Dans un article paru dans les pages de [The Nation le 29 décembre 2008, Richard Falk->17121], envoyé spécial des Nations unies dans les territoires occupés et professeur de droit à l'Université Columbia, décrivait les bombardements de la bande de Gaza par les forces israéliennes comme des crimes de guerre. Selon Falk, les bombardements violent de manière flagrante les conventions internationales, dont notamment:
- l'interdiction de s'engager dans une entreprise de punition collective: un million et demi d'habitants de la bande de Gaza subissent cruellement les bombardements d'Israël en raison d'activités terroristes provenant d'une minorité de militants;
- l'immunité des non-combattants: les dernières attaques aériennes violent ce principe fondamental, en touchant des zones qui sont parmi les plus peuplées du Moyen-Orient;
- l'interdiction d'une riposte disproportionnée: l'idée de proportionnalité fait partie des principes fondamentaux de la guerre juste. Or, on limite trop souvent ce principe au droit de se défendre et on néglige l'évaluation des moyens de la riposte. Dans le cas présent, les attaques ont non seulement détruit les infrastructures de sécurité, mais ont aggravé sérieusement les infrastructures sanitaires, déjà dans un état lamentable. À l'heure actuelle, les ambulances ne peuvent même plus rejoindre les blessés, et encore moins les conduire vers les rares hôpitaux fonctionnels. Depuis l'entrée des troupes israéliennes à Gaza samedi dernier et les derniers affrontements avec le Hamas, cette situation critique ne peut que se détériorer.
L'opération «plomb durci»
Dans sa livraison du 3 janvier, le journal L'Express signale que depuis le début de l'offensive, le 27 décembre 2008, au moins 452 Palestiniens ont péri, dont 75 enfants et 21 femmes, et au moins 2290 ont été blessés, selon des sources médicales palestiniennes. Le journal signale aussi que, dans le même temps, quelque 500 roquettes palestiniennes tirées de la bande de Gaza ont fait quatre morts en Israël, dont un soldat, et une quinzaine de blessés, selon l'armée et la police israéliennes.
L'opération militaire israélienne, cyniquement nommée «plomb durci», ne saurait être justifiée par le droit à l'autodéfense. Certes, il faut condamner les attaques aux missiles par le Hamas, qui elles aussi vont à l'encontre du droit international. Mais l'illégalité ne saurait être la réponse appropriée à l'illégalité. L'intervention israélienne est l'opération «plomb dans l'aile».
Malheureusement, ainsi que l'a souligné [Robert Fisk dans un article paru dans The Independent le 29 décembre dernier->17122], toutes ces violations du droit international se font avec le silence complice de George W. Bush, Gordon Brown et Tony Blair.
Une solution équitable est pourtant en vue
Il faut avoir le courage de revenir aux sources du conflit. L'appui au droit d'Israël à sa propre existence ne peut se faire sans considération pour celle du peuple palestinien. Quelles sont les sources réelles du conflit? Ce n'est pas la création d'Israël. La source du conflit réside dans l'occupation par Israël de la Cisjordanie et de la bande de Gaza depuis 1967.
Tôt ou tard, il faudra se résoudre à trancher dans un sens se rapprochant des discussions tenues à Taba du 21 au 27 janvier 2001 entre Ehoud Barak et Yasser Arafat. Les deux parties étaient alors parvenues à formuler un accord final et global sur la création d'un État palestinien. Comme le rappela naguère Edward Saïd, cet État doit être garanti selon des conditions favorables au peuple palestinien.
La communauté internationale devra également se résoudre à intervenir par une présence massive de plusieurs pays dans la région légitimés par une résolution des Nations unies, et ce, pour implanter de force si nécessaire cet accord. Il faudra aussi que cela se fasse avec l'appui des pays arabes.
Telles sont en tout cas les propositions de Robert Malley et Hussein Agha, deux conseillers politiques qui furent impliqués directement dans les négociations de Camp David du mois de juillet 2000.
La sécurité d'Israël
Israël a d'immenses responsabilités dans la crise actuelle, à la fois à l'égard du peuple palestinien et à l'égard de son propre peuple. La résolution du conflit israélo-palestinien est en effet plus que jamais dans l'intérêt du peuple israélien lui-même. Elle est une garantie pour sa propre sécurité dans un environnement géopolitique qui lui est hostile. C'est un secret de Polichinelle que les véritables motivations de l'escalade de violence à laquelle nous assistons sont à rechercher du côté des enjeux régionaux. Comme ce fut le cas au Liban en 2006, la bande de Gaza est le terrain de jeu d'une lutte opposant Israël à la Syrie et à l'Iran. Dans cette perspective géopolitique, la sécurité d'Israël est véritablement mise en cause.
Malheureusement, loin d'opposer la justice et la raison à ces calculs politiques, Israël répond présent dans le déchaînement de la violence et de la barbarie. Or, justement, la Syrie et l'Iran tireront profit une fois de plus des malheurs vécus par le peuple palestinien. En contribuant à la résolution du conflit, Israël enlèverait pourtant à ces pays tout prétexte de s'engager dans une entreprise belliqueuse.
En jargon philosophique, on pourrait dire que la résolution du conflit israélo-palestinien est non seulement une affaire de justice au sens déontologique, mais elle est aussi dans une perspective conséquentialiste une source de stabilité pour la région et par le fait même une source de sécurité pour Israël.
Les premiers pas dans la bonne direction
La résolution du conflit israélo-palestinien pourrait être lancée par une diplomatie intensive de Barack Obama auprès de la Russie et des autres membres du Conseil de sécurité de l'ONU. En ce sens, le Canada pourrait jouer un rôle important. Mais, pour cela, Stephen Harper doit quitter la vision apocalyptique et simpliste du monde qui s'est malencontreusement imposée depuis le 11 septembre 2001. Le Canada ne peut demeurer impassible devant la gravité des événements. Suivre à la lettre la ligne de conduite de feu l'administration Bush n'est pas seulement immoral, c'est également stupide.
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Michel Seymour, Christian Nadeau
Professeurs au département de philosophie, Université de Montréal
Sauver Gaza, mais aussi Israël de lui-même
Le Canada ne peut demeurer impassible devant la gravité des événements. Suivre à la lettre la ligne de conduite de feu l'administration Bush n'est pas seulement immoral, c'est également stupide.
Gaza: l'horreur de l'agression israélienne
Michel Seymour25 articles
Michel Seymour est né en 1954 à Montréal. Très tôt, dès le secondaire, il commence à s’intéresser à la philosophie, discipline qu’il étudie à l’université. Il obtient son doctorat en 1986, fait ensuite des études post-doctorales à l’université Oxford et à ...
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Michel Seymour est né en 1954 à Montréal. Très tôt, dès le secondaire, il commence à s’intéresser à la philosophie, discipline qu’il étudie à l’université. Il obtient son doctorat en 1986, fait ensuite des études post-doctorales à l’université Oxford et à UCLA. Il est embauché à l’université de Montréal en 1990. Michel Seymour est un intellectuel engagé de façon ouverte et publique. Contrairement à tant d’intellectuels qui disent avec fierté "n’avoir jamais appartenu à aucun parti politique", Seymour a milité dans des organisations clairement identifiées à une cause. Il a été l’un des membres fondateurs du regroupement des Intellectuels pour la souveraineté, qu’il a dirigé de 1996 à 1999. Pour le Bloc québécois, il a co-présidé un chantier sur le partenariat et a présidé la commission de la citoyenneté. Il est toujours membre du Bloc, mais n’y détient pour l’instant aucune fonction particulière.
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