La question du travail détaché a pris une importance nouvelle dans le débat public. Les gouvernements d’Europe, ainsi que la Commission européenne, ont compris – il était temps – que le travail détaché donnait une image catastrophique de l’UE. Traduction : le travail détaché permet aux Européens d’y voir plus clair sur le traquenard néolibéral du droit européen.
Pour rappel, on dit qu’une entreprise « détache » un travailleur lorsque cette entreprise, dont l’activité est située dans un État A, envoie temporairement son salarié travailler dans un État B.
Pour éviter, officiellement, tout risque de dumping social, une directive européenne datant de 1996 impose qu’un socle de règles impératives en vigueur dans le pays d’accueil (durée du travail, salaire minimum, etc.) bénéficie au salarié détaché.
Cette directive, toutefois, n’est qu’un attrape-nigaud. Comme nous allons le voir, malgré une condamnation de façade, en pratique, le droit européen a véritablement institutionnalisé le dumping social.
Tout d’abord, si les entreprises qui détachent leurs salariés sont censées leur verser au minimum le SMIC du pays d’accueil, en revanche, le taux de charge sociale sur le salaire reste celui du pays d’envoi. Par ce simple biais, le dumping s’opère.
Plus grave encore, le socle de protection prévu par la directive de 1996 reste de facto lettre morte dans bien des cas car aucun système massif de contrôle n’est mis en place. Un tel système relève d’ailleurs de l’impossible dans le cadre d’un marché de 500 millions de personnes.
S’il arrive que certaines entreprises se fassent condamner, elles ne sont, hélas, que de minces exceptions confirmant la règle.
Enfin, il faut savoir que le droit européen repose sur quatre piliers, les « quatre libertés » : liberté de circulation des capitaux, des personnes, des biens et des services.
Lorsque la Cour de justice de l’Union européenne rend un arrêt, elle cherche prioritairement à consacrer ces quatre libertés. Seule une raison impérieuse d’intérêt général lui fait dévier de son objectif. Le problème, c’est que dans une longue série d’arrêts (Laval, Viking, Rüffert et Luxembourg), la CJUE a toujours trouvé un bon prétexte pour écarter l’intérêt général et faire primer la liberté de service.
Au final, force est de constater que le droit européen, s’il ne l’instaure pas, rend absolument inévitable le dumping social.
Face à l’eurosceptiscisme montant, Michel Sapin a fait de la lutte contre le travail détaché un de ses chevaux de bataille en vue des élections européennes. Il souhaiterait, dit-on, monter au créneau lors du prochain Conseil européen des 19 et 20 décembre prochains.
Que le lecteur ne s’y trompe pas : c’est là pure comédie. Le seul moyen de venir à bout du dumping social made in UE est de revenir sur la liberté de prestation, fille de la liberté de circulation des services, elle-même fille des traités européens. En d’autres termes, on ne viendra à bout du dumping social que par la dénonciation des traités européens, ce que notre chère gogôche, nous le savons, n’envisage pas un seul instant.
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