Réseaux sociaux : déversoirs de haine (1)

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Réseaux sociaux : il faut toujours considérer ce qu'on y écrit comme appartenant au domaine public


Quand un tweet mène la Sureté du Québec à ta porte...  


Deux textes à venir sur la haine et les réseaux sociaux. Si Facebook, Twitter, Instagram et autres réseaux ont des caractéristiques positives, c’est indéniable que ceux-ci ont également laissé cours au partage de la haine, parfois de manière décomplexée.    


Aujourd’hui, récit d’un tweet qui a été retenu par la Sureté du Québec (SQ).   


Le 12 février dernier, je reçois un message privé non sollicité sur mon Messenger de Facebook. Comme j’en reçois des dizaines. Je ne les consulte pas tous, la plupart du temps, je supprime rapidement ces messages; tantôt de la sollicitation, d’autres fois des commentaires sur mes textes (auxquels il m’arrive de répondre), trop souvent des liens vers des vidéos de complots en tous genres, et, heureusement, plus rarement, des commentaires purement haineux.   


Des insultes, des appels à me taire, des « f*ck you » longs comme le bras, j’en reçois en masse, ça vient avec le fait de se voir publier dans un média de masse, j’imagine.    


Quand je publie un texte qui critique les fêlés du bocal identitaire comme La Meute, les invectives viendront de ce côté-là; si c’est un texte qui critique les trolls péquistes, le volume va doubler. Toutefois, mes pires expériences sont venues de l’extrême gauche. Les hurluberlus antiracistes et antifascistes sont les pires.    


Il y a tout près d’un an de cela, à la suite de la publication d’un texte particulièrement critique d’une prise de position de Québec solidaire à l’Assemblée nationale, on m’avait fait remarquer que ça dérapait pas mal dans un groupe Facebook à mon sujet. On partageait de mes infos personnelles, on ironisait de me casser la gueule, « de me faire taire ».    


Toutefois, après avoir signalé aux gestionnaires de ce groupe que je n’hésiterais pas à porter plainte, le tout a été effacé. Mais cela n’était que le prélude de plusieurs autres messages méprisants que je recevrais de la part de cette gang-là. Pas de limites à leur hargne. Peu de débats possibles.    


Le 12 février donc, je venais de faire chronique à QUB radio au micro de l’animateur Martineau, avec qui « on n’est pas obligé d’être d’accord », -mais ça fait de la bonne radio – et nous avions discuté de la sentence du tueur de la mosquée de Québec.    


J’avais aussi publié un statut là-dessus sur mon compte Facebook en insistant sur l’arbitrage impossible entre l’appel à la réhabilitation lancé par les parents du tueur et le désir de justice manifesté par les proches des victimes de la tuerie.   


Je reçois ce message qui capte mon attention par la violence des premiers mots :    


« Je vais assassiner 6 membres de ta familles (sic) »   


Wow.    


Y’a toujours bin des maudites limites. Je consulte le profil de la personne qui me l’envoie. Une personne de ma région, un profil véridique, manifestement, pas un avatar bidon.    


Je partage une capture d’écran de ce message sur Twitter, en taguant la Sureté du Québec.   





 



Puis je me dis, faut vraiment être un peu fêlé pour prendre la peine d’envoyer dans la messagerie privée de quelqu’un d’autre un message qui commence par « je vais assassiner... »   


Le lendemain, je jase de ça avec un de mes amis qui est enquêteur à la SQ. Je lui montre le message. C’est sans appel selon lui, peu importe le contexte. Il faut porter plainte.    


Ce que je ferai.    


L’agent qui recevra ma plainte m’explique que ce type de message pourrait se retrouver aux enquêtes de crimes dits « haineux », justement à cause du contexte inhérent à celui-ci : c’est évident qu’on réfère à l’attentat de la mosquée de Québec. À l'évidence, la personne qui m'avait envoyé ce message ne partageait pas mes opinions sur le «vivre-ensemble». En consultant son profil Facebook, j'ai su tout de suite à qui j'avais affaire.  


Aussi, deux options dans le type de plainte : une plainte formelle, criminelle, ou une seconde option où l’on retrace la personne, qu’on l’avise, mais sans la plainte criminelle formelle. Je choisis cette option. Sensibiliser la personne que ça ne se fait tout simplement pas.    


J’ai reçu hier un appel de la Sureté du Québec. Dix jours plus tard.    


Ce que j’apprendrai c’est qu’au final, ce n’est pas ma déposition à l’agent de la SQ qui a mené à l’appel que j’ai reçu hier, mais plutôt le fait que j’aie tagué la SQ dans mon Tweet. Car ma plainte à l’agent n’avait pas encore été traitée.    


Un analyste de la Sureté du Québec a jugé que ce type de message haineux valait d’être enquêté. L’agent à qui j’ai parlé hier me disait que de tels messages où l’on tague la SQ, ce peut être plus d’une centaine par jour parfois.    


On a retrouvé la personne qui m’avait envoyé ce message. Les policiers de la Sureté du Québec se sont présentés chez elle.    


Stupeur.   


On m’a dit qu’elle fut surprise que son message provoque un tel enchaînement, qu’elle ne me voulait aucun mal. Surtout, elle a regretté et admis que ce geste était stupide.    


Pour ma part, le dossier est clos. Je comprends le contexte du message, mais ce qui m’importe le plus, c’est que cette personne a été sensibilisée à propos des conséquences possibles de laisser courir ainsi des messages haineux à tout vent.    


Surtout, l’enquêteur des crimes haineux à qui j’ai causé hier m’a aussi sensibilisé au fait qu’il ne fallait pas banaliser les messages haineux, qu’il fallait les rapporter et que la Sureté du Québec prend le tout très au sérieux.   


Qu’on se le tienne pour dit.