Renoncer au pétrole créerait un choc économique inacceptable

Les ministres du gouvernement Marois, celui de l’Environnement en tête, font valoir les bons aspects du projet de la société Enbridge

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Il ne s'agit pas d'y renoncer d'un coup, mais de le faire graduellement, et de ne surtout pas rajouter aux problèmes que pose son utilisation

La première journée de commission parlementaire sur l’inversion de l’oléoduc 9B d’Enbridge a surtout été l’occasion, tant pour la pétrolière que pour le gouvernement Marois, d’insister sur les avantages économiques que représente l’opération. Et le plus important projet de transport pétrolier de l’histoire du Québec est cohérent avec la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles, ont affirmé les ministres péquistes.

D’entrée de jeu, la ministre déléguée à la Politique industrielle, Élaine Zakaïb, a souligné que le but de la commission était notamment de faire en sorte que le projet d’Enbridge s’inscrive dans la foulée des principes que le gouvernement a énoncés pour la gestion de la filière pétrolière. « Ensemble, nous devons miser sur une démarche équilibrée pour permettre la croissance de cette industrie tout en assurant de protéger l’environnement et d’en faire bénéficier la population », a fait valoir celle qui siège au nom du gouvernement.

La ministre des Ressources naturelles a pour sa part répété qu’il existe des avantages certains à l’arrivée quotidienne de 300 000 barils de brut de l’Ouest, surtout pour les raffineries du Québec. Même son de cloche du côté de son collègue de l’Environnement, Yves-François Blanchet. En devenant un débouché majeur pour la production pétrolière croissante de l’Alberta, le Québec sera en mesure de « maintenir des milliers d’emplois », a-t-il ajouté, « des emplois qu’on ne peut pas prendre à la légère ».

Réduire notre dépendance ?

Même si Enbridge estime que la canalisation datant de 1975 pourra être utilisée pour encore plusieurs décennies, les péquistes ne voient aucune « incohérence » avec les « objectifs ambitieux » qu’ils se sont donnés en matière de réduction de notre dépendance aux énergies fossiles. En fait, le gouvernement ambitionne de réduire de 30 %, d’ici 2020, notre consommation de pétrole et de gaz. La cible à l’horizon de 2030 est de 60 %.

« Nous avons une zone de transition à gérer », a affirmé la ministre Ouellet, en rappelant que, même en respectant ses objectifs, le Québec importerait toujours pour 10 milliards de dollars de pétrole chaque année en 2020. « La planète n’est pas en mesure, à très court terme, ni même à court terme, d’être indépendante des produits pétroliers, a aussi dit M. Blanchet. S’il y a eu des accidents, nous sommes contraints d’apprendre à faire mieux les choses, mais on ne peut pas, demain, s’imposer le choc économique de renoncer au pétrole. »

Le ministre de l’Environnement a d’ailleurs qualifié d’« énoncés idéologiques et dogmatiques » les propos de ceux qui s’opposent au projet, soulignant qu’il ne permettra pas une « sortie » du pétrole dans les années à venir. Une attaque à peine voilée contre le député de Québec solidaire Amir Khadir. Selon ce dernier, « il est absolument renversant » d’entendre les péquistes « prétendre qu’on peut éventuellement contribuer et faciliter l’exploitation des sables bitumineux et que ce soit compatible avec une vision de développement durable ».

Selon M. Khadir, quoi que puissent dire les intervenants qui défileront devant la commission, les « dés sont pipés ». Il a d’ailleurs appelé les députés Daniel Breton, Martine Ouellet et Scott McKay, qualifiés d’« écologistes », à « mettre leur siège en jeu » en refusant de se ranger du côté de la ligne de parti. Seul M. McKay a réagi en accusant le député solidaire de ne pas avoir « compris c’est quoi, le développement durable ». Selon lui, le pétrole des sables bitumineux n’est pas plus émetteur de gaz à effet de serre que celui qui provient de l’Angola ou du Nigeria.
Après Kalamazoo

Prenant longuement la parole devant la commission en ouverture des travaux, les représentants d’Enbridge ont pour leur part soutenu que la pétrolière n’est « pas un grand émetteur de gaz à effet de serre ».

Ils ont aussi dû défendre leur bilan en matière de sécurité depuis la catastrophe environnementale survenue en 2010 au Michigan. Une rupture d’un oléoduc similaire à la ligne 9B a alors laissé couler quelque 3,2 millions de litres de pétrole dans la rivière Kalamazoo. Trois ans et un milliard de dollars plus tard, les travaux de nettoyage ne sont toujours pas terminés.

Selon le porte-parole de l’entreprise, Éric Prud’homme, Enbridge est désormais une « meilleure » entreprise. Il estime qu’un déversement est « peu probable » le long de la ligne 9B, qui traverse notamment la rivière des Outaouais. Selon l’Institut Polaris, la pétrolière serait responsable de 804 déversements en Amérique du Nord entre 1999 et 2010.

Enbridge a par ailleurs déjà réalisé 300 excavations pour la ligne 9B. La ministre Zakaib a demandé à voir les résultats de ces travaux. L’entreprise n’a pas voulu s’y engager. Ces informations seront données à l’Office national de l’énergie, à qui la décision d’autoriser le projet appartient, a répondu M. Prud’homme. On ne sait donc pas comment Québec pourra mener la « contre-expertise indépendante » qu’il souhaite afin de « valider » la sécurité de l’oléoduc.

Les travaux de la commission parlementaire se poursuivent jusqu’au jeudi 5 décembre. Parmi les intervenants qui défileront devant la commission, on retrouve des représentants des pétrolières, des chambres de commerce, de certaines MRC, de municipalités et de groupes environnementaux. Le gouvernement Harper, à qui appartient la décision d’autoriser ou non le projet d’Enbridge, devrait normalement donner le feu vert au début de 2014.

Avec Jessica Nadeau


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