Nous sommes privilégiés d’avoir dans la « Mère-Patrie », une observatrice très attentive du déroulement de notre histoire française en Amérique. Marie-Hélène Morot-Sir n’a pas hésité à réagir aux propos de Sylva Clapin dans « Sensations de Nouvelle-France, 1895 » que je résumais ici récemment, dans le but éventuel d’en faire un parallèle avec notre situation actuelle, 115 ans plus tard.
D’entrée de jeu, je soulignais comment l’auteur maskoutain confiait au maire de Québec son pessimisme sur l’évolution de notre peuple après la Conquête britannique. Et le magistrat d’acquiescer fortement : « … nous glissons vers le gouffre anglo-saxon. Pire, nous agissons librement, bien qu’inconsciemment. Surtout, nos dirigeants ont cessé de résister. » Clapin élabore : « …il y a là d’ailleurs, dans cet effacement graduel d’une nationalité hier encore assez vivace, plus qu’une résultante d’intrusion souveraine de conquérant au pays conquis. J’y vois aussi l’indice, sinon d’une essence supérieure, certainement d’aptitudes naturelles mieux développées, et surtout mieux dirigées, du moins quant à ce qui a trait à outiller l’homme moderne pour affronter le « struggle for life » contemporain. En un mot, le vice qui ronge peu à peu cette Nouvelle-France me semble initial et c’est à l’éducation qu’il faut remonter pour porter le fer dans la plaie… » Et c’est là-dessus qu’il dresse ce parallèle toujours favorable à l’Anglais, dans le système scolaire, dans la manière d’organiser le travail, de hiérarchiser le spirituel et le temporel. Et il impute ce déficit social des Français à la résignation, vertu prêchée par notre sainte mère l’Église catholique et romaine…
Voilà où s’insurge madame Morot-Sir. Elle y voit une grave injustice, voire un règlement de compte de Clapin envers l’Église. Elle en veut pour témoin les auteurs du XVIIe siècle, rapportant les exploits des preux Français qui fondèrent la Nouvelle-France aux côtés des Récollets et Jésuites. Elle affirme même qu’au XVIIIe siècle, autour de la Conquête, alors que les Anglais ont fait brutalement baisser la tête aux colons français, c’est la religion qui les a soutenus. Que les petits n’eurent qu’elle où s’accrocher alors que les grands étaient rentrés en France. C’est justement là que divergent l’auteur de 1895 et l’observatrice de France en 2010.
Vu de la France moderne, on considère le verre à moitié plein : la religion permit la sauvegarde de la langue et de la culture… Dans l’adversité de la colonie anglaise, le peuple a pu tenir, survivre par sa force, se relever jusqu’à devenir l’égal de son conquérant… Sans jamais baisser les bras, le conquis a gardé le cœur fier de ses ancêtres français…
Vu de l’intérieur du Québec, encore français, nous ne pouvons vraiment pas nous proclamer égaux avec l’Anglais au Canada. Le contrat de Lord Durham (1839, en réponse aux révoltes des Patriotes) avec la Couronne britannique, visant à nous assimiler avec la « race supérieure », pour desseins humanitaires, est en train de se compléter. Ce n’est certainement pas par goût du misérabilisme, de la victimisation que nous en sommes là dans notre description de nous-mêmes, mais par pure lucidité. Après la conquête, il est vrai que les abandonnés s’en sont remis aux ecclésiastiques. Mais ceux-ci, pas toujours lettrés ni maîtres en psychologie, presque toujours réfractaires à tout mouvement de résistance, résistance aux conscriptions militaires entre autres, convainquirent leurs ouailles de la revanche des berceaux, et du désintéressement des biens terrestres.
Le réputé conférencier Jean Dorion, jadis de la SSJB, maintenant député du Bloc Québécois à Ottawa, s’arrête à ce sujet dans sa conférence : « Conséquences de la Conquête ». Il parle tout de suite de décapitation sociale. Quand l’élite française fut remplacée par l’anglaise, nous sommes dès lors tombés en infériorité sociale durable. Les quelques personnes douées en économie qui sont demeurées s’allièrent aux Anglais. Ceux qui voulurent aller dans la fonction publique devaient prêter le serment du Test. Toute la structure vitale des conquis est mise à mal : Les grandes fortunes anglaises amassées sans scrupules (famille McGill dans la fourrure, monopole achetant des Indiens et Français) sont proéminentes en politique. Les Français sont refoulés à l’agriculture, plus noble selon un clergé habilement courtisé par par l’Anglais...Tribut au conquérant : des législations sont passées contre l’usage du français. Éducation fort sommaire.
Monsieur Dorion enfile les événements par lesquels on peut affirmer que la décapitation sociale perdure. Le gouvernement canadien d’influence de l’Ouest nous rend presque impossible l’intégration des immigrants au français. La finance nous est dérobée : Bourse et commission valeurs mobilières déplacées vers Toronto; Les sables bitumineux de l’Alberta exploités en priorité sur la foresterie québécoise; Loi 101 constamment abattue par la Cour Suprême très royaliste; Les gouvernements fédéralistes ne jurent que par le multiculturalisme envahissant, qui égalise la spécificité du Québec à toutes les cultures immigrantes. Atrophie des propriétés fédérales à l’intérieur du Québec. La propagande canadianisatrice du vainqueur pénètre rapidement l’esprit des conquis, persuadés que leur salut n’est pas ailleurs. Le 250e anniversaire de la fondation de Québec témoigne de cet assaut psychologique et $$$ d’Ottawa sur la population : des millions pour restaurer la vieille Capitale et offrir gratuitement des spectacles populaires à grand déploiement.
Après la conquête militaire, la soumission religieuse, économique et politique, la conquête psychologique (abandonnez cette culture du passé). On ne s’en relève toujours pas!
On n’est pas loin du texte de Sylva Clapin :
« … et ces choses n’existent pas seulement en surface : on sent que l’antique Nouvelle-France est profondément atteinte dans tout son être national, c'est-à-dire dans tout ce qui pouvait constituer son tempérament, son caractère et son individualité. C’est ce qu’exprimait fort exactement, il n’y a pas longtemps, M. Arthur Buies, écrivain canadien quelque peu frondeur, quand il disait : « Ici, le commerce, l’industrie, la finance, les arts, les métiers, jusqu’à l’éducation, jusqu’aux habitudes, jusqu’aux manières de dire « Bonjour », et de se moucher, tout est anglais. »
. Oh, oui. Finie pour de bon, j’en ai bien peur, l’épopée de la Nouvelle-France… L’auteur s’en lamentait en 1895. Une bonne partie de la population d’aujourd’hui ne croit plus à la démocratie électorale, dégoûtée par la corruption et la tricherie ennemie.
Mme Monot-Sir aime à se rappeler l’UNION incroyable des conquis qui les guidera vers la conclusion ultimement optimiste de Sylva Clapin : « …comme un heureux présage que l’astre de la Nouvelle-France, en ce moment à l’état d’éclipse, luirait ici à nouveau, sur ce vieux promontoire de Québec, dans un avenir que je veux quand même espérer être très prochain. »
Nous, indépendantistes québécois, aspirons bien sûr à ce que la trop longue éclipse de l’astre de la Nouvelle-France s’achève au plus tôt afin que la Nation d’expression française d’Amérique se libère enfin de ce conquérant sans concessions. Mais il nous faudrait pour ça réaliser cette UNION, atteindre l’autre moitié de notre population qui a sombré dans l’admiration béate de l’anglais hégémonique. La moitié d’entre nous, en effet, est atteinte du syndrome de Stockholm.
Le sort du Québec déjà connu en 1895
Sylva Clapin, pessimiste et visionnaire
On ne se relève toujours pas de la Conquête
Tribune libre
Ouhgo (Hugues) St-Pierre196 articles
Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latin...
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Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latinos nouveaux arrivés. Exploration physique de la francophonie en Amérique : Fransaskois, Acadiens, Franco-Américains de N.-Angl., Cajuns Louisiane à BatonRouge. Échanges professoraux avec la France. Plusieurs décennies de vie de réflexion sur la lutte des peuples opprimés.
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8 commentaires
Marie-Hélène Morot-Sir Répondre
7 décembre 2009Bonjour Monsieur Ougho, j'ai lu avec grand intérêt votre nouvel article ainsi que toutes les réponses afférentes, qui font toutes avancer le débat. Au cours de votre dernière intervention vvous dites : " la vraie question est : "Pourquoi, on ne se relève toujours pas de la Conquête" Ce qui est sans doute une bonne question mais au départ votre interrogation n' était-elle pas :" Léglise nous a-t-elle trahis ou sauvés ?" Mais il est sans doute possible de répondre à la seconde en développant la première ..
Au moment où les Canadiens Français sont restés seuls, démunis, aprés ce départ de la France qui les remettait à l'adversaire, leurs seuls moyens pour faire front il faut les chercher dans deux choses essentielles, leur nationalité, ils étaient tous Français, et leur religion, ils étaient tous catholiques. et cela depuis 1632 ( je pourrais en développer plus longuement la raison ...)
A la grande différence des colons de Nouvelle Angleterre, qui n'avaient aucune unité entre eux, du fait de leurs origines venant de différents pays anglo saxons, ne parlant pas tous de ce fait la même langue, étant seulement pour la plupart protestants, ces différentes colonies se disputaient sous l'oeil de Londres qui n'en avait cure, et la seule fois où elle a voulu créer ce sentiment de nation, cette fameuse cohésion, le jour où elle les a rassemblées cela a été pour aller s'emparer de la Nouvelle France. Ironie du sort, cela s'est retourné immédiatement contre elle puisque ses propres colons se sont révoltés ( les Insurgents), et si Londres a en effet gagné la Nouvelle France, elle en a de ce fait perdu toutes ses colonies de Nouvelle Angleterre, ayant misé tant d'argent pour envoyer une force navale importante et une grande armée de terre pour cette conquête, qu'il lui a fallu par la suite augmenter les taxes ..nous connaissons la suite "No representation,no taxation !" .. Boston .. etc..
Le conquérant s'installe donc dans ce pays, sur d'immenses territoires déjà découverts par les Fançais, un pays qui fonctionnait déjà, où il doit s'implanter avec une population qui lui est si différente et si opposée à ce qu'il est lui-même, que dès les premières années il en aura beaucoup de tracas ! Il faudra attendre les arrivées massives de personnes anglophones avec dans un premier temps les loyalistes des colonies de Nouvelle Angleterre, plus de 50.000, puis par la suite des arrivages de plus en plus massifs et évidemment on en verra encore bien davantage venir aprés le rapport Durham, qui préconisait qu'il fallait noyer ces canadiens français revendicatifs, sous autant d'allophones que possible, pour qu'ils soient enfin minoritaires chez eux :" et cela prendra le temps que cela prendra " ! Nous constatons qu'au bout de 250 ans cela risquerait bien de se concrétiser si personne n'arrête ce mouvement.
Mais toutefois, s'il y a eu ces reprises en mains souvent violentes des autorités britanniques( comme bien plus tard les métis avec L.Riel, les patriotes.. ) cela doit donc signifier que ces Canadiens Français n'étaient pas aussi misérabilistes que ce que nous décrit S. Clapin, puisqu'ils les gênaient sans cesse par leur "quant à eux" leur réserve et jusqu'à leurs revendications, et pourtant nous savons quels petits moyens étaient les leurs, et dans quelle dépendance tout était fait pour les maintenir aussi ! Mais grâce à ces revendications ils ont obtenu l'Acte de Québec, certes pas par magnanimité, Acte dans lequel on leur reconnaissait toute liberté de leur langue et de leur religion - ce qui n'était que justice puisque le roi d'Angleterre s'y était engagé en signant le traité de Paris 1763 - de peur qu'ils aillent aider les Insurgés anglais, là encore, où est le misérabiliste puisqu'ils paraissaient avoir assez de ressources de caractère pour qu'on craigne leurs réactions ... Dans la situation précaire où ils se trouvaient ne doit-on pas au contraire les admirer? ils ont eu tant de courage pour malgré tout résister comme ils l'ont fait, malgré ce ciel qui leur était tombé sur la tête ..
Alors, oui, l'église et les prêtres, - dont le conquérant avait réduit tant qu'il avait pu le nombre et empêché pendant six ans un nouvel évêque de revenir - ont non seulement été présents, au moment où le drapeau de la France a laissé les Canadiens Français, seuls face à cette adversité, mais de plus leur rôle a été prédominant. La religion a réellement été un soutien et elle a permis de souder les gens entre eux. L'église a joué un rôle d'administration se substituant à l'Etat. Qui soignait les malades qui enseignait aux enfants qui soutenait les plus pauvres et les plus faibles?
Les gouverneurs, les dirigeants en France, tous s'appuyaient déjà durant le Régime Français,sur les prêtres, c'est S. de Champlain lui-même qui les avait demandés et c'est à cause de sa demande que les premiers Récollets ont foulé le sol des bords du Saint Laurent dès 1611.. les premiers jésuites arriveront un peu plus tard 1616 avec les pères Biard et Lalemant, puis en juin 1659 seulement la colonie verra arriver Monseigneur de Laval et les premiers prêtres avec lui, mais jusqu'à cette date il n'y avait qu'une poignée de père Jésuites pour la plupart disséminés au fin fond des tribus.. Ce sont donc avec François de Laval que seront organisées les premières paroisses telles que nous les connaissons..
Donc aprés la conquête tout naturellement l'Eglise a continué ce rôle-là, et tout naturellement les personnes se sont raccrochées à elle, elles ont trouvé le recours spirituel dont elles avaient besoin, au coeur même de leurs paroisses et auprés de leurs prêtres.. jusqu'au jour où la hierarchie religieuse a décidé qu'il fallait faire allégeance au pouvoir en place .. mais ceci est une autre tranche de l'Histoire. et une autre encore aura lieu avec la Révolution Tranquille ..et la laïcité..
Oui l'Eglise a aidé les Canadiens Français, en s'appuyant sur la religion, ils y ont trouvé la force et le courage de résister, ils ne se sont pas laissé assimiler et ils ont conservé intacte leur langue... Non ce n'est pas la religion qui leur a fait baisser la tête, ils étaient bien assez écrasés par le colonisateur, relégués dans les travaux agricoles, puis plus tard lorsque le blocus de Napoléon ( 21 novembre 1806) obligera les Anglais à se fournir en bois au Canada au lieu des pays scandinaves, les Canadiens deviendront bûcherons, mais les Anglais se serviront aussi d'eux comme ouvriers pour construire leurs navires anglais à Québec, alors que pendant ce temps ils se gardaient les meilleurs postes et bien entendu ceux de direction... et forcément l'excuse du serment du test était facile pour éloigner tous les catholiques de la politique et de l'administration !..
Si S. Clapin affirme que la religion a enseigné la résignation et la soumission, pour être exhaustif et traiter à fond le sujet, il faut alors mettre en balance également tout le reste décrit ci-dessus car dans un tel contexte, un contexte qui les niait, qui aurait eu assez de force pour ne pas se sentir humilié ? Nul besoin de la religion pour cela ! .. Et eux ont réussi à résister ! Comment ne pas dire de ces hommes et femmes, vos ancêtres à vous tous, que nous admirons leur fierté, leur courage et comment ne pas penser que vous en êtes les valeureux descendants ?
Evidemment, la religion ne vous a pas "sauvés" au sens de vous avoir délivrés du conquérant, pourtant elle a permis de soutenir, d'aider les gens qui avaient bien du mal à survivre dans une telle situation, cela leur a donné la force d'avancer, et de vous donner aujourd'hui toute la " potentialité à être sauvés " comme nous le dit parfaitement JCPomerleau Oui, vos ancêtres ont tous résisté, vos père ont pris largement le relais, et à présent vous êtes vous aussi debout pour dire ce que vous désirez pour votre pays de Québec.
Nous vous admirons pour cela !
Cependant il vous faut trouver aujourd'hui la véritable cohésion. Où est-elle ? La religion, qui avait permis cela , qu'on s'en réjouisse ou qu'on le regrette est de l'ordre du passé , alors quelles seront les valeurs, sur lesquelles s'appuyer en plus de la langue bien sûr, afin d'entraîner maintenant tout un chacun pour faire cette union si nécessaire ? ... Vous le dites vous même, Jacques Parizeau ? trop âgé, il chercher à passer le témoin ! Une poignée à peine de 300 militants actifs ? des chefs indépendantistes qui tirent la couverture à eux ?.. N'oublions pas aussi le nouveau contexte de notre époque actuelle, où chacun de nos jours vit confortablement, sans avoir envie de remettre en cause son petit bien-être.. Déjà en 1995 cela a été facile à Trudeau, et à tous ceux qui avec lui appréhendaient tant les résultats de ce référendum, de faire craindre pour les avantages acquis, comme par exemple ,pour les uns la perte de leur retraite, pour les autres la perte des allocatios familiales ( "Non" ça se dit bien !) et ainsi de suite .. et malgré cette propagande, malgré la triche flagrante, comme donner le droit de vote aux nouveaux émigrés, et aux étudiants anglophones de Montréal ..malgré tout cela, le résultat a été celui que nous connaissons ....
Pourquoi ne vous relevez-vous toujours pas de cette Conquête? Parce que les valeurs disparaissent dans le monde matérialiste qui est le nôtre, où la consommation est essentielle, où les gens ne veulent qu'avoir du plaisir (vous dites du "fun" !)où presque plus personne ne veut s'engager.. etc.. Alors la vraie question ne devrait-elle pas plutôt être : Comment maintenant prendre le dessus malgré tout cela ? Etonnant et passionnant débat à poursuivre .. Mais à la question " Sommes-nous toujours là ? une seule réponse c'est OUI ! et nous comptons sur vous ! marie-hélène
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
6 décembre 2009Monsieur Pomerleau a choisi de « préciser » le débat en posant la question : « L’Église nous a-t-elle trahis ou sauvés ». J’ai consenti à le suivre sur ce chemin de traverse, et Mme Vallée abonde dans son sens : « Les prêtres n’étaient-ils pas des nôtres avec les mêmes défauts et les mêmes qualités? » D’emblée, je dirais justement que ces défauts qu’ils partageaient avec nous étaient l’aveuglement, qui se confond d’ailleurs avec leur qualité : la foi.
D’accord, on ne nous avait laissé aucun choix. La guerre de 7 ans entre la France et l’Angleterre réglée sur le dos de notre colonie balbutiante, nous devions nous assimiler ou vivoter sur un mode tribal. Mme Vallée, vous dites : « Mes lectures me portent à croire que l’Église nous a sauvés. La preuve ? Nous sommes toujours là ! » Quels étaient les 2 maux entre lesquels choisir ? M. Pomerleau, votre maître en géopolitique, M. Sauvé, qui voudrait bien voir arriver le pays, répète souvent : « Ça va venir très vite ! ».
L’Église, gardienne de la langue et de la foi. Le Chanoine Groulx a bien fait ce qu’il a pu, mais nous avons perdu les deux ! Sans formation en économie politique, les bons pasteurs nous ont rassemblés comme brebis, loin de l’étranger, résignés à s’accroître en nombre pour une éventuelle revanche, ignorant la puissance de l’oligarchie monarchique déguisée en démocratie que fut la Confédération canadienne de 1867.
Au moment où j’allais ranger cet aparté religieux pour revenir au thème principal, M. Rhéal Mathieu a ajouté un document historique considérable. Infiniment plus instructif que mes impressions empiriques, ce résumé détaillé de l’association entre la religion et l’État en ce début de colonie anglaise mérite une attention de chacun. La biographie de son auteur (ex-felquiste) suscite aussi notre intérêt comme militants de l’indépendance.
Mais sommes-nous encore là ? (Si sauvés par l’Église, où sommes-nous ?)
Là était la vraie question de cet article : « Sylva Clapin, pessimiste et visionnaire. On ne se relève toujours pas de la Conquête. »
Périodiquement, nous rouspétons un peu plus. Révolution un peu trop tranquille. Gouvernements souverainistes un peu trop associationnistes. Référendums un peu trop timides. Repli dans une opposition un peu trop provincialiste.
Les fédéralistes au Québec sont en train de s’enfoncer dans leur propre fange. Un parti « souverainiste » va sans doute les remplacer, dans une alternance toute fédéralisante. Pour nous faire croire que nous sommes encore là! Nous vivons actuellement des soubresauts verbaux qui nous rassurent sur notre bonne vivacité. Nous dénonçons haut et fort la Cour Suprême qui gère nos politiques : saurons-nous nous en soustraire par l’indépendance complète? Nous ne jurons que par l’unité de nos forces : chacun cherche encore à demeurer roitelet d’un groupuscule plus indépendantiste que l’autre. Qui nous sert encore de guide comme Jean-Baptiste dans le désert? Parizeau de la première heure qui dépose le « témoin », que personne ne rattrape? Qui prépare la connaissance populaire de la vie d’un peuple libre? Qui réussit à vaincre la tyrannie des médias toujours culpabilisants envers les actions libératrices? Qui convainc le peuple de la ténacité nécessaire même après le vote d’indépendance? Qui aura la stature pour renverser l’indifférence des générations montantes, déjà convaincues de la désuétude du projet? Sommes-nous encore là?
Oublierons-nous longtemps à Ottawa ce contingent de députés qui ne demanderaient qu’à gonfler les rangs de nos forces actives, ici où ça compte? Ils ont à leur tête un Général rompu aux escarmouches canadiennes et internationales, las d’être ignoré et ridiculisé sur les bancs de l’autre nation qui n’aura bientôt plus besoin des votes québécois. Quand un parti politique retrouve la faveur du peuple, son chef doit l’entraîner vers les sommets.
Rhéal Mathieu Répondre
5 décembre 2009La question "Quand donc l’Église nous a-t-elle sauvés ?" posée par O, est parfaitement pertinente.
Personnellement, je formulerais ça un peu différemment. Je dirais que le peuple québécois a utilisé l’institution qu’était l’Église, pour se sauver lui-même, en protégeant sa langue, sa culture et ses droits, sous couvert de protéger sa religion. Je dirais que l’Église a été instrumentalisée. Je ne connais pas de document historique, tant du côté anglais que du côté de l’Église, qui tendrait à démontrer que l’Église soit consciemment intervenu, auprès des Anglais, pour sauver le peuple québécois de l’assimilation.
Au moment de la Conquête, notre existence comme peuple était gravement menacée. Les faits démontrent que l’existence de l’Église aussi, a été fortement menacée et réprimée immédiatement après la Conquête. En 1764, il y avait environ 200 prêtres pour 65,000 habitants.
Il n’est pas établi que l’Église ait négocié avec l’ennemi à ce moment-là. Je dirais plutôt que le peuple québécois et l’Église avaient des intérêts convergents : la survie, et qu’ils ont agi ensemble, dans le même sens.
On sait que Henry VIII avait exproprié l’Église en Angleterre en 1530. Il y avait donc une possibilité que les colonialistes anglo-britanniques refassent la même chose en Nouvelle-France. Mais la masse critique que représentait déjà le peuple québécois et les stratégies de survie employées ont empêché les colonialistes de réussir leur plan d’assimilation totale.
Rétrospective sur les politiques des colonialistes anglo-saxons versus la langue et l’Église.
En 1760, une dictature militaire qui durera 4 ans est établie (le régime militaire). Les marchands anglais arrivent.
Dès le 22 septembre 1760, par proclamation, Amherst organise l'administration de la société civile. Pour ne pas brusquer la population, il décide de conserver de l'ancien régime tout ce que permettent les circonstances. Il nomme un gouverneur à Montréal (Gage) et un à Trois-Rivières (Burton). Auprès des deux gouverneurs, il établit un conseil militaire (des officiers anglais) qui servira de cour d'appel. Il organise des chambres de justice locales avec le secours de capitaines de milice. Dès ce moment, AU CIVIL, LE PAYS EST RÉGI D'APRÈS LES LOIS, FORMES ET USAGES DE LA COUTUME DE PARIS.
Pourquoi cet accommodement raisonnable: à cause de la masse critique qu'il faut gérer si on veut passer l'hiver. Les habitants sont encore armés. Géopolitique 101.
Monseigneur de Pontbriang est mort le 8 juin 1760. L’Église n’a plus de chef. L'Église, comme institution, ou ce qui en reste, subit les événements. Elle ne les négocie pas, elle n'a pas joué de rôle dans cette réorganisation.
Pendant l'hiver 1760-1761, on désarme le peuple. On oblige les habitants à remettre les armes de chasse et à prêter le serment d'allégeance. Cette remise des armes est pénible. Le peuple a besoin de la chasse pour survivre à la disette suite à la guerre. Mais tout se passe dans le calme. Des officiers de milice sont nommés et deviennent responsables de garder un nombre fixe de fusils pour la chasse. Quelques seigneurs et curés ont la permission de garder leurs armes. À Trois-Rivières, 7 seigneurs et 11 curés.
La guerre se poursuit encore deux ans en Europe.
Le 10 février 1763, à Paris, le traité de paix est signé.
Les habitants de la Nouvelle-France restent propriétaires de leurs biens. Cela confirme aussi l'Église dans la possession d'immenses terres octroyées par le roi de France.
Les habitants ont 18 mois pour retourner en France s'ils le veulent. La noblesse encore française retourne en France. La noblesse canadienne reste.
Dans le Traité de Paris, aucune mention n'est faite des lois, coutumes et usages du pays. RIEN NE GARANTI LES DROITS DE LA LANGUE FRANÇAISE. Mais le traité assure aux Canadiens la liberté de "professer le culte de leur religion selon le rite de l'Église romaine" "en tant que le permettent les lois de la Grande-Bretagne".
Le 7 octobre 1763, Proclamation Royale. Première constitution. Suivant les recommandations du Board of Trade britannique, les frontières de la province de Québec sont définis: grosso modo, les rives du St-Laurent, de l'île d'Anticosti à l'Outaouais. Le roi donne le pouvoir au gouverneur de convoquer des assemblées générales, de faire des lois et de créer des tribunaux, avec le consentement des représentants du peuple.
Parmi les pouvoirs du gouverneur, il y a le pouvoir de FAIRE DES NOMINATIONS ECCLÉSIASTIQUES.
Murray est nommé gouverneur. Il reçoit des instructions du Secrétaire des Colonies: "Afin de parvenir à établir l'Église d'Angleterre, tant en principe qu'en pratique, et que les dits habitants puissent être graduellement induits à embrasser la religion protestante et à élever leurs enfants dans les principes de cette religion. Nous désirons que tout l'encouragement possible soit donné à la construction d'écoles protestantes".
Murray ne voit pas la nécessité de convoquer des assemblées générales. Il décide de créer seulement un conseil législatif et exécutif. Il n'a pas de pouvoir de taxation.
Le 17 septembre 1764, il crée une cour supérieure avec lois anglaises et une cour inférieure pour les Canadiens, avec lois françaises. Tous les Canadiens catholiques sont exclus des postes de hauts fonctionnaires par le serment du Test.
L'Église, qui est très affaiblie, n'a pas joué de rôle dans l'élaboration de cette première constitution élaborée en Angleterre.
En 1759, il y avait 204 religieuses au Québec. Cinq ans plus tard, il en reste 190, regroupées dans 7 communautés religieuses.
En 1760, il y avait 25 Jésuites au Québec, tous originaires d'Europe. Quatre ans plus tard, il en reste 16.
En 1764, il y a 22 Récollets, dont la majorité est d'origine canadienne. Londres décide la dissolution de l'Ordre.
En 1764, il y a 27 Sulpiciens, tous français de naissance.
De 1759 à 1764, le nombre total de prêtres passe de 196 à 137.
Le Collège des Jésuites, seule collège classique de la Nouvelle-France, ferme ses portes et devient un entrepôt de l'armée anglaise.
L'Angleterre décide de ne plus permettre le passage de prêtres français au Canada.
En 1763, le Saint-Siège nomme comme évêque de la province de Québec, l'abbé de Montgolfier. En Angleterre, le secrétaire d'État, Halifax, le refuse. L’autorité du pape ne l’impressionne pas.
En 1764, Rome en nomme un autre: Jean-Olivier Briand. Celui-ci doit se rendre en Angleterre pour se faire accréditer. Il attend plus d'un an avant d'être accepté par Londres. Une fois accepté seulement, il se rend en France se faire sacrer évêque. L'Angleterre le nomme surintendant de l'Église romaine.
Pendant 75 ans, les gouverneurs de la province de Québec interviendront dans les nominations d'ÉVÊQUES ET DE CURÉS.
L'Église canadienne est passée sous l'autorité directe d'un gouverneur protestant.
Malgré tout cela, l'Église existe toujours. En préservant l'Église, les Canadiens ont sauvé les cadres de l'organisation supérieure de l'éducation, les Collèges qui pendant deux siècles éduqueront leurs principaux leaders politiques.
Ils garderont aussi le contrôle de leur système de santé (hôpitaux) et de la sécurité sociale (hospices, orphelinats, charité).
Et ils garderont le contrôle d'immenses terres (seigneuries) ainsi que l'infrastructure: cathédrale, évêché, bâtiments des églises, des presbytères, des écoles, des cimetières, etc.
Et les conseils de fabrique qui collectent l’argent des aumônes et les dons.
Le rôle des marguilliers est très important. C'est eux qui se sont réunis le 18 septembre 1763, à Québec, pour préparer une adresse au Roi d'Angleterre, au nom des citoyens et des bourgeois de Québec, pour réclamer un évêque et la conservation des congrégations religieuses. C'est eux qui financent le voyage en Angleterre d'Étienne Charest (6,000 livres) pour réclamer aussi la conservation tel quel du système d'éducation et de santé.
D’ors et déjà, en 1764, il y a deux états qui gèrent le territoire de la province de Québec.
Le succès du peuple québécois dans le maintien de son organisation religieuse et civile et la lenteur de la colonisation anglaise ont augmenté considérablement les chances de survie des Canadiens français. Le repliement agricole qui permet l'occupation de l'espace et son aménagement, des conditions de vie simples, l'isolement géographique et un haut taux de reproduction compléteront le tout. Géopolitique 101.
À l'automne 1766, Murray est remplacé par Guy Carleron, ancien officier de Wolfe. Carleton écrit: "tandis que la rigueur du climat et la pauvreté de la contrée découragent tout le monde, à l'exception des natifs, la salubrité ici est telle que ces derniers se multiplient chaque jours; en sorte que s'il ne survient aucune catastrophe qu'on ne saurait prévoir sans regret, la race canadienne dont les racines sont déjà si vigoureuses et si fécondes, finira par peupler ce pays à un tel point que tout élément nouveau qu'on y transplanterait au Canada s'y trouverait entièrement débordé et effacé, sauf dans les villes de Québec et Montréal." Il réclame donc au Roi, soit un code de lois canadien ou bien le retour aux lois françaises. Réalisme politique.
L'Acte de Québec n'est que la consécration légale d'un état de fait devant lequel l'Angleterre est impuissante. À ce contexte insurmontable, s'ajoute la menace de sécession américaine. Pour contrer l'agitation dans les 13 colonies, les frontières de la province de Québec sont modifiées. On y ajoute toute la région des Grands Lacs et la vallée de l'Ohio pour contrôler l’expansion des colonies américaines.
En même temps, le territoire s'étend jusqu'à la Baie d'Hudson, à la cote du Labrador et aux les îles du golfe. Il n'y aura pas de chambre d'assemblée, pour éviter les mêmes difficultés que dans les colonies américaines. Les seules taxes permises sont celles nécessaires à l'entretien des chemins et des édifices publics.
Les curés sont autorisés à collecter la dime. Le serment du Test est aboli. L'Acte reconnait que les Canadiens jouissent du libre exercice de la religion de l'Église de Rome sous la suprématie du Roi. Les lois civiles françaises sont confirmées ainsi que les autres droits civils.
Les Américains ne sont pas contents. On limite leur expansion à l'ouest, on reconnait des droits aux catholiques. Ils se font taxer (la loi du Timbre) pour rembourser les dépenses de la guerre de 7 ans.
La révolution américaine se prépare. L'Église se positionne contre.
Le peuple québécois les battra militairement deux fois.
Sources « Histoire 1534 – 1968 », Bouchard, Lacoursière, Provencher Vaugeois de Boréal Express.
Rhéal Mathieu.
Archives de Vigile Répondre
5 décembre 2009Mes lectures me portent à croire que l'Église nous a sauvés. La preuve ? Nous sommes toujours là! Ce n'est certainement pas notre élite civile (comme aujourd'hui), dont la plupart ont fui après la conquête, qui nous a préservés de l'extinction.
Sans doute le haut clergé a-t-il dû faire quelques compromissions pour nous permettre de survivre, d'autant plus qu'à une époque, il relevait du clergé irlandais dont la maison-mère se trouvait aux USA. Notre clergé était complètement sous la férule des Irlandais catholiques et du Vatican.
Quant au bas clergé, je crois qu'il nous a accompagnés parfois avec abus, mais tout de même avec générosité et grandeur d'âme. N'étaient-ils pas des nôtres avec les mêmes défauts et les mêmes qualités que NOUS ?
Entre deux maux, il faut choisir le moindre, dit-on.
Gardons-nous de faire de cas particuliers, une règle générale. Nous faisons ainsi le jeu de nos ennemis jurés.
Archives de Vigile Répondre
5 décembre 2009Monsieur O,
Résignation ou stratégie adoptée au contexte.
D'abord je dois vous dire que ma conclusion sur le rôle de l'Église est à contrario de tout ce que j'ai pu en penser durant la plus grande partie de ma vie, et je ne suis plus jeunes. Ma conclusion qui frappe l'imaginaire je la tire d'une application des principes et des statuts de la géopolitique; du moins ce que j'en comprends (101) car je suis arrivé sur le tard à la découverte de cette discipline, par la fréquentation des travaux de M JRM Sauvé.
La géopolitique nous met en contacte avec la réalité radicale de ce qu'est la politique: Intérêt, de rapport de force et d'effectivité (Statut). Et de son déterminant: LÉtat (qui seul agit avec envergure. Sans lequel la nation relève du folklore.
Si nous avons survécu et développer la capacité de sortir de notre statut d'annexion pour devenir un État souverain, c'est que la potentialité de le faire existe (la réalité radical). Nous ne sommes pas sauvé. Mais au moins nous avons la potentialité de l'être. Et si cette potentialité existe de fait, c'est parce que l'institution de l'Église a jouer un rôle structurant de cet État au moment ou les institution politiques et l'appareil d'État de la Nouvelle-France étaient démantelé.
C'est donc sur les assises de l'Église que la cohésion nationale a reposé; et a gagné en potentialité, pendant 200 ans. Bien sûre il y eut des sacrifices énormes pour y parvenir, mais c'était le prix à payer dans le contexte pour que la suite de notre existence soit possible (l'ontologie). Mais il ne faut pas se perdre dans l'anecdotique et l'accessoire. Il faut aller à l'essentiel.
Ce qui nous ramène à la question fondamentale: Qu'est-ce qui fut nécessaire à notre survie en tant que peuple français en Amérique depuis 400 ans: Un État pour conserver notre cohésion nationale.
J'ai posé la question a un organisme regroupant des historiens: L'État du Québec existe il ? Si oui. Depuis quand ?
J'attends leurs réponses.
Je vous en pose une à vous Monsieur O.
D'abord vous dire ce constat de la géopolitique: Le changement de statut résulte d'un rapport de force favorable.
À quel moment depuis 1760, ce rapport de force fut il favorable pour qu'un changement de statut survienne et que le Québec se retrouve, État souverain, capable de garantir notre cohésion nationale ?
JCPomerleau
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
4 décembre 2009M. Pomerleau, le débat se précise en effet. L’Église nous a-t-elle trahis ou nous a-t-elle sauvés? Et vous concluez au bas de la page : Elle nous a sauvés!… Alors que je ne nous vois pas tout à fait sauvés actuellement. Il me manque sans doute vos éléments essentiels de géopolitique : L’État et la cohésion nationale. Pendant le régime français, l’État (en lien avec l’Église) aurait atteint une masse critique lui permettant de ne pas être anéanti par la victoire britannique. Pourtant au paragraphe suivant, vous reconnaissez que la conquête vient démanteler les institutions politiques et l’appareil de l’État.
En accord avec Mme Morot-Sir, vous affirmez que même là, l’Église sut maintenir son rôle de cohésion. Or, ce rôle de cohésion vous le voyez dans les fonctions « essentielles » : peupler et mettre en valeur le territoire… De mon côté, j’émettais des réserves dans l’efficacité de nos familles nombreuses, dépourvues d’éducation, à reprendre notre rang vis-à-vis des Anglais qui maîtrisaient le commerce et la politique et fréquentaient les universités. Quant à mettre en valeur notre territoire, à essoucher à la main et à labourer avec des bœufs, sans réelles techniques agricoles efficaces… Et vous êtes d’opinion que ces fonctions essentielles nous ont menés à la Révolution tranquille, tout en admettant que le Maître chez nous fut bien pâle. Et c’est à ce moment que l’Église cessa d’avoir la main mise sur notre nation. Si la cohésion nationale avait été si considérable, aurions-nous connu ce pétard mouillé que furent les 40 ans de quête d’indépendance sans en prendre les moyens?
J’ai du mal à comprendre votre phrase : « Notre demi-État semble sur le point de faillir là où l’Église avait réussi, c.-à-d. sur l’ESSENTIEL : notre cohésion nationale… » J’imagine que vous parlez de cette période de repli où l’Église était gardienne de notre foi et de notre langue… Sans autres élites justement que les ecclésiastiques qui nous enseignaient la résignation comme le répète Clapin. Sans emprise sur le commerce, la politique, dans la crainte de l’Anglais, la peur de l’étranger en général. Le complexe d’infériorité qui nous rendit naïfs devant les politiciens beaux parleurs… Par cet INDIRECT RULE, coutumier à l’Empire britannique, on mandatait nos rares têtes lettrées pour nous indiquer de quel côté voter… Le premier gouvernement Lévesque était formé de professeurs, issus des collèges classiques, pendus aux lèvres de Parizeau formé en économie à Londres. Nous sommes d’ailleurs encore pendus au dernier livre de Parizeau pour savoir s’il faut un référendum, alors que la population est divisée en deux!
Non, je ne vois pas que l’Église nous ait sauvés, car nous sommes loin d’être sauvés!
Mme Morot-Sir, M. Ivan m’a mis sur la piste de vos travaux d’histoire, que j’ignorais de façons crasse. Votre vie de globe-trotter vous a donc menée sur notre territoire à un moment ou à l’autre. J’ai donc eu tort de parler de votre angle de vue comme exogène. Vous avez donc, comme nous, cette perception qui nous habite quotidiennement de n’avoir jamais rattrapé le terrain perdu pendant ces deux cents ans de repli après la conquête. En 1960, on nous ouvrait l’université, à peu de frais. Déjà les Anglais se formaient au MBA. On veut égaliser nos frais de scolarité pour engager plus de profs : déjà que nos collégiens décrochent… pendant que l’Ouest domine les sujets d’environnement global depuis 20 ans, ce qui leur a donné l’avance dans le commerce international de l’agroalimentaire… la politique internationale...
Encore aujourd’hui, un beau titre : La souveraineté à portée de main… dans le livre de Parizeau. Avec des théoriciens de l’indépendance semi-retraités comme nous, des marches de protestation de 300 personnes parce qu’il y a du hockey, des multiples partis pro-indépendance qui se coupent, et surtout, des chevaliers de la peur d’avoir peur et des abstentionnistes… la souveraineté à portée de main… Un référendum gagné à 51%, ça ne fait pas beaucoup d’ouvriers sur le chantier de l’indépendance le lendemain. Sans parler de ceux qui vont revirer de bord au bout d’un an parce que c’est pas encore le Pérou!
M. Ivan, ajoutez un peu d’optimisme, on n’a pas la trempe des Vietnamiens, semble-t-il. Mme Marie-Hélène, parlez-nous de cette belle vigueur de nos ancêtres que vous voyez dans nos énergies vers la liberté. M.Pomerleau, corrigez mes hérésies sur notre cohésion nationale. Quand donc l’Église nous a-t-elle sauvés?
Help!
Archives de Vigile Répondre
4 décembre 2009Monsieur Ougho,
Je dois vous dire que votre texte apporte une approche très valable sur notre histoire en relatant les écrits de Sylva Clapin. Mme. Marie-Hélène Morot-Sir dans son extraordinaire ouvrage ''Au Coeur de la Nouvelle-France'' a fait un travail de moine, une recherche exhaustive de ce début, de cette période de notre histoire un peu moins connue. Je lui avais même fait part de l'agacement que j'avais eu en voyant l'omniprésence des robes noires dans le paysage. Quand on sait le pouvoir que ces gens-là avaient tout s'explique. Mme. Morot-Sir a fait un formidable travail d'historienne mais comme vous dites, quand on l'a vécu de l'intérieur certaines notions prennent une tangente, une teinte différente. Mme. Morot-Sir a été fidèle à ce qui avait été rapporté dans les multiples documents d'époque ainsi que dans la relation des jésuites.
Tout l'art d'aujourd'hui est de prendre conscience de cette histoire et d'agir en conséquence pour éviter de disparaître, de voir s'éteindre la petite flamme à l'intérieur de notre peuple. Quand j'ai tendance à désespérer de voir le Québec s'affirmer, je pense au ViêtNam qui, après 1,000 ans de soumission à la Chine, s'est relevé de ses cendres et a su chasser, un peu plus tard de ses terres, les puissants américains, ce géant aux pieds d'argile. Il est tout de même un principe qui s'applique de tout temps: des envahisseurs ne peuvent tenir un pays longtemps s'il n'ont pas des collabos qui les servent.
Merci de votre lumière.
Ivan Parent
Archives de Vigile Répondre
4 décembre 2009Précisons le débat: L'Église nous a t elle trahi ou sauvé ?
Pour répondre à cette question allons à l'essentiel: Qu'est-ce qui fut NÉCESSAIRE pour que ce peuple français en amérique survive au vent contraire de l'Histoire: Un État pour conserver sa cohésion nationale.
Géoplitique 101 : L'État et la cohésion nationale.
De 1608 à 1759 l'État est en croissance organique. Grâce au rôle d'appoint de l'Église, il atteint une masse critique qui lui a permit de ne pas être anéantie par la victoire britannique. Cette contribution fut donc essentiel.
Durant les 150 premières années, la cohésion nationale de ce peuple français qui reposait sur les assises de son État avec lequel elle était en adéquation n'était pas remise en question, sauf de l'extérieur.
La victoire britannique viendra tout changer.
La première conséquence est celle de voir les institutions politiques et l'appareil d'État (Nouvelle France) démantelés. Et le lien avec la France rompu. (Ce que consacre le Traité de Paris, 1763). Que reste il comme assise alors pour conserver notre cohésion nationale (peuple français) face à un Empire qui veut nous assimiler: L'Église.
Elle fut la contrepartie de la couronne britannique dans l'Acte de Québec de 1774 (consentie parce que les anglais n'était pas dans un rapport de force si favorable face à un peuple qui avait atteint une masse critique et qui pouvait se joindre à la révolution qui menaçait au Sud).
C'est cette institution millénaire dans ses capacités de structurer les sociétés, laquelle avait joué un rôle d'appoint nécessaire dans les premiers élans de notre État, qui va venir jouer un rôle "cardinal" pour la suite de l'histoire: L'Église va se substituer à notre État démanteler pour en assumer elle-même les fonctions essentiels: Peupler et mettre en valeur le territoire !
C'est sur les assises de cette institution que va reposer nos espoirs réels (géopolitique) de conserver notre cohésion nationale. Elle s'est si bien acquitté de sa mission historique que, suite à 200 ans de gain de potentialité, ce peuple va passé de la puissance à l'acte en 1960 pour se doter d'un État moderne pour assurer sa cohésion nationale. Un saut périlleux pour les "canayens".
Ce sera la Révolution tranquille: Maitre chez nous.
Mais pas tout à fait. Très vite les acteurs politiques vont faire le constat que ce demie État annexé et réduit dans ses capacités d'agir n'offre pas toutes les garanties pour assurer la pérennité de la cohésion nationale. La quête de l'État souverain commence. Son élan sera brisé en 1995; depuis nous sommes dans le reflux de l'histoire. Le contrôle de notre demie État nous échappe complètement, conséquence du fait de la perte de notre cohésion nationale.
Alors même que élites politique semblent ignorer l'urgence de la situation. Pour une première fois depuis 1759, nous sommes en danger réel de perdre notre cohésion nationale.
Ce qu'il faut constater c'est que notre demie État semble sur le point de faillir là où l'Église avait réussi, c-à-dire sur l'ESSENTIEL: Conserver notre cohésion nationale. (L'ontologie je vous dis)
Mis à part les anecdotes et les faux choix (la révolte alors que l rapport de force n'était pas favorable). L'Église à jouer un rôle cruciale dans notre existence de peuple.
Simple constat géopolitique 101: Non l'Église ne nous a pas trahie,au contraire elle nous a sauvé !
JCPomerleau