Syrie : La Turquie lance la grande opération militaire en septembre

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La Turquie achève son basculement dans le camp russo-sino-iranien

La Turquie se prépare à lancer la deuxième phase de l’opération Bouclier de l’Euphrate, programmée pour après la prochaine tranche de négociations de paix d’Astana, qui se déroulera du 13 au 15 septembre. L’armée turque a préparé sa feuille de route. Ce mois-ci, le Président turc Recep Tayyip Erdogan a informé des prochaines opérations sur le sol syrien.


Hayat Tahrir al Sham, une alliance dirigée par l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, a consolidé son emprise sur de grandes parties de la province d’Idleb, après que son principal rival soutenu par le Koweït, Ahrar al Sham, ait été évincé des principales villes et villages. Les terroristes de Hayat Tahrir al Sham sont encore plus cruels que ceux de l’État islamique. Les meneurs rejettent même l’idée de dialoguer avec quiconque. Ce groupe est un grand spoliateur et un obstacle à la gestion de la crise en Syrie sur la base du processus de paix d’Astana. Aucun cessez-le-feu ou paix n’est possible tant que cette branche d’Al-Qaïda contrôle la province et sa frontière avec la Turquie.


Après les raids aériens, les troupes turques entreront dans la partie nord de la province d’Idleb pour établir une zone de désescalade. La Turquie coordonnera son action avec la Russie et l’Iran. La Russie partagera ses renseignements et gardera l’espace aérien ouvert aux vols de drones.


La Russie et l’Iran opéreront dans la région sud d’Idleb, tandis que les forces turques progresseront depuis le nord. En juin, Russie et Turquie ont annoncé le projet d’établir une zone de désescalade sous contrôle commun dans la province. Transformées en soldats de la paix, les unités de la police militaire russe ont montré leur efficacité dans les autres régions syriennes. Elles sont prêtes à se joindre à l’armée turque pour établir et maintenir une zone de désescalade dans la région nord d’Idleb, dès que les formations de djihadistes seront en déroute.


Ankara coordonne aussi son action avec Téhéran. Le mois dernier, une importante délégation du renseignement national, de l’armée et du ministère des Affaires étrangères turcs, ont rencontré des responsables iraniens et russes à Téhéran, pour discuter des derniers développements à Idleb et à Alepp, en particulier dans le district d’Afrin. Ce mois-ci, une délégation de hauts gradés de l’armée iranienne a visité Ankara pour discuter des nouvelles avancées en Syrie. D’après le Daily Sabah, un organe de presse turc pro-gouvernemental, un diplomate turc a fait savoir que les commandements turcs et iraniens ont convenu d’un processus commun visant à établir une zone de désescalade à Idleb, auquel se joindrait aussi l’armée russe.


Convenue à Astana, la stratégie des zones de désescalade s’est avéré être couronnée de succès dans la partie sud de la Syrie.


Ce n’est pas la première fois que les militaires russes et turcs coordonnent leurs activités. En janvier, des avions russes ont appuyé l’armée turque dans la lutte contre les terroristes de l’État islamique qui tenaient la ville d’al-Bab, au nord-est d’Alep. Une escadrille d’avions de guerre russes, composée de quatre Su-24M, quatre Su-25 et d’un bombardier Su-34, ainsi que huit avions de chasse turcs, quatre F-16 et quatre F-4, ont participé à la première attaque aérienne commune. C’était la première fois que les armées de l’air russe et turque s’impliquaient dans une opération commune avec le consentement du gouvernement syrien.


La coopération militaire entre les deux pays s’intensifie. En 2016, la Russie et la Turquie ont signé l’approbation d’un partenariat sans précédent dans l’industrie de la défense. Ankara cherche aussi à obtenir des accords pour se procurer des systèmes électroniques, des munitions et la technologie des missiles. Les parties ont convenu de constituer un mécanisme commun dans l’armée et le renseignement, afin de coordonner leur action au Moyen-Orient.


L’achat de l’armement de pointe antiaérien à longue portée S-400 russe, est une affaire qui tourne. La volonté des Russes à vendre cet armement aux Turcs, a été confirmée par le Président Vladimir Poutine. Selon Alexander Mikheev, directeur général de Rosoboronexport, l’exportateur d’armes de l’État russe, les négociations du contrat sont entrées dans la phase finale.


Cette arme est capable d’abattre les avions jusqu’à 400 km et les missiles balistiques jusqu’à 60 km. À l’aide de missiles adaptés à chaque type de cible, elle peut attaquer jusqu’à 36 cibles simultanément. Cette arme sera la première dans l’arsenal turc qui ne sera pas compatible avec les armes de l’OTAN. On pense largement que le S-400 est le meilleur système antiaérien du monde. Les deux premières batteries seraient fabriquées en Russie, tandis que les deux autres le seraient en Turquie, après le transfert du savoir-faire russe nécessaire. Avec l’aide de la Russie, la Turquie renforcera considérablement son socle industriel.


Il faut noter que les USA ont manifesté leur inquiétude quant au projet des Turcs, alliés de l’OTAN, d’acheter cette arme antiaérienne de pointe aux Russes. Le 31 juillet, lors d’une conférence de presse à Washington, le capitaine Jeff Davis, porte-parole du Pentagone, a dit que le système S-400 que la Turquie prévoit d’acheter, pourrait être incompatible avec les autres équipements utilisés par l’OTAN. « Nous pensons en général qu’il est plus approprié pour les alliés d’acheter des équipements qui peuvent marcher harmonieusement ensemble, » a dit Davis. À vrai dire, cette affaire fait partie d’un plan plus important, avec Ankara glissant de l’Occident vers d’autres centres de pouvoir.


Et pas seulement vers Moscou. Ankara se rapproche aussi de Pékin. Les deux pays coopèrent étroitement dans l’implémentation du projet chinois Route de la Soie. La Turquie reprend la place clef du partenaire d’investissement et de coopération, qui aidera à relier l’Orient à l’Occident.


Sur le plan politique, la Turquie s’est progressivement rapprochée de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Ankara, qui étudie la possibilité de devenir membre à part entière de l’OCS, et manifeste de plus en plus d’intérêt envers l’Union économique eurasienne (UEE), a été invité à la rejoindre en 2014. Cela donnera de nouvelles opportunités au développement du commerce. En outre, bon nombre de membres actuels et potentiels de l’UEE sont des pays avec lesquels la Turquie a déjà des relations étroites dans de nombreux domaines. Sa politique étrangère multidimensionnelle renforce la place de la Turquie dans le monde.


La réussite de l’opération militaire conduite à Idleb par la Turquie, membre de l’OTAN soutenu par la Russie, mettra globalement fin aux opérations de combat à grande échelle en Syrie, pour faire enfin gagner la stratégie des zones de désescalade. Il ne fait aucun doute que les terroristes de l’État islamique restants, qui tentent toujours de tenir le terrain à Deir ez-Zor, sont condamnés à être éliminés bientôt. La question de l’avenir de la Syrie passera au premier plan, avec le Président Assad toujours au pouvoir, et le trio Russie, Turquie et l’Iran jouant un rôle clé dans toute démarche internationale visant à faire régner la paix.


Strategic Culture Foundation, Peter Korzun


Original : www.strategic-culture.org/news/2017/09/01/syria-turkey-launch-major-military-operation-september.html

Traduction Petrus Lombard


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