Trans Mountain: la tension grimpe de plusieurs crans

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L'Ouest se déchire à propos de l'oléoduc

La tension a monté de plusieurs crans lundi dans le dossier de l'oléoduc Trans Mountain, avec la tenue d'un débat d'urgence en soirée à la Chambre des communes et l'adoption d'une loi inédite en Alberta qui pourrait réduire les approvisionnements en pétrole de la Colombie-Britannique.


Le président de la Chambre, Geoff Regan, a acquiescé à la demande de la députée conservatrice de l'Alberta Shannon Stubbs qui a fait valoir que des milliers d'emplois et des millions de dollars pour l'économie canadienne étaient en jeu. C'est la deuxième fois en deux mois que les conservateurs demandaient un débat d'urgence sur le projet, mais leur première requête avait été rejetée.


Les élus de tous les partis ont débattu avec émotion au sujet du projet de 7,4 milliards piloté par Kinder Morgan dont l'avenir est aujourd'hui menacé. L'entreprise texane a causé la surprise la semaine dernière en annonçant la suspension de tous les investissements non essentiels à son projet jusqu'au 31 mai.


«Ce qu'on voit ici est une compétition entre le gouvernement et l'opposition officielle, qui cherchent à déterminer qui est le plus ardent promoteur du projet, sans tenir compte de ce que pense la population de la Colombie-Britannique!», a déploré le leader parlementaire néo-démocrate Guy Caron pendant les échanges.


Le député conservateur Gérard Deltell a quant à lui cité en exemple «les neuf pipelines qui passent sous le fleuve Saint-Laurent» au Québec, dont celui de Lévis qui relie Montréal.


«Ça fera bientôt six ans qu'il est en opération et ça va très bien, jamais vous n'avez entendu parler d'une catastrophe», a-t-il martelé.


Comme ses collègues conservateurs, M. Deltell a imputé l'impasse au gouvernement Trudeau, mais aussi au Parti vert de la Colombie-Britannique qu'il a qualifié de «radicaux verts qui tiennent en otage» un projet profitable.


Pour justifier sa décision de suspendre ses investissements, Kinder Morgan a invoqué l'incertitude causée par le nouveau gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique, inquiet des conséquences environnementales de ce projet. L'entreprise exige des garanties claires avant de poursuivre - ou pas - l'agrandissement de Trans Mountain.


Crise nationale


La société a déjà injecté plus de 1 milliard pour tripler la capacité de son oléoduc entre les sables bitumineux et le port de Vancouver. Ce projet, qui a déjà reçu plusieurs approbations réglementaires, est jugé d'intérêt national par le gouvernement de Justin Trudeau.


Le premier ministre a martelé son intention d'utiliser tous les moyens mis à sa disposition pour permettre au chantier d'aller de l'avant. Son ministre des Finances Bill Morneau a entamé des discussions avec Kinder Morgan en vue d'un potentiel investissement public dans l'oléoduc. Ottawa envisage aussi de déposer un projet de loi pour réaffirmer l'autorité fédérale dans ce domaine.


L'Alberta a quant à elle promis de remuer ciel et terre pour garantir cet investissement. Et elle a tenu parole : les députés albertains ont adopté lundi en première lecture une loi donnant les pouvoirs à la province de réduire les livraisons de carburants à la Colombie-Britannique voisine.


Le gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley pourra ainsi contrôler la quantité d'essence et de diesel qui transite entre l'Alberta et la province récalcitrante. «Ce projet de loi envoie un message clair : nous utiliserons tous les outils à notre disposition pour défendre les Albertains et pour défendre nos ressources», a-t-elle lancé.


Craignant une forte hausse des prix de l'essence à court terme, la Colombie-Britannique n'a pas tardé à réagir. Le procureur général de la province a menacé de poursuivre l'Alberta lundi en fin de journée, affirmant qu'il était inconstitutionnel pour une province d'utiliser sa politique énergétique comme arme de représailles commerciales.


Menaces d'arrestation


Les citoyens qui manifestent illégalement contre l'expansion de l'oléoduc Trans Mountain seront arrêtés par les forces de l'ordre, a par ailleurs menacé le ministre des Ressources naturelles Jim Carr.


«Les gens qui enfreignent la loi seront arrêtés, ils ont déjà été arrêtés et s'ils continuent à choisir d'enfreindre la loi, ils seront sans aucun doute encore arrêtés, a lancé M. Carr en entrevue à l'émission Power Play de CTV. On a deux membres du Parlement qui ont choisi d'être arrêtés. Ça fait partie de la façon dont notre système fonctionne.»


La chef du Parti vert Elizabeth May et le député néo-démocrate Kennedy Stewart comptent parmi les dizaines de personnes arrêtées pendant des manifestations contre le projet d'expansion de Kinder Morgan, en mars dernier, en Colombie-Britannique. Les deux politiciens feront face à des accusations criminelles pour avoir violé une injonction interdisant de manifester à moins de cinq mètres du chantier, a-t-on appris lundi.


Au total, près de 200 manifestants ont été arrêtés ces derniers mois en Colombie-Britannique. Et le mouvement d'opposition envers le projet de 7,4 milliards de l'entreprise texane semble bien loin de vouloir faiblir, bien au contraire. 


Rentrée à Ottawa


La crise autour de Trans Mountain a dominé les discussions au Parlement, à Ottawa, où les élus rentraient après deux semaines de pause. Le chef conservateur Andrew Scheer a lancé une attaque directe contre le gouvernement Trudeau, qui aurait selon lui dû agir dès l'élection d'un gouvernement «hostile» à l'oléoduc en Colombie-Britannique, il y a 10 mois.


«Pourquoi le premier ministre attend-il toujours qu'il soit minuit moins une pour s'attarder à ces enjeux critiques pour le développement économique?», a-t-il lancé.


Piqué au vif, le ministre Jim Carr a énuméré les différents gestes faits par son gouvernement depuis la semaine dernière pour assurer la survie du projet de Kinder Morgan. «Cet oléoduc sera construit», a-t-il affirmé.


Plus tôt dans la journée, la chef du Parti vert Elizabeth May a dénoncé «l'hystérie» qui s'est emparée des politiciens depuis l'annonce faite par Kinder Morgan la semaine dernière. Elle a fait valoir que la viabilité de ce projet de 7,4 milliards n'avait jamais été démontrée. Elle a en outre déploré l'investissement public qui pourrait être fait en pure perte par Ottawa.


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