TransCanada - Déficit de confiance

En plein dans le mille !

Ce qui a longtemps été une rumeur prend forme : TransCanada Corporation entend aller de l’avant avec son projet d’oléoduc reliant l’Alberta au Nouveau-Brunswick en passant par Montréal et Québec. Pour le moment, aucun gouvernement provincial ne s’y oppose, pas même Québec, dont la position reste pourtant ambiguë. Après Lac-Mégantic, impossible de ne pas se montrer méfiant devant ces compagnies de transport et un gouvernement fédéral à leur service.

L'oléoduc projeté par TransCanada devra franchir plusieurs étapes d’approbation réglementaire avant sa réalisation, mais le grand défi sera de convaincre les citoyens, les Québécois surtout, qui subiront la plus grande partie des inconvénients.

Le pipeline est moins dangereux que le train, mais lorsqu’une fuite survient, la quantité de pétrole déversé est largement plus importante. De plus, comme la construction de tout nouveau pipeline vise à répondre à l’objectif de doubler la production de pétrole des sables de l’Alberta d’ici 2020, il va de soi que leur arrivée ne contribuera en rien à la lutte contre le réchauffement climatique dont le Québec continue de se présenter comme un ardent défenseur.

Cela dit, nous ne sommes pas à la veille de cesser de consommer du pétrole, qu’il vienne de l’Alberta, de l’Afrique du Nord ou des États-Unis, comme celui du drame de Lac-Mégantic.

Sur le plan économique, on a surtout fait valoir que le Québec profiterait du passage de l’oléoduc sur son territoire de trois façons. Premièrement, la construction fournirait de l’emploi à des centaines de personnes pendant quelques années.

Deuxièmement, les livraisons de pétrole de l’Ouest alimenteraient les raffineries de Montréal et de Québec à meilleur prix que les importations d’outre-Atlantique.

Finalement, les exportations vers l’Asie généreraient une plus forte activité économique, des redevances et des taxes importantes pour Edmonton et Ottawa, donc pour tous les Canadiens.

Sans être négligeables, ces arguments restent incomplets. À titre d’exemple, l’écart qui a existé pendant quelques mois entre le Brent de la mer du Nord et le WTI américain a aujourd’hui disparu. Puis, pour rassurer les Québécois, ne leur a-t-on pas dit que leurs raffineries n’étaient pas conçues pour traiter le pétrole lourd des sables bitumineux ?

Soyons franc : si TransCanada s’est soudainement tournée vers l’Est, c’est que le projet Keystone XL reste incertain. C’est aussi parce qu’elle fait face à une vive opposition de la Colombie-Britannique au pipeline Northern Gateway que son concurrent Enbridge a choisi d’inverser la ligne 9 qui relie Sarnia à Montréal.

TransCanada reprend donc l’offensive en offrant une route qui semble politiquement plus sûre même si le passage par l’Est allonge le voyage vers l’Asie de plusieurs milliers de kilomètres.

Pourtant, rien n’est acquis au Québec étant donné le peu d’avantages pour la province et les risques considérables que le transport de 850 000 barils par jour d’une variété de pétrole brut qui ne flotte pas fait courir à l’environnement.

En somme, seuls les sociétés pétrolières et les gouvernements de l’Alberta et du Nouveau-Brunswick sont vraiment gagnants malgré le qualificatif de « nation builder » attaché au projet par leurs premiers ministres respectifs.

Au Québec, Gaz Métropolitain a même fait savoir qu’elle risquait de devoir payer, et de revendre son gaz plus cher à cause de la transformation de l’actuel gazoduc de TransCanada en oléoduc. Il est aussi possible que, malgré son bilan intéressant en matière de réduction des gaz à effet de serre, le Québec voie ses raffineries pénalisées par la future politique fédérale qu’on dit conçue pour transférer une partie du fardeau réglementaire de réduction des GES de la phase exploitation, en pleine expansion, à la phase raffinage concentrée dans l’Est.

Le plus grand défi des gouvernements fédéral, de l’Alberta et du Nouveau-Brunswick sera donc de convaincre les habitants du Québec qu’on aurait raison de faire confiance à TransCanada. Ce ne sera pas facile étant donné les nombreux et coûteux déversements survenus dernièrement et l’impossibilité pour le Québec et les victimes de Lac-Mégantic d’obtenir quelque promesse de réparation que ce soit des acteurs de l’industrie depuis le drame du 6 juillet.
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