Syrie : quand gouvernements et médias occidentaux admettront-ils avoir choisi le mauvais camp ?

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Jamais ! La mauvaise foi est inscrite dans le code génétique de leurs dirigeants

Y a-t-il un ennemi ? Si oui, où est cet ennemi ? Si oui, qui est cet ennemi ? L’évidence est si criante qu’elle chasse peu à peu l’imposture, qu’elle pénètre peu à peu les cerveaux les plus obtus et les plus entêtés, qu’elle s’impose même – c’est dire – aux chancellerie occidentales, aux ministres, aux présidents que seul le poids de leurs erreurs et de leurs choix passés empêche d’avouer qu’ils se sont trompés et qu’ils nous ont fourvoyés pendant quatre ans.

Oui, en Syrie, nous avons un ennemi, un ennemi parfaitement identifié, solidement établi, fanatique, implacable, et quand je dis « nous », je ne veux pas seulement dire l’Occident, mais aussi bien le monde arabe, mais l’ensemble des pays civilisés, mais l’humanité tout entière, et cet ennemi n’a pas nom Bachar el-Assad mais le prétendu État islamique, alias Daech.

Il n’est pas jusqu’à nos médias qui ne soient en train d’en prendre conscience, mais à reculons, de si mauvais gré, de si mauvaise grâce qu’ils persistent simultanément à tenir la balance égale entre le régime syrien et les pavillons noirs, à nous proposer une vision partiale et biaisée du conflit en cours, à mentir par omission, voire à nous assener leur lot de contre-vérités.

C’est ainsi qu’on voudrait nous faire croire que les centaines de milliers de Syriens qui, après avoir cherché refuge dans les pays voisins du leur, prennent aujourd’hui à tout hasard le chemin de l’Europe, fuient le dictateur alaouite. Si c’était le cas, il leur serait pourtant singulièrement plus facile de passer avec famille et bagages dans les zones tenues par Daech. Or, on n’a pas plus connaissance d’un flux dans ce sens que, du temps de l’Union soviétique, du moindre exode de l’Ouest vers l’Ouest. Ce que fuient ces pauvres gens, c’est tout simplement le chaos, la guerre et la mort.


Mais, nous dit-on depuis quatre ans, selon une formule reprise en boucle, Bachar el-Assad massacre son propre peuple. Il est parfaitement exact qu’à l’image de son père Hafez, le président syrien a d’abord tenté d’étouffer dans l’œuf la rébellion par les méthodes les plus brutales. Mais il y a beau temps, et l’évolution des positions sur le terrain le montre assez, que l’on est passé de l’impitoyable répression d’une révolution pacifique et désarmée à une guerre civile qui s’est largement internationalisée et à un stade où la force et son emploi ne sont pas, tant s’en faut, l’apanage d’un seul camp.

C’est Bachar, nous dit-on encore, qui est le véritable père de Daech : en libérant systématiquement les détenus islamistes en sa possession et en ne s’en prenant qu’à ses adversaires démocrates, l’apprenti sorcier a engendré, favorisé et fait grandir un monstre qu’il ne peut plus maîtriser. Sacré Bachar ! C’est encore lui, sans doute, qui est à l’origine d’Al-Qaïda, et qui est responsable de la prolifération du cancer salafiste au Pakistan, au Machrek, au Maghreb, en Afrique noire, au Moyen-Orient, et du surgissement des brigades internationales venues du monde entier en renfort du terrorisme sunnite. La thèse est aussi stupide et aussi fausse que celle qui a si longtemps prévalu chez nous, d’après laquelle le Front national n’aurait jamais existé et prospéré si François Mitterrand n’avait, en 1986, institué le vote à la proportionnelle !

La guerre de Syrie, à en croire les relevés opérés depuis quatre ans par l’Observatoire syrien des droits de l’homme, a fait plus de 250.000 victimes, dont on oublie systématiquement de nous dire qu’elles se comptent aussi dans les rangs de l’armée, des milices loyalistes et des civils innocents, chrétiens, chiites, druzes, kurdes, que Daech a passés au fil de l’épée, torturés, brûlés, décapités, crucifiés. Mais toutes les victimes n’ont pas le même intérêt ou la même valeur, et l’on n’a pas fait plus de cas hier des cinquante-six soldats capturés par Daech et aussitôt fusillés que de leurs prédécesseurs exécutés en public sur la scène du théâtre antique de Palmyre.

On fait le plus grand cas du martyre d’Alep, deuxième ville de Syrie, partagée pour son malheur en deux, une moitié tenue par la rébellion, une moitié par les gouvernementaux, chacun des deux camps s’en prenant à l’autre avec les moyens dont il dispose, avec la même férocité, avec la même détermination. Mais c’est hier seulement qu’un journal comme Le Monde a découvert l’existence de Deir ez-Zor, ultime position tenue par les gouvernementaux au sein de la zone occupée par Daech et dont les 200.000 habitants, assiégés et encerclés depuis plus d’un an, sont promis au massacre si la ville est emportée par ses assaillants. On nous serine que Bachar n’hésite pas à faire pleuvoir des barils d’explosifs, munition rudimentaire mais meurtrière, sur les quartiers de Damas ou d’Alep qui lui ont échappé. Croit-on un seul instant, si Daech disposait d’avions, de bombes et de missiles, qu’il hésiterait à s’en servir ? Compte-t-on pour rien le fait que, si le régime a perdu le contrôle de plus de la moitié du territoire syrien, majoritairement désertique, il a gardé celui des deux tiers de la population du pays ?

Spectateurs lointains et commentateurs péremptoires d’une guerre qui ne fait pas dans la dentelle, les gouvernements et les médias occidentaux ont presque dès le premier jour choisi leur camp. Quand admettront-ils que ce n’était pas le bon ?


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