Total résiste face au plongeon du baril

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Total s'en tire... pour le moment !

Le géant pétrolier français revoit ses investissements à la baisse, avec 19 milliards de dollars prévus pour 2016, contre un objectif précédent de 20 à 21 milliards.


Parfaitement serein face à la dégringolade des prix du pétrole. Patrick Pouyanné, le PDG de Total, ne cachait pas sa satisfaction jeudi en présentant les résultats du groupe sur 2015. De fait, alors que le baril a perdu 47 % en moyenne l’an dernier (et le gaz 28 %), le géant pétrolier français a fait preuve d’une belle résistance. Son résultat net ajusté (hors effets de stocks et éléments exceptionnels) n’a baissé que de 18 %, à 10,5 milliards de dollars. « Les autres majors ont affiché des baisses comprises entre 45 et 50 % », a insisté le PDG. Son résultat net a même augmenté de 20 %, à 5 milliards, car il n’a comptabilisé sur 2015 « que » 5 milliards de dollars de dépréciations exceptionnelles (notamment sur ses projets canadien Fort Hills et australien Gladstone LNG), contre plus de 7 milliards en 2014. Les analystes ont salué la bonne surprise : le résultat du dernier trimestre est supérieur de 20 % au consensus.

Pas de licenciements massifs

Total a bénéficié, d’abord, de son programme d’économies engagés dès le printemps 2014, avant même le début du plongeon du baril, tombé de 110 dollars mi-2014 à environ 30 dollars aujourd’hui. « Nous nous étions rendu compte que l’industrie pétrolière filait un mauvais coton », a rappelé Patrick Pouyanné. « Or, il faut être bon sur ce qu’on contrôle, nos dépenses ». La major pétrolière a même été plus vite que prévu, en limitant par exemple les voyages ou l’utilisation des hélicoptères, mais aussi en revoyant la conception des nouveaux projets en amont : les économies ont atteint 1,5 milliard de dollars en 2015, au lieu de 1,2 milliard prévus. L’effort passera à 2,4 milliards cette année, « confirmant l’objectif de plus de 3 milliards à l’horizon 2017 », précise le groupe. Total avait décidé de passer de 2 à 3 milliards en septembre dernier.

A noter, ce programme d’économies massives se fait sans licenciements massifs, à l’inverse de beaucoup d’autres majors (hormis ExxonMobil). Total se contente de limiter les recrutements (tombés de 4.500 en 2014 à 2.500 en 2015 et 2.800 cette année) et de ne pas remplacer tous les départs à la retraite. L’an dernier, son effectif a ainsi été réduit de 2.000 personnes environ, sur un total de 100.000 emplois. « Les équipes doivent être mobilisées sur les objectifs. Nous aurons besoin de tout le monde quand le baril remontera ! », a commenté Patrick Pouyanné.

Hausse de la production, baisse des investissements

Total a aussi bénéficié de la hausse de sa production, qui a augmenté de 9,4 %, à 2,347 Mb/j. Une partie de cette augmentation est liée au renouvellement d’une licence à Abu Dhabi qui avait été interrompue pendant un an. Le groupe a aussi mis en production 9 nouveaux projets (dont CLOV en Angola ou Gladstone LNG en Australie). De quoi plus que compenser les cessions ou les arrêts de production au Yémen et en Libye. La mise en production de Laggan Tormore, en mer du Nord, le week-end dernier, et de gisements en Argentine, en Bolivie ou en Angola plus tard cette année doivent lui permettre d’afficher une hausse de 4 % en 2016.

Le groupe n’a pas initié de nouveau projet en 2015, et seul Libra, au Brésil, pourrait être lancé, « fin 2016 ou début 2017 ». « Les puits forés cette année ont confirmé qu’il s’agissait d’un gisement géant, comparable au bloc 17 en Angola », a indiqué Patrick Pouyanné. Ses investissements seront en conséquence réduits à 19 milliards en 2016 (de 20 à 21 milliards prévus jusqu’à présent), après 23 milliards en 2015. Il a décalé le projet Zinia 2, en Angola, dans l’espoir d’en réduire les coûts, et reporté sine die le projet en offshore profond Bonga South West, opéré par Shell, au Nigeria. « Notre stratégie, c’est de nous positionner sur des pétroles à bas coûts », a insisté Patrick Pouyanné.

Une découverte en Birmanie

Total est associé à une découverte significative de gaz à Shwe Yee Htun, dans le bassin de Rakhine au large de la Birmanie, annoncée début janvier. « C’est une vraie belle découverte : il s’agit sans doute d’une nouvelle province gazière », a commenté Patrick Pouyanné, précisant qu’il s’agissait de l’un des premiers permis acquis par le nouveau patron de l’exploration, Kevin McLachlan, nommé en septembre 2014. Même si le potentiel du gisement, opéré par l’australien Woodside (40 %), aux côtés de Total (40 %) et de l’opérateur birman MPRL, doit encore être confirmé, c’est une bonne nouvelle pour le groupe français qui n’avait pas annoncé de découverte depuis longtemps. Son budget a été revu en baisse, de 1,9 milliard de dollars en 2015 à 1,5 milliard cette année, « ce qui laisse encore de quoi faire », a commenté le PDG. Le groupe affiche un taux de renouvellement de ses réserves de 107 % en 2015 et de 118 % sur trois ans.

Une année exceptionnelle dans le raffinage

Enfin Total a largement profité de son statut de groupe intégré. Les activités dites aval (raffinage-chimie et marketing-services), ont dégagé un résultat opérationnel net ajusté de 6,5 milliards (58 % du total), en hausse de 76 % par rapport à 2014. Le groupe a bénéficié des bonnes marges de raffinage, notamment en Europe, mais aussi de la restructuration engagée en Europe. « Nous avons gagné 300 millions d’euros en France, après impôts en 2015, dont 200 millions dans le raffinage-pétrochimie », a précisé Patrick Pouyanné. Certes, les marges de raffinage ont été exceptionnelles en 2015, et « leur baisse pourrait empêcher Total de renouveler sa performance cette année », souligne Alexandre Andlauer, analyste chez Alphavalue. Mais le transformation de la raffinerie de La Mède, qui a encore perdu 100 millions d’euros en 2015, et les investissements à venir à Donges, fourniront encore des marges d’amélioration. De quoi conforter la sérénité de Patrick Pouyanné, qui a pris les rênes de PDG en décembre dernier, malgré les nuages qui s’accumulent dans son environnement.


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