Syrie : la face obscure du photographe qui a immortalisé l'enfant blessé

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Et ce n'est pas une autre enquête d'un média alternatif complotiste

Mahmoud Rslan, dont les images ont fait le tour du monde, ne cache pas sa sympathie pour un groupe rebelle qui a décapité un enfant, en juillet.

Qui n'a pas vu le visage hagard du petit Omrane, 4 ans, sauvé des décombres après le bombardement de sa maison, à Alep, en Syrie ? Les images qui ont fait le tour du monde depuis mercredi ont été prises par un photographe syrien de 27 ans, Mahmoud Rslan.

Dans une vidéo tournée au moment où Omrane Dagneesh a été transporté des gravats vers une ambulance, on peut voir brièvement l'auteur des photos pointer son objectif vers le jeune blessé.

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Capture de la vidéo d'Aleppo Media Center diffusée par la télévision argentine Crónica Televisión, jeudi. Mahmoud Rslan apparaît à gauche. Omrane est au centre, de dos. (Capture Youtube.)

Si la portée symbolique et la véracité des clichés sont incontestables, l'homme a sa part d'ombre. Cet «activiste anti-régime» selon l'Agence France-Presse (lire le témoignage en encadré) ne cache pas sympathie pour un groupe rebelle qui a décapité un enfant en juillet.

Sur une photo publiée sur son compte Facebook le 5 août, il pose fièrement aux côtés de membres de Noureddine Al-Zinki, dont deux commandants du mouvement à Alep, Omar Salkho et Mohammed Mayuf. En légende, Mahmoud Rslan écrit : «La victoire vient avec la permission de Dieu».

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Capture d'écran du compte Facebook de Mahmoud Rslan. Le photographe apparaît au premier plan. Omar Salkho et Mohammed Mayuf sont en deuxième et troisième position (de g. à d.), au second plan. (Capture Facebook.)

Salkho et Mayuf sont deux des hommes impliqués dans la décapitation à Alep d'un enfant, Abdallah Issa, dont le supplice avait été rapporté à la mi-juillet. Cet acte avait suscité indignation et colère jusqu'au conseil de l'ONU, où le représentant permanent de la Syrie, Bachar Jaafari, avait abordé l'affaire le 25 juillet.

Diffusée quelques jours auparavant, la vidéo de l'exécution montre bien les commandants Omar Salkho et Mohammed Mayuf, même si Noureddine Al-Zinki s'est bornée à dire qu'il s'agissait d'un «abus» et d'une «erreur individuelle».

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Capture de la vidéo de décapitation d'Abdallah Issa. Salkho et Mayuf apparaissent en bas à droite de l'image. (Capture Al-Masdar News.)

Quelle est la profondeur des relations qu'entretient Mahmoud Rslan avec Nourredine Al-Zinki ? Pouvait-il ignorer le méfait du groupe rebelle au moment de publier son selfie sur Facebook ? Le photographe n'était pas joignable au moment d'écrire ces lignes. Interrogé auparavant par l'AFP sur ses photos d'Omrane, il a eu ces paroles lourdes de sens : «Cet enfant comme tous les enfants en Syrie est le symbole de l'innocence. Ils n'ont rien à voir avec la guerre».

«Il ne peut qu'être en relation avec les combattants»

Comme Reuters et AP, l'Agence-France-Presse a fait connaître au monde les photos d'Omrane. Christophe Schmidt, adjoint à la direction de l'information, explique comment l'AFP a travaillé avec Mahmoud Rslan.

«Nous avons un bureau à Damas qui nous permet de couvrir la zone contrôlée par le régime. Nous avons aussi un bureau à Beyrouth (capitale du Liban, ndlr) par le biais duquel nous rendons compte de ce qui se passe sur les autres parties du territoires. Nous avons enfin une spécialiste des réseaux sociaux et des UGC (contenus générés par les utilisateurs, ndlr), à Nicosie (Chypre).

Notre bureau de Beyrouth surveille régulièrement la production de l'Aleppo Media Center (média militant, ndlr), c'est par leur intermédiaire que nous avons découvert la photo du petit Omrane. Nous avons fait ce que nous faisons à chaque fois que nous avons affaire à ce type de contenus : contrôler l'authenticité des images et vérifier que nous ne nous faisons pas manipuler. Nous nous sommes adressés à notre pigiste photo et vidéo à Alep Est qui connaît directement Rslan. Il le décrit comme un activiste anti-régime qui travaille régulièrement avec Al-Jazira Direct.

Selon lui, Rslan ne participe pas à des opérations militaires, mais il fréquente des tas de combattants. Il faut imaginer le contexte de cette ville d'Alep... Tous ceux qui sont impliqués dans la collecte d'informations ne peuvent qu'être en relation avec les combattants.

Nous avons pu être en contact avec Rslan lui-même, nous avons pu parler via WhatsApp. Nous lui avons demandé quel était son appareil pour confronter l'information avec les métadonnées de ses fichiers photos. Nous avons également pris en compte tous les éléments disponibles dans la photo pour prouver son authenticité.

Selon notre collègue du bureau de Beyrouth, il semblerait qu'il y ait une campagne assez agressive de Damas à l'encontre de Rslan depuis qu'il a diffusé les photos. C'est aussi une guerre de l'information, avec beaucoup de propagande. Concernant la photo d'Omrane, nous avons considéré qu'elle avait une vraie valeur informative. Le document en lui-même est très fort.»

  leparisien.frGaël Lombart (@gaellombart)


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