Leçons de la grève dans la construction

Sur qui compter vraiment ?

Sur ceux qui ne se défilent pas !

Tribune libre

Une des conséquences de la situation de subalterne des Québécois dans le Canada se manifeste dans une sorte d’attitude de « détestation de soi ». Est propagé dans bien des média du Québec ce genre de mépris pour eux-mêmes que plusieurs expriment ouvertement et dont l’amplitude est sur-utilisée par la droite pour que rien ne change vraiment au Canada, au Québec ou dans le monde. Cela revient à une stratégie suicidaire de ce courant politique pour maintenir un statu quo morbide sur la question nationale en particulier.
Il existe cependant au sein de notre peuple des gens, des institutions, qui « ne lâchent rien » et qui constituent une sorte de colonne vertébrale nationale.
Quand les ouvriers de la construction se sont unis autour de leurs appareils syndicaux à 175,000 pour se défendre contre des reculs que voulait leur imposer le patronat de ce secteur, il y a eu, particulièrement dans les média à grand tirage, une levée de boucliers d’une rare unanimité pour susciter le doute sur les intentions réelles des syndicats : ils n’auraient voulu que redorer leur image.
De plus, ceux qui souhaitaient prendre possession d’une maison récemment acquise pour le 1er juillet seraient littéralement jetés à la rue. Les « dommages collatéraux » (selon les dernières expressions des guerres de l’OTAN), allaient se multiplier pour la population. Même notre bon maire Labeaume de la Ville de Québec suggérait fortement à Madame Marois devant les caméras d’y aller d’une loi spéciale pour sauver sa réputation de « bon gestionnaire ». Sinon c’était la poursuite devant les tribunaux ! Il est devenu nerveux et a jeté encore une fois son venin contre les syndicats et le gouvernement du PQ.
Tout d’un coup, tous les problèmes du Québec se résoudraient si les ouvriers, pourtant unis et respectant les mots d’ordre syndicaux, acceptaient de briser les lignes de piquetage. Quelques-uns, naïfs, l’ont fait mais la plupart des chantiers restaient complètement vides, même sous le regard enquêteur de certains journalistes. Les dirigeants syndicaux ne s’en ont pas réellement alarmés parce qu’ils savaient que certains employeurs avaient peut-être intimidé leurs salariés en faisant valoir « qu’ils pourraient bien oublier leur numéro de téléphone dans le futur pour le rappel au travail ».
Finalement, au fil des jours le PQ s’est trouvé devant une conjoncture où il ne pouvait plus reculer sans mettre en péril une certaine tolérance de l’Alliance face à ses hésitations. On a donc reporté de jour en jour le recours à une loi spéciale devant la mobilisation massive des troupes syndicales, devant leur discipline et leur unité dans l’action.
Les travailleurs de la construction y sont allés d’une ferme affirmation de leurs compétences et de leur fierté d’appartenir à la classe ouvrière à qui la société, même capitaliste (surtout elle, devrait-on dire) doit le respect et la dignité.
Les employeurs du secteur de la construction ont vu le doute s’installer dans la population sur leurs véritables objectifs : engranger leurs profits à même les concessions des syndiqués sur leurs conditions de travail. On peut aussi penser que leur réputation a été vivement entachée par le fait que la Commission Charbonneau ait démontré que certains d’entre eux étaient de véritables mafieux. Ce que Charest voulait vraiment cacher en refusant de mettre sur pied cette commission.
Les ouvriers unis (le dira-t-on assez pour l’exemple du mouvement indépendantiste ?) se sont tenus debout au grand désarroi de ceux qui voudraient réduire ainsi à une condition humiliante de subalternes dociles tous les autres salariés québécois. Leur fermeté est un exemple historique pour tous.
Ceux en effet qui voudraient ne considérer ces travailleurs que comme une masse passive de « poseurs de vis », et qui devrait par conséquent être soumise à toutes les injonctions du patronat et de leurs appareils de propagande, ont été mis devant une réalité qu’ils s’imaginent à tors comme figée et immuable pour toujours.
Au cœur de la nation québécoise, il y a des syndicats et leurs membres qui forment le noyau dur de la résistance. Et ceux qui voudraient les ignorer ou pire, refuser d’en apprendre d’eux sur les stratégies de combat pour l’émancipation nationale et sociale, sont loin de prendre le pouls réel des forces qui peuvent nous conduire à l’indépendance.
Il y a dans ce conflit une affirmation de la fierté ouvrière et de sa confiance dans les capacités des travailleurs manuels et des bâtisseurs qu’ils sont. Mais aussi fidèles au potentiel immense qu’ils peuvent déployer s’ils se mettent à aspirer, avec d’autres, à des idéaux de justice distributive, de responsabilité familiale et de dignité que l’on ne peut attaquer à répétition sans finir par se voir exposé à une riposte unitaire.
Ceux qui ont perdu confiance dans leur propre peuple sont ainsi mis devant les faits qu’il vaut mieux finalement ne pas aller trop loin dans des politiques régressives. Il leur faudra y renoncer même avec un pouvoir qui leur permettrait d’en imposer l’application de façon coercitive. Charest y a goûté en affrontant malhabilement les étudiants et tout le Québec progressiste qui était derrière eux.
Ne l’oubliez pas messieurs Couillard et Legault, même avec le pouvoir, on ne fait pas n’importe quoi devant les forces populaires du Québec. Surtout quand elles prennent confiance en elles.


Laissez un commentaire



8 commentaires

  • Alain Maronani Répondre

    30 juin 2013

    @Guy Roy
    Vous n'osez pas mettre en cause mes chiffres qui montrent sans ambiguité qu'il ne s'agit pas d'une avance sur le ROC mais d'une tendance qui va tuer une industrie ou tout le monde se goinfre...entreprises, syndicats, fonds de solidarité, etc...sur notre dos.
    Les gens de la construction dans leur majorité ce qui les intéresse c'est d'augmenter leur galette.
    Les travailleurs de la construction au Québec sont ceux qui travaillent le moins pour le salaire le plus élevé, fait brutal.
    N'évoquons pas les sujets qui fachent, monopole syndical, corruption, violence sur les chantiers, etc....
    Pour Marx j'ai lu ca et le reste il y a fort longtemps...et pas seulement lui d'ailleurs.
    Expliquez-moi donc pourquoi les Québécois peuvent travailler en Ontario alors que le contraire n'est pas vrai ...?

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    30 juin 2013

    Intéressant comme tout se tient:
    "... jusqu’à dire que ce sont les ouvriers, à cause de leurs salaires élevés, qui ont provoqué la corruption et obligé ces pauvres patrons à se compromettre dans le crime pour augmenter leurs profits pour ne pas être étouffé par la concurrence?..."
    Les profits des patrons... et le salaire des ouvriers... tout comme le manque à gagner en transferts (constitutionnels de l'usage de nos impôts à Ottawa) fédéraux, vite résolu par les recteurs d'universités en demandant une hausse des frais des étudiants...
    Seymour (Une idée de l'université, Boréal 2013): "C'est le manque à gagner en transferts résultant de ce nouveau mode d'allocation (s'immiscer ds compétence provinciale) qui est à l'origine d'un problème majeur de financement et parce que les recteurs ont refusé de le résoudre autrement qu'en laissant grandir l'un des plus grands conflits sociaux qu'ait connus le Québec." p.127
    Encore une fois, le "gros capital" qui rogne sur le petit peuple (empiré depuis 1995)

  • Guy Roy Répondre

    30 juin 2013

    Monsieur Maronani,
    Vous devriez être fier que des Québecois autres que les grandes fortunes soient en avance sur le ROC. C'est un indice aussi que les ouvriers de la construction voient à leurs affaires et ne s'en laissent pas imposer par des patrons toujours avides de profits plus élevés.
    À ce que je retiens des informations sur la grève, elle n'était pas seulement motivée par les salaires. On parlait aussi d'horaire de travail et de conciliation travail-famille, de travail les fins de semaine, ect.
    De plus, il y a une limite à mettre la pression à la baisse sur les salaires. Vous connaissez sans doute le raisonnement de Keynes : on en vient ainsi à ce que la masse des salariés « privilégiés » ne puissent plus acheter ce que l'éconmie est capable de produire. Ce qui fait se multiplier les crises et la concentration des entreprises en « monopoles » plus ou moins réalisés sous la couverture dans ce que nous apprend maître Charbonneau sur la collusion entre grandes firmes pour profiter des contrats publics.
    Irez-vous jusqu'à dire que ce sont les ouvriers, à cause de leurs salaires élevés, qui ont provoqué la corruption et obligé ces pauvres patrons à se compromettre dans le crime pour augmenter (non pas maintenir, mais augmenter) leurs profits pour ne pas être étouffé par la concurrence, fin mot du capitalisme pour décrire le cannibalisme entre entreprises ?
    Les bons salaires ont aussi cette avantage d'obliger les entrepreneurs à chercher leurs gains de productivité autrement qu'en appauvrissant les salariés ... provoquant eux-mêmes les crises qu'ils redoutent parce que les entreprises non compétitives sont éliminées du marché.
    Comme je le recommande aux ouvriers que je côtoyent, vous devriez consulter « Salaires, prix et profits », un petit texte de Marx qui en dit long sur ce controversé sujet.
    Au plaisir d'autres échanges avec vous.

  • Archives de Vigile Répondre

    30 juin 2013

    En moyenne, le salaire horaire d’un québécois représente 92,8% du salaire horaire d’un Canadien (-7,2%). Les secteurs situés sous ce seuil sont les plus affligés par le retard salarial observé au Québec.
    Par contre, l’industrie de la construction est l’un de très rare secteur de l’économie québécoise à avoir des salaires supérieurs à ceux Canada. On parle d’une proportion de 100,9% (+0,9%). Basé sur ces chiffres, on voit que le secteur de la construction au Québec est celui qui est le moins affligé par un retard salarial. À l’opposé du spectre, on retrouve l’industrie pétrolière et gazière qui doit se contenter de 74,9% d’une rémunération horaire canadienne (-25,1%).
    Les ouvriers de la construction au Québec font partie d’une classe privilégiée.
    Source:
    http://www5.statcan.gc.ca/cansim/pick-choisir?lang=fra&p2=33&id=3830029
    Les ouvriers québécois travaillent presque 1 semaine de moins que les Britanno-colombiens (avant-dernier), 2,1 semaines de moins que les Ontariens, 6,2 semaines de moins que les Albertains et 13,3 semaines de moins que les Terre-neuviens.
    Rémunération par heure travaillé...
    39.74 dollars Alberta
    31.97 dollars Québec
    31.80 dollars CB
    31.74 dollars SK
    29.98 dollars ONT
    28.16 dollars TN
    27.64 dollars Manitoba
    etc..
    22.04 dollars PEI
    Nombre annuelles d'heures travaillées
    Terre Neuve 2340 heures
    NB 2095 heures
    PEI 2063 heures
    etc..
    Qui est le dernier, ou les salaires annuels sont les plus élevés ET ou le montant annuel d'heures travaillés est le plus bas ?
    Si vous avez répondu Québec vous avez gagné...
    Seulement 1810 heures....un record !!!!
    Source
    http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a26?lang=fra&retrLang=fra&id=3830011&paSer=&pattern=&stByVal=1&p1=1&p2=-1&tabMode=dataTable&csid=
    Non seulement les travaux de la construction nous coutent 30 a 40 % plus chers que n'importe ou au Canada, la corruption active et passive est entretenue par l'ensemble des partenaires de ce domaine, syndicats compris, on ne tardera pas a le découvrir a la commission Charbonneau, mais le nombre d'heures travaillés par année est le plus faible au Canada...
    Indéfendable, mais bien entendu le gouvernement va céder une fois de plus aux pontes de la FTQ et de la CSN, le regard fixé sur les prochaines élections, et laisser perdurer l'intimidation sur les chantiers, le monopole syndical, etc....
    Jusqu'a quand ?

  • Archives de Vigile Répondre

    29 juin 2013

    Lors d'une entrevue à 24 heures en 60 minutes, la représentante patronale Lyne Marcoux paraissait surprise de la solidarité syndicale sur les chantiers de construction. Je crois que sa stratégie voulant que les travailleurs défonceraient les piquets de grève a échoué et au contraire les syndicats en sortent gagnants.
    Toutefois, si la population trouve qu'il faille niveler toujours vers le bas et abaisser les salaires des travailleurs de la construction au niveau des paysagistes ou des camionneurs, on va devoir abaisser leurs salaires à eux-autres aussi par ricochet selon la loi de l'offre et de la demande.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    28 juin 2013

    En effet, "...dans la région de Québec, les gars de la construction qui sont de grands auditeurs des radio-poubelle ont déchanté en écoutant leurs animateurs dretistes proférés des propos anti-syndicaux tout en se moquant des salaires faramineux des gros bras... "
    Et on a entendu un "gros bras" finasser, la semaine dernière, en disant à son délégué syndical: "s.v.p., les gars, on rentre mardi, là (après la Fête nationale) parce que, s.v.p., on veut pas travailler sous une loi spéciale Marois, s.v.p. là..."
    Ainsi, la cohésion syndicale peut sans doute préfigurer la cohésion nationale, mais... ça ne se superpose pas parfaitement.

  • Archives de Vigile Répondre

    28 juin 2013

    Noter que dans la région de Québec, les gars de la constructrion qui sont de grands auditeurs des radio-poubelle ont déchanté en écoutant leurs animateurs dretistes proférés des propos anti-syndicaux tout en se moquant des salaires faramineux des gros bras... C'est ce qui s'appelle cracher dans sa soupe.
    Le Maire Jo Dalton Labeaume a menacé de refiler la facture des retards et des frais encourus au gouvernement.
    Madame Marois a bien fait de lui rappeler que l'amphithéâtre reçoit déjà amplement de financement gouvernemental autour de 200 millions.

  • Archives de Vigile Répondre

    28 juin 2013

    M.Roy
    Dérèglementer le milieu de la construction, voilà le but inavoué des associations patronales en misant sur la violence des fiers à bras sur les chantiers pour dicréditer le mouvement syndical, sauf que les travailleurs ont respecté les piquets de grève au grand désarroi de la représentante patronale, Lyne Marcoux.
    A Radio-Canada cet avant-midi, une représente du CPQ s'est expliqué disant vouloir abolir les unions syndicales. Rien de nouveau sous le soleil.
    Sauf que pour le CPQ, c'est toujours la même rengaine depuis une vingtaine d'années, toujours en enlever aux travailleurs en prétextant qu'il faut s'ajuster aux autres provinces; la récession s'en vient, la mondialisation, ect... mais pour ce qui est des coûts reliés aux matériaux, au profit du patronat ou la corruption et la collusion, pas un mot à propos de la Commission Charbonneau.
    http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2013/06/28/001-construction-greve-12ejour-negos-loi-speiciale.shtml