrer à cette tâche, lui qui a comme principale mission de faire durer un gouvernement minoritaire face à des oppositions qui veulent ultimement sa peau.
Ce vétéran de la politique fédérale, bon communicateur, devient aussi le point de contact à Ottawa des ministres du gouvernement du Québec. C’est vers lui que les projecteurs seront braqués lorsque d’inévitables querelles éclateront entre les deux capitales.
Affable mais sanguin, Pablo Rodriguez devra composer avec un François Legault prompt et revendicateur.
Des ministres Influents?
Les Québécois seront encore plus nombreux à la table du conseil des ministres de Justin Trudeau. Mais reste à savoir s’ils seront écoutés. Car ce ne fut pas toujours le cas par le passé. L’épineux dossier Netflix vient rapidement en tête.
Les libéraux ont refusé pendant 4 ans de serrer la vis aux géants du web en exigeant qu’ils prélèvent la taxe de vente.
Des députés et ministres québécois ont bien tenté à l’époque de faire entendre raison au premier ministre et son entourage torontois, réfractaire à cette idée, mais sans succès.
La taxation des géants du web a finalement fait son chemin dans la plateforme électorale libérale de peine et de misère. C’est le premier ministre lui-même qui aurait tranché à la dernière minute. Justin Trudeau s’en serait mordu les doigts s’il avait pris la décision inverse, alors que tous les autres partis, y compris les conservateurs d’Andrew Scheer, proposaient de mieux encadrer les géants du web...
Est-ce que ce genre de décalage avec l’opinion publique québécoise peut être évité avec la présence d’un lieutenant québécois? Ou encore grâce à une équipe de ministres issus de la Belle Province plus imposante ? Il faudra voir à l’usage. Pour l’instant, M. Trudeau est toujours entouré de la même clique torontoise.