Traité UE-Canada : Angela Merkel s'oppose à Jean-Claude Juncker et demande un vote au Bundestag

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Ça commence à jouer très dur en Europe, et les espoirs de voir adopter le libre-échange Canada-Europe s'envolent


La chancelière allemande s'est dite favorable à une consultation de la chambre basse du Parlement allemand sur le traité de libre-échange UE-Canada (Ceta), prenant le contrepied du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Les règles allemandes «nous permettent naturellement, en tant que gouvernement, d'intégrer le Bundestag» à la procédure d'adoption du CETA, a déclaré Mme Merkel, en recevant à Berlin Bakir Izetbegovic, membre de la présidence tripartite de Bosnie.

«Il s'agit d'un accord hautement politique qui a été très largement discuté», a-t-elle expliqué, alors que le CETA continue de susciter d'importantes réticences en Allemagne. Pour Mme Merkel, l'exécutif européen est tenu de prendre en compte le point de vue de ses services juridiques. Mais elle a jugé, au nom du principe allemand de «codécision», qu'elle pouvait saisir le Bundestag indépendamment de l'avis de la Commission.

Or, la chancelière s'est gardée de critiquer frontalement les propos de Jean-Claude Juncker, qui estimait mercredi que l'adoption du Ceta pouvait se passer des parlements nationaux. «La Commission est arrivée à la conclusion, en raison d'une analyse juridique, que ce n'est pas un accord "mixte"», avait dit M. Juncker. Dans le jargon européen, un accord «mixte» implique un double aval du Parlement européen et des parlements nationaux.

Cependant, contrairement à la chancelière allemande, le ministre allemand de l'Economie, Sigmar Gabriel, s'était montré mercredi plus direct dans le quotidien Tagesspiegel, qualifiant «d'incroyablement stupide» la déclaration de Jean-Claude Juncker.

Le 13 mai dernier, les 28 Etats membres de l'UE avaient insisté pour que le Ceta entre en vigueur seulement après un feu vert des parlements nationaux. La Commission européenne et les Etats membres de l'UE ont pour objectif de signer cet accord fin octobre lors d'un sommet à Bruxelles avec le Premier ministre canadien Justin Trudeau. Et il devrait entrer en vigueur en 2017.

En France, les critiques viennent de gauche et de droite

A droite, le secrétaire général du FN, Nicolas Bay, a fustigé jeudi la «fuite en avant de Bruxelles» et son «mépris des peuples».

«La volonté exprimée hier par Jean-Claude Juncker de ratifier le CETA (...) sans consulter les parlements nationaux illustre une énième fois les pratiques d'une Union Européenne à bout de souffle», a déploré Nicolas Bay dans un communiqué.

Par cette déclaration, «M. Juncker a démontré qu'il se moquait délibérément des aspirations démocratiques des nations européennes», a par ailleurs regretté M. Bay.

Pour l'élu européen frontiste, «six jours seulement après le vote des Britanniques, dont on aurait pu penser que les technocrates de Bruxelles tireraient au moins quelques petites leçons, c'est donc toujours le même mépris des peuples qui prévaut».

«Alors que le gouvernement et les responsables de l'ex-UMP osent à peine évoquer ces projets de traités de libre-échange dont pâtirait grandement l'ensemble de notre économie, seul le Front National a clairement annoncé qu'il mettrait un terme à ces négociations et lutterait contre la concurrence internationale déloyale», a conclu Nicolas Bay.

A gauche, Europe Ecologie-Les Verts a également demandé à François Hollande «d'interrompre les négociations» en cours sur le traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne dans lequel il voit «un énorme piège».

«Si l'accord avec le Canada (CETA) progresse, alors les multinationales n'auront même pas besoin du Tafta (traité de libre-échange avec les Etats-Unis) pour imposer leurs règles à notre démocratie, puisqu'elles n'auront qu'à domicilier une filiale au Canada pour faire jouer les règles de l'arbitrage privé», a expliqué le parti écologiste dans un communiqué.

«Négociés dans l'opacité la plus complète, ces accords nocifs instaurent un régime juridique qui place les intérêts des multinationales au-dessus de toute régulation démocratique», a-t-il ajouté.

Alors que le Premier ministre Manuel Valls a annoncé dimanche qu'il ne pouvait «pas y avoir de traité transatlantique» entre l'UE et les Etats-Unis (Tafta) car l'accord n'allait «pas dans le bon sens», le parti écologiste lui a demandé de passer «des paroles aux actes». «Il en va de la restauration de la confiance des citoyens dans les institutions et le projet européen», a-t-il estimé.

«Le président et le Premier ministre doivent dès aujourd'hui faire pression sur la Commission européenne pour interrompre les négociations. Pas peut-être, pas demain, pas à certaines conditions : Tafta et CETA doivent être stoppés maintenant», a insisté EELV.


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