Religion et école: un sevrage difficile

ECR - le cas du Collège Loyola


En cette veille de Fête nationale, ce n'est ni agréable ni facile à admettre, mais le fait est que nous avons un sérieux problème au Québec avec tout ce qui touche de près ou de loin à la religion, à l'identité et à la langue.
On en a eu un autre exemple frappant avec cette décision controversée dans laquelle la Cour supérieure vient de donner raison à une école privée qui veut adapter le cours Éthique et culture religieuse (ECR) pour le rendre compatible avec ses principes d'enseignement catholique.
Le ministère de l'Éducation permet aux écoles d'offrir une version autre du cours ECR, à condition qu'il soit équivalent. Dans le cas du collège Loyola, école catholique privée pour garçons seulement, le Ministère a refusé la version proposée, d'où le litige devant les tribunaux.
On dira - ce qui est vrai - que la décision du juge Gérard Dugré est d'abord basée sur des motifs administratifs et non religieux. Soit. Mais le résultat est le même. Québec, dit la Cour supérieure, ne peut forcer une école à épouser son modèle de cours ECR.
Si c'est bon pour les catholiques, pourquoi cela ne le serait-il pas pour tous les autres ? Comme l'a dit l'avocat du collège Loyola, Jacques S. Darche, d'autres écoles pourraient aussi exiger une exemption.
Le débat juridique, ici, tourne autour des limites du pouvoir du gouvernement d'imposer ses cours, mais ce débat en cache un autre : celui, aussi fondamental, de la place de la religion dans les écoles au Québec.
On a beau avoir officiellement déconfessionnalisé le système scolaire au Québec (le gouvernement du Parti québécois a même obtenu un amendement constitutionnel pour y arriver), le fait est que l'on n'a pas totalement sorti la religion des écoles.
C'est un peu comme le crucifix de l'Assemblée nationale. Les députés, sous les instructions du président, ne font plus la prière au début des séances - on appelle cela «moment de recueillement» - mais le crucifix surplombe tout de même la grande pièce, tout juste au-dessus de la chaise du président.
Dans son jugement favorable au collège Loyola, le juge Dugré écrit d'ailleurs : «Toute la vie scolaire au sein de Loyola est imprégnée de Dieu, de la foi et de la morale catholique.» Un jugement basé sur le droit administratif, soit, dans ses conclusions du moins, mais les motifs pour y arriver ont de forts relents religieux.
On se retrouve donc aujourd'hui dans la situation absurde suivante : Québec, incapable de se résigner à sortir complètement la religion des écoles, a créé il y a quelques années un cours, Éthique et culture religieuse, une espèce de compromis, un fourre-tout gentil, empreint de rectitude politique. C'est ce compromis, maintenant, qui est attaqué en cour.
N'aurait-il pas été plus simple, alors, de couper le cordon franchement ? De sortir la religion carrément des écoles, puisque l'on veut maintenant des écoles linguistiques et non confessionnelles au Québec ?
Plus simple et probablement plus efficace aussi puisque cela aurait permis de dégager du temps d'enseignement pour le français, les langues ou l'éducation physique, trois disciplines auxquelles on devrait consacrer plus de temps et de sérieux.
Rien n'empêche par ailleurs les écoles privées d'offrir des cours de religion.
Rien ne dit toutefois, dans la charte ou dans la Constitution et encore moins dans le gros bon sens, que l'État doit financer les écoles confessionnelles, surtout que ce même État a pris des mesures extraordinaires pour déconfessionnaliser son système d'éducation.
Le vrai débat est plutôt là, mais Québec ne veut absolument pas s'aventurer dans ce champ miné. Il y sera peut-être amené de force, cependant, au gré des contestations de ses cours devant les tribunaux.
Québec, avec son cours ECR, essaye de ménager la chèvre et le chou. On voit toutefois que cette solution bancale peut se retourner contre le gouvernement.
Un jour, le Québec devra peut-être imiter l'Ontario, qui ne subventionne pas les écoles confessionnelles (autres que les écoles «séparées» reconnues historiquement).
Pour le moment, toutefois, en matière de religion à l'école, l'État québécois se comporte comme bien de ses citoyens : officiellement divorcés de l'Église catholique depuis quelques décennies, ils n'arrivent pas tout à fait à se résigner à ne pas faire baptiser le petit dernier.


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