Enclencher et réussir l’indépendance.

Se remettre en marche.

Revoir la démarche stratégique

Chronique de Gilbert Paquette

J’entreprends cette nouvelle chronique dans Vigile avec enthousiasme. J’entends éviter de me laisser distraire par les multiples questions d’actualités mais privilégier plutôt celles qui illustreront le mieux les projets que l’indépendance nous permettrait de réaliser collectivement. Les sujets ne manquent pas.

Aujourd’hui, pour débuter, je vous parle de ce manifeste initié par une centaine de jeunes du Parti québécois, du Bloc québécois et d’Option nationale et dont je suis cosignataire. Il s’intitule fort à propos : « Se remettre en marche ». J’ai aimé ce texte parce qu’il témoigne d’abord d’une volonté de convergence des jeunes indépendantistes, convergence à laquelle je travaille depuis 10 ans. Il expose aussi la nécessité d’une remise en question de certains dogmes, en particulier l’article 1 du programme du PQ qui se lit actuellement ainsi : «le Parti Québécois a pour objectif premier de réaliser la souveraineté du Québec à la suite d’une consultation de la population par référendum tenu au moment jugé approprié par le gouvernement.»

Or cet énoncé est devenu avec le temps un facteur d’attentisme, de division entre indépendantistes, d’éteignoir de la mobilisation militante et de repoussoir des citoyens à l’égard de l’indépendance. Depuis le référendum de 1980, chaque élection devient une lutte de partis plutôt qu’une lutte nationale : qui fera le meilleur gouvernement provincial, comme si un « bon gouvernement » était possible pout un indépendantiste dans le carcan canadien . D’un point de vue militant, comme l’exprimait nettement l’un d’eux lors de la récente élection canadienne, « vous me rappellerez quand il y aura un référendum annoncé ». Quant à la population, on entend de plus en plus, même de la part de sympathisants, un discours de renoncement : « cessez de parler d’indépendance, même si c’est souhaitable, cela n’arrivera pas ». Cette approche du principal parti indépendantiste nous empêche en fait de faire campagne sur le contenu de l’indépendance puisqu’aucune étape sérieuse n’est jamais à l’horizon.

Pour se remettre en marche, pour parler d’indépendance et surtout être écouté largement, il faut que la prochaine élection soit un élément marquant, déterminant, déclencheur d’une démarche vers l’indépendance. Il faut éviter que le débat entre nous ne s’enlise sur la tenue ou non d’un prochain référendum. La question n’est pas de savoir s’il y aura ou non un référendum au cours d’un prochain mandat, la question est de savoir si le mouvement indépendantiste fera campagne pour l’indépendance d’ici et pendant la prochaine élection avec un objectif clair.

Cet objectif doit être une approche directe et inclusive, inscrite dans une feuille de route publiée au plus tard en 2007 visant à résoudre notre question nationale avec l’appui de la population. Il s’agit de faire de l’élection un moment déterminant où l’on vise un vote majoritaire (50 +1 %) des électeurs québécois pour des candidats favorables à l’indépendance, peu importe quel parti politique ces candidats représentent. Un tel résultat enclencherait une démarche constituante pour préparer une constitution provisoire du Québec telle que proposée par les États généraux sur la souveraineté en 2014. Cette démarche, à laquelle serait conviée l’ensemble de la population, serait organisée à l’initiative de ces partis et de ces candidats. Bien qu’il soit préférable qu’un parti politique indépendantiste forme le gouvernement, rien n’empêcherait une coalition de partis et de mouvements de combiner leurs moyens pour organiser cette démarche démocratique. Dans le cas où un parti indépendantiste ne serait pas au gouvernement à cause de la distorsion de notre mode de scrutin, la pression démocratique serait énorme sur le gouvernement du Québec jusqu’à une prochaine élection ou un référendum d’initiative populaire.

Cette démarche éliminerait l’aspect final et tragique d’un référendum, par sa récurrence possible à chaque élection, tant qu’une majorité ne sera pas atteinte. Elle normaliserait en quelque sorte la démarche de tous les indépendantistes pour l’indépendance du Québec. Elle tiendrait compte de la présence de plusieurs partis politiques favorables à l’indépendance du Québec sans leur demander de se retirer de certains comtés. Au contraire, la présence de plusieurs partis dans un comté (presqu’inévitable dans le contexte actuel à moins d’une alliance électorale) ne pourrait qu’augmenter les appuis à l’indépendance.

Contrairement à ce qu’on entend, il ne s’agit pas de faire de la prochaine élection une élection référendaire, mais une élection initiant une démarche qui conduit à un référendum de ratification sur la constitution pour faire du Québec un pays. Cette démarche donnerait une base démocratique au chef du Parti québécois qui a affirmé le 12 février 2015 : « C'est pourquoi, lors des prochaines élections, je souhaite obtenir le mandat de réaliser concrètement l'indépendance du Québec ». On aimerait l’entendre le redire très bientôt dans le cadre du débat nécessaire qui soit s’amorcer sur la révision du programme de son parti.

Squared

Gilbert Paquette67 articles

  • 98 066

Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)

Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’Assemblée nationale du Québec le 15 novembre 1976, réélu en 1981, Gilbert Paquette a occupé les fonctions de ministre de la Science et de la Technologie du Québec dans le gouvernement de René Lévesque. Il démissionne de son poste en compagnie de six autres ministres, le 26 novembre 1984, pour protester contre la stratégie du « beau risque » proposée par le premier ministre. Il quitte le caucus péquiste et complète son mandat comme député indépendant. Le 18 août 2005, Gilbert Paquette se porte candidat à la direction du Parti québécois. Il abandonne la course le 10 novembre, quelques jours à peine avant le vote et demande à ses partisans d’appuyer Pauline Marois. Il est actuellement président du Conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO).





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9 commentaires

  • Gilbert Paquette Répondre

    8 mars 2016

    @Claude Bariteau. D'accord pour travailler sur deux fronts. C'est d'ailleurs ce que j'ai initié au OUI Québec pour ce qui est d'une entente entre partis. Vous posez la bonne question, qu'arrive-t-il en l'absence d'une double majorité ? Votre solution: des députés démissionnent ou refusent de gouverner. Je ne crois pas que cela va se produire (je l'ai déjà proposé en 1981) ou donnerait le résultat escompté. Ma solution: on s'en remet au peuple par une démarche constituante fondée sur la souveraineté populaire et le droit du peuple de choisir son statut politique, un vaste débat de société qui vise à briser l'impasse, un débat dans lequel tous les arguments seront confrontés et qui vise justement à construire ces deux majorités. Je ne sais pas pourquoi pourquoi vous qualifiez cela de "voie parallèle". Il s'agit d'une seule et même démarche: construire l'indispensable appui majoritaire de la population au Québec pays.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mars 2016

    Monsieur Paquette,
    viser 50 % + 1 d'appui des électeurs à l'indépendance sans chercher en même temps l'élection d'une majorité d'indépendantistes, ça m'apparaît peu sérieux et c'est ce que les électeurs se diront.
    Jumeler les deux majorités recherchées, c'est demander aux Québécois et aux Québécoises de donner un mandat clair aux élus pour qu'ils mettent en marche le processus de création du pays du Québec.
    Dès lors, il importe de travailler pour obtenir ces deux majorités plutôt que de chercher une voie dérivée du genre de celle que vous imaginez, qui découle de la non-élection d'une majorité de députés favorables à l'indépendance.
    Deux voies sont envisageables : un pacte entre les partis prônant l'indépendance sur la stratégie électorale à défaut duquel il reviendra aux électeurs et aux électrices de voter pour les candidats qui entendent réaliser l'indépendance du Québec s'ils se retrouvent majoritaires à l'Assemblée nationale et ont un appui majoritaire des électeurs et des électrices.
    Si ces deux majorités ne s'expriment pas, c'est l'impasse. On se retrouve soit devant un gouvernement d'élus qui ne représentent pas le choix du peuple, soit un gouvernement qui n'a pas le mandat de réaliser l'indépendance.
    Ce genre de situation ne se règle pas par une activité parallèle, genre constituante, mais par un processus politique différent dans chaque cas.
    Dans le premier, il y a un problème de légitimité. Ou bien les élus s'allient aux députés indépendantistes, car là se trouve le sens de l'appui de 50 % + 1 des électeurs et des électrices, et mettent en branle le processus menant à l'indépendance, ou bien ils démissionnent pour provoquer une nouvelle élection afin d'éviter un soulèvement populaire.
    Dans le second, il y a aussi un problème de légitimité. Dans ce cas, les élus indépendantistes, même majoritaires mais sans l'appui majoritaire des électeurs et des électrices, peuvent refuser de gouverner ou, sur la base de leur plate-forme électorale, activer les dossiers qu'ils ont priorités puis retourner en élection.
    En d'autres termes, sans une double majorité, la solution à l'impasse demeure politique. Aussi vaut-il mieux chercher à l'éviter en travaillant sur les deux fronts.

  • Pierre Cloutier Répondre

    4 mars 2016

    RÉFÉRENDUM ET ÉLECTION RÉFÉRENDAIRE
    Sur cette question, la réponse appartient à Pierre-Karl Péladeau. Tant et aussi longtemps qu'il n'annoncera pas publiquement qu'il a l'intention ferme de tenir un 3e référendum sur l'indépendance du Québec le plus tôt possible s'il est élu chef du gouvernement, les grenouillages - "tout ce qui grouille, grenouille, scribouille, disait un certain général - vont continuer et les militants ne se mettront pas au travail pour faire la défense et l'illustration du pays. Actuellement, on perd du temps à cause de cela et pendant que les militants de la société civile attendent patiemment le signal, les politiques, eux, sont encore absorbés à 99,9% par la gestion des affaires provinciales. C'est triste mais c'est comme cela.
    Mon plan d'action est fort simple :
    1 - Création de l'Institut de recherche sur l'autodétermination des peuples et des indépendances nationales. Ok, c'est fait.
    2 - Union des forces souverainistes et indépendantistes - ce n'est pas fait.
    3 - Mise en place des comités du OUI dans chaque comté - ce n'est pas fait.
    4 - Grande Tournée du Pays, commençant en 2016 - cette année - par la grande région de Montréal sur le thème : Indépendance, économie, jeunesse et immigration. dans la grande région de Québec en 2017 sous le thème : Indépendance et Québec, capitale internationale et en 2018, dans les autres régions avec comme thème ; Indépendance et décentralisation de l'État québécois au profit des régions. Ce n'est pas fait.
    En ce qui me concerne, je rendrais la question référendaire publique immédiatement : Voulez-vous, oui ou non, que le Québec devienne un pays, c'est-à-dire, un État souverain et indépendant membre à part entière de l'Organisation des Nations Unies?.
    Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple? Pourquoi passer par Paris quand on veut aller à Rome?. Tout cela ne tient pas la route et c'est complètement irréaliste.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mars 2016

    Félicitations monsieur Paquette pour l'ensemble de votre travail voué à la cause. Il faudrait effectivement enlever le mot "référendum" de l'Article #1 du parti Québécois qui est pourtant un instrument démocratique par excellence mais ostracisé par les médias anti-Québec.
    N'étant pas un juriste, je ne me risqueras pas à formuler des suggestions mais simplement mentionner qu'il ne faut pas faire d'un moyen, une fin en soi. Il ne faut pas non plus préciser par quel moyen nous allons y arriver puisqu'il nous limite et que ce n'est pas bon stratégiquement.
    Le parti québécois devrait se définir d'abord et avant tout comme une coalition souverainiste qui a pour mission de rallier, rassembler et faire converger les tenants de tous les horizons.
    En ce sens je crois que le parti Québécois devrait annoncer solennellement qu'il assurera une gouvernance de transition et de compromis à partir du moment que le processus de création de pays sera enclenché et qu'il va se saborder pour laisser place à toutes les franges de la société. Je crois que de cette façon les souverainistes des autres parti pourront oublier leur allégeance pendant un moment, le temps de voter pour le vaisseau-amiral, notre voie d'accession à notre pays.

  • Robert J. Lachance Répondre

    1 mars 2016

    Entre vous et moi, j’aurais mis ici en commentaire, comment taire ici, mais c’est devenu long sans être pénible pour moi, c’est sûr et certain.
    J’ai mis ici, là, ou si vous préférez, là ici.

  • Robert J. Lachance Répondre

    29 février 2016

    Remise en question de certains dogmes, dont celui-ci :
    « le Parti Québécois a pour objectif premier de réaliser la souveraineté du Québec à la suite d’une consultation de la population par référendum tenu au moment jugé approprié par le gouvernement. »
    En réchauffement, il faut lire [Alain Dubuc->http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/alain-dubuc/201110/27/01-4461896-au-suivant.php
    ]
    , 2011. La question du chef est réglée jusqu’à juin 2017, qu’en est-il de la marque, du produit et du marché du PQ; à votre préférence pour l’ordre à respecter dans ce questionnement. Ça date 2011, ça choque Alain Dubuc ? Les questions me semblent encore bonnes 3 sur 4.
    Le produit à réaliser par le PQ est-il toujours la souveraineté ? Je trouve paradoxal de courir après la souveraineté quand nous sommes à la recherche d’un régime politique sans reine. Faudrait qu’on m’explique.
    Il y a eu le séparatisme en 1980, la souveraineté en 1995, avec les résultats encourageants que l’on connaît. Ne serait-il pas opportuniste depuis Jean-Martin Aussant de passer à l’indépendance politique, passer au LIT, passage obligé dirait Charles Sirois à une interdépendance politique et économique bonne pour nous et les autres, respectueuse de la Terre-Mère, dans les meilleurs délais ?
    Aussi, comme ex-membre du PQ ponctuel pour l’élection de son chef, le redevenu par patriotisme pour 2018, un sur des dizaines de milliers j’en suis conscient, je proposerais sans véritable espoir de réussir si je savais comment faire selon les Statuts, un nouveau dogme : le Parti Québécois a pour objectif premier d’enclencher la graduation du Québec de province à pays.
    Chemin faisant, j'aimerais que le PQ trouve une solution au paradoxe que la figure qui suit expose.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    29 février 2016

    Un coup de tonnerre dans un ciel variable, venant du pilier le plus permanent des Indépendantistes québécois, Gilbert Paquette:
    « Se remettre en marche ». J’ai aimé ce texte parce qu’il témoigne d’abord d’une volonté de convergence des jeunes indépendantistes, convergence à laquelle je travaille depuis 10 ans. ...et plus?

  • Robert J. Lachance Répondre

    29 février 2016

    Merci pour cette nouvelle forme de collaboration à Vigile et mes félicitations pour votre graduation ici de tribun à chroniqueur.
    Vous me faites plaisir en annonçant que vous allez privilégier l’indépendance politique du Québec pour sujets plutôt que tout sujet d’actualité.
    Après 4 ans de Cap sur l’indépendance, je voix que vous hissez les voiles sur l’enclenchement et la réussite de l’indépendance.
    J’ai cherché sans succès le manifeste Se remettre en marche dans Google. J’aimerais lire.
    Ça m'a fait découvrir un joli texte de Josée Blanchette sur Justin dans Le Devoir. Je ne mets pas en lien.

  • James A. Wilkins Répondre

    28 février 2016

    Il est évident que l'article 1 ne tient plus la route. Il est essentiel que le Parti Québécois gagne majoritairement un gouvernement en 2018. Pour ce faire la meilleure garantie est d'aller chercher les indécis et les fédéralistes mous. À cet égard la stratégie du choix que j'ai proposé en tribune libre sur ce site attaque les fédéralistes purs et durs sur leur propre terrain et impose un résultat positif qui a manqué lors des deux derniers référendums. Se remettre en marche..Oui ça presse, Il y a maintenant 20 ans qu'on tourne en rond!