Bas-Saint-Laurent - Un port pétrolier pour le brut albertain

Le projet de TransCanada à Cacouna constitue une menace pour les bélugas

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Il va falloir nous expliquer comment ce projet va contribuer à la réduction du réchauffement climatique et de l'émission des GES

En plus de construire un oléoduc qui fera couler chaque jour 1,1 million de barils de pétrole albertain vers le Québec, TransCanada compte implanter un port à Cacouna, dans le Bas-Saint-Laurent, pour exporter du brut à bord de pétroliers. Ce projet sera construit en plein cœur de la pouponnière des bélugas du Saint-Laurent et près du seul parc marin du Québec, a appris Le Devoir.
La compagnie pétrolière albertaine a déjà annoncé son intention de construire un oléoduc qui permettra de transporter le pétrole de l’Ouest canadien jusqu’au Nouveau-Brunswick, tout en fournissant de l’or noir aux deux raffineries du Québec. Mais l’entreprise prévoit aussi de charger du pétrole en vue de l’exporter. Le Québec doit ainsi devenir une plaque tournante pour la commercialisation internationale de l’énergie fossile albertaine.
TransCanada avait évoqué la possibilité d’implanter ce nouveau port dans le secteur de Lévis, mais le conseil municipal a clairement indiqué son refus d’accueillir d’une telle infrastructure. L’accueil semble être meilleur du côté de Cacouna, où l’on pense déjà aux retombées économiques, toujours inconnues, d’un tel projet.
Qui plus est, le secteur portuaire de Cacouna se situe en eaux profondes. Ce genre de milieu marin est tout indiqué pour construire une nouvelle desserte — à quelques centaines de mètres du rivage — où pourraient venir s’amarrer des pétroliers géants de type post-Panamax.
Écosystème fragile
La zone maritime de Cacouna, située dans l’estuaire du Saint-Laurent, constitue cependant un écosystème particulièrement fragile. Un projet de zone de protection maritime (ZPM) est d’ailleurs présentement à l’étude, afin de bonifier l’aire protégée de la région. Du côté de la rive nord du Saint-Laurent, on compte déjà le Parc marin du Saguenay–Saint-Laurent.
La création d’une éventuelle ZPM est en partie motivée par le fait que ces eaux constituent un habitat « particulièrement critique » pour la population de bélugas du Saint-Laurent, explique Robert Michaud, président du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins. C’est en effet précisément dans le secteur de Cacouna que les femelles viennent mettre bas et que les jeunes bélugas passent les premières semaines de leur vie, en compagnie de leur mère. Elles arrivent généralement dès le mois de mai. La période des naissances débute en juin, et les femelles demeurent dans la zone jusqu’en octobre.
Il ne fait donc aucun doute, selon M. Michaud, que le projet de port de TransCanada présente un risque majeur pour cette espèce. Il évoque même des effets « désastreux » pour la population. « La construction comme telle comporte plusieurs impacts. Ce sont des chantiers qui se prolongent sur de longues périodes. Ils nécessitent beaucoup de circulation maritime. Chaque passage est une source de dérangement dans un secteur qui est habituellement assez tranquille. »
Les travaux de recherche déjà menés sur le béluga ont en effet démontré que le bruit provoqué par la circulation maritime, mais aussi des travaux de martelage des pilotis, de dynamitage ou encore de forage, affectent sérieusement ces animaux.
« Ce qu’on craint, c’est que ce type d’activité intense et prolongée affecte la partie la plus sensible de la population, c’est-à-dire les femelles avec leurs jeunes. Et tout cela dans un contexte où la population est en déclin. » L’espèce, déjà « menacée », risque en fait d’être classée « en voie de disparition » d’ici quelques mois. Les scientifiques ont en effet découvert récemment que la population avait connu une chute abrupte de 12 % en à peine une décennie. Au mieux, environ 880 bélugas nagent aujourd’hui dans le Saint-Laurent. Et les mortalités de jeunes sont plus importantes que jamais.
Dans ce contexte, Robert Michaud lance un appel à la prudence, d’autant plus que la « grande fragilité » de l’estuaire ne fait plus de doute. Après tout, le gouvernement du Québec a déjà décidé d’y interdire toute activité d’exploration pétrolière. Et cette fragilité ne peut que s’accroître, en raison des bouleversements climatiques. « Il faut être de plus en plus prudents par rapport aux impacts que nos activités pourraient avoir sur le milieu marin », avertit le spécialiste du Saint-Laurent.
Après le port méthanier
Ce nouveau projet lié aux énergies fossiles n’est pas sans rappeler celui de port méthanier qui devait justement être implanté à Cacouna. Les navires devaient permettre l’importation de gaz naturel liquéfié. Le gouvernement Charest avait d’ailleurs donné le feu vert au projet en 2007, sans prévoir de mesures pour protéger les bélugas. Le port n’a finalement jamais été construit, en raison du boom du gaz de schiste en Amérique du Nord.
Or, dans le cas du projet pour méthaniers, Pêches et Océans Canada avait plaidé pour une interdiction totale des travaux durant la période de fréquentation du secteur par les bélugas. Une recommandation qui n’a jamais été retenue par Québec ni Ottawa. Même fin de non-recevoir des gouvernements en ce qui a trait aux risques, pourtant identifiés, de collisions de navires avec des mammifères marins.
Robert Michaud a aujourd’hui l’impression de revivre la saga du port méthanier. Sauf que, cette fois, la volonté des pétrolières albertaines est claire : elles veulent trouver des façons de commercialiser la production croissante des sables bitumineux.
Deux projets de pipelines visent déjà le Québec. Tous les principaux partis représentés à l’Assemblée nationale sont en faveur de ces projets. Le gouvernement Marois n’a d’ailleurs pas caché son préjugé favorable envers l’oléoduc de TransCanada, qui souhaite que son futur pipeline soit utilisé pendant des décennies.


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