Copié sur facebook, envoyé par André Vincent, 6 mai 2012
Témoignage authentique d'un étudiant prenant part à la manif d'hier, 5 mai 2012, à
Victoriaville:
"J'étais responsable d'un des autobus partant de Montréal.
Avec moi, 35 étudiants et étudiantes. Mon rôle était donc de m'assurer que
tous ces étudiantEs reviennent à Montréal sain et sauf. Je leur ai tous
parlé de leurs droits face à la police, de comment réagir face à une
arrestation, des questions auxquelles ils et elles ont l'obligation de
répondre ainsi que des avocats dont ils et elles peuvent contacter. Je leur
ai tous et toutes averti que la SQ a différentes tactiques que le SPVM. Que
le gaz lacrymogène risque d'être fortement utilisé à Victoriaville,
contrairement à Montréal où l'utilisation de ce gaz est interdite. Leur
expliquer les premiers soins en manifestation, en passant du Maalox au jus
de citron, des meilleures façons à réagir devant des gaz lacrymogènes, du
poivre de Cayenne, des gaz irritants. De s’assurer de se changer de linge
en partant de la manifestation, pour enlever toutes traces de produits
chimiques, ou même de peinture marquante envoyée par la police, parfois
invisible à l’œil nu. C’est la routine du manifestant et de la manifestante
typique. Nous étions tous stresséEs, sachant qu'à n'importe quel moment,
l'autobus pourrait se faire intercepter par la police, ou même fouiller en
entier. On ne se sent jamais en sécurité des forces de l'ordre, alors qu'on
tente seulement de défendre nos droits...
Enfin, bref. Une fois à
Victoriaville, la ville était morte. Sous état de siège. Les rues barrées,
les commerces fermés, les fenêtres fortifiées, les poubelles, les cendriers
publics et les pots de fleurs cachés loin de tous et toutes. Nous,
syndicats, associations étudiantes, citoyens et citoyennes, prenons enfin
la route vers l'hôtel Victorin.
Devant l'hôtel, tout semblait préparé par
la SQ pour que ça pète. Des clôtures minuscules facilement déplaçables, des
palettes de briques dédiées à quelconque rénovation, et sachant que le
stationnement à côté de l'hôtel est encore sous construction, donc contient
une quantité phénoménale de roches et de pavé. Pourquoi le service de
police a-t-il recommandé de cacher tous les pots de fleurs alors que
directement à proximité de l'hôtel, des tonnes de briques sont visibles ?
Une fois devant le lieu de la rencontre du PLQ, les manifestants et
manifestantes entourent tranquillement la clôture.
Bien vite, cette
barrière tombe, ce n'était pas en restant tranquille et obéissantE que le
congrès allait être perturbé. CitoyenNEs, personnes âgées et étudiantEs se
retrouvent à mes côtés, de l'autre côté de ce ''périmètre de sécurité''.
Étonnamment, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues immédiatement,
nous laissant perplexe quant à la légalité de notre geste. Dès lors, les
agents de sécurité disparaissent pour laisser place à l'anti-émeute. Par
dizaine, marchant au pas. Chacun équipé d'une matraque beaucoup plus longue
et imposante que celles du SPVM et déjà équipé de masques à gaz. Mis-à-part
la clôture franchie, un geste totalement passif et symbolique, à mon avis,
aucun signe de violence de la part des protestataires.
Tout à coup, une
fumée s’élève d’un peu partout. La SQ se met à lancer des quantités
phénoménales de gaz lacrymogène dans la foule. Des manifestantEs se mettent
à lancer certains projectiles en réponse à cette attaque gratuite. Yeux
irrités, respiration coupée, certains de mes camarades vomissent sous leurs
toux excessives. C’est dans ce genre de moment qu’on reconnaît la
solidarité d’un peuple. L’entraide entre manifestantEs. Des jeunes aidant
des personnes âgées à s’éloigner des gaz, leur expliquant comment gérer
cette situation. Étudiants soulageant les yeux des victimes d’un côté, un
groupe transporte un camarade gravement incommodé d’un autre… On se rince
la bouche pour éviter d’avaler davantage de ce produit répugnant, on
cherche des yeux nos amiEs proches pour s’assurer de leur état. À ce
moment, une majorité de gens se trouve derrière une résidence à proximité.
Des slogans se font entendre discrètement, mais demeurent toutefois très
confus, les gens ne sachant plus ou moins où donner la tête à travers ce
champ de bataille.
Je lève les yeux; un hélicoptère à moins de trente
mètres. Un vrombissement incroyable vient atténuer les sons des cannes de
gaz lacrymogènes qui explosent tout près. À ma gauche, affrontements entre
policiers et manifestantEs. Devant moi, arrêt cardiaque, on tente de le
réanimer. À ma droite, un étudiant s’effondre, la figure en sang. L’oreille
est éclatée. Pendant qu’une équipe d’étudiantEs en soins infirmiers
accourent, je fais de mon mieux en éloignant les curieux de la scène, afin
de laisser de la place à l’intervention des ambulanciers. L’ambulance
tarde, l’anti-émeute bloque l’arrivée de celle-ci. C’est la panique,
personne ne connaît l’état de ce camarade, mais une chose est certaine, il
faut faire vite. Une voiture de police s’approche pour apporter une aide,
les gens se tassent pour laisser le chemin.
Les polices jasent avec les
manifestantEs qui leur crient de faire vite pour sauver cet étudiant. La
seule réponse obtenue est la fuite de cette voiture de police pendant que
le jeune homme était toujours inconscient, au sol. Je me rapproche de la
scène de premiers soins, continuant d’éloigner les curieux. Alors, comme
par surprise, l’anti-émeute a repoussé les manifestantEs jusqu’à deux
mètres du jeune blessé. On accourt tous pour faire une chaîne humaine entre
les gaz lacrymogènes, le poivre de Cayenne ainsi que l’équipe médicale qui
s’affaire au plus vite de déplacer la victime. On avait beau crier : ‘’ IL
Y A UN BLESSÉ!’’, on se faisait répondre par une insensibilité hors du
commun.
Les larmes me montent aux yeux. Pour une fois, ce n’est pas à cause du
lacrymo. C’est de voir toute cette répression que nous subissons, c’est de
voir ce régime de peur et l’état policier dans lequel nous vivons. C’est de
constater, encore une fois, l’injustice, et le désir du gouvernement de
nous voir se taire. Un cri. Un cri libérateur. Un cri signe de toute ma
détresse s’échappe de mes entrailles. J’en peux plus. On recule sous la
force policière. Un policier tente d’arrêter au hasard un jeune homme, une
dizaine de manifestantEs courent à son secours pour le libérer. Je vois à
ma droite le blessé à l’oreille embarquer dans l’ambulance. Je me dirige,
le cœur gros, vers le rassemblement des gens.
Tranquillement, les manifestantEs réussissent à avancer vers l’hôtel. Ils
s’aperçoivent que la porte est barrée, ils rebroussent chemin à toute
vitesse sous la menace de la matraque. Le champ de bataille se déplace vers
le stationnement de terre et de pavés. Sous la colère des manifestantEs,
des roches sont lancées en direction des polices. Un geste désespéré pour
exprimer la rage de certainEs. Après une dizaine de minutes, la SQ commence
à sortir les fusils à pression servant à tirer des balles en caoutchouc. Je
transporte une étudiante atteinte à la cheville vers une portion de gazon
un peu en retrait. Une agente médicale étudiante arrive à toute vitesse
pour lui inspecter la blessure en sang : ‘’Tu auras besoin de points de
suture ma belle. Tu as six heures pour te rendre à la clinique avant que le
pansement ne soit plus efficace’’. L’anti-émeute réussie à avancer un peu.
Une scène de chaos arrive alors, tout est floue dans ma tête. Tout ce que
je vois, c’est une silhouette qui s’effondre. Je me tourne. Je le
reconnais. Au sol, mon ami, la figure en sang, l’œil exorbité. Les cris de
mes amiEs, mes larmes au visage. Je crie aux gens de s’éloigner, de lui
laisser de l’air. Je me tourne vers l’anti-émeute, tenter en vain de le
protéger de violence supplémentaire de la part de ces ‘’agents de la
paix’’. Je hurle aux anti-émeutes ma rage.
À ce moment, ils n’étaient plus
rien, de vulgaires pions de l’état. Je me sens impuissant. Tout se passe si
vite. Une amie me prend par le bras pour que je m’éloigne. Je marche, sous
la pluie, vers le point de départ. Je pleure, je ne peux avancer plus de
vingt mètres sans m’accroupir en petit bonhomme au milieu de la rue. Mon
corps ne suit plus ma pensée. On n’est pas dans un film, on n’est pas dans
le monde arabe. On est au fucking Québec.
Je croise une professeure, celle-ci me parle de la dentition éclatée de la
jeune fille qu’elle a aidée, atteinte d’une balle de caoutchouc. Plus loin,
un ami de soins infirmiers me raconte la rotule éclatée d’un autre garçon.
J’arrive finalement à l’autobus de départ. Nous sommes tous à terre.
Dans l’autobus, nos vêtements continuent de dégager du gaz. Tout le monde
tousse, tout le monde mouche. L’atmosphère est lourde. Étant responsable de
l’autobus, j’ai été averti bien rapidement des blocus policiers sur les
autoroutes, des autobus de McGill, Concordia et Montmorency arrêtés
arbitrairement sur l’autoroute en direction de Montréal. Nous sommes tous
sur le qui-vive, avec tous les gyrophares de police qui s’allument sur la
route 20. Des haltes routières remplies d’une trentaine de voiture de
patrouille me glacent le sang. L’autobus est plein d’étudiants et
d’étudiantes déjà fichéEs par la police, qui se ferait une joie immense de
pouvoir les arrêter pour aucune excuse. Beaucoup d’entre nous n’avons
plus le choix de se masquer en manifestations, à cause des photos prises
par les policiers. Certains d’entre nous sont sur écoute téléphonique et se
font suivre jusqu’à leur domicile.
Depuis le début de la grève étudiante,
plus de 1100 arrestations ont été faites. La majorité arbitraire, pour
entrave à la circulation routière, ou bien pour rassemblement illégal. Une
bonne partie des étudiantEs présentEs dans l’autobus risquait une récidive
si jamais l’autobus se faisait intercepter par la sécurité routière.
Heureusement, nous sommes tous rentrés à bon port. Après une semaine
énormément émouvante, une journée particulièrement difficile, il est
inconcevable de contenir notre haine envers le système actuel. On se couche
de plus en plus convaincu que la tentative du gouvernement de nous diviser
n’aura que pour seul effet de nous unir davantage."
Marie-Pierre Bouchard
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Régime de peur et État policier
Devant l'hôtel, tout semblait préparé par la SQ pour que ça pète
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
8 mai 2012Bien que l'ultime responsable de tout ce chaos social soit biensûr le Premier Ministre. Il faut maintenant faire appel au GROS BON SENS de tous les citoyens du Québec, à commencer par nos POLICIERS. Nous savons et comprenons tous que les Policiers répondent à des ordres, mais les Policiers sont aussi des citoyens, des pères de famille et ils font partie du peuple. C'est à eux maintenant de dire NON. Ils sont utilisés par le politique pour servir un PARTI LIBÉRAL malade. Ils doivent dire NON à la violence contre le peuple. Ils doivent penser qu'àprès le départ de ceux qui les exploitent pour exprimer une dominance sur le peuple, eux LA POLICE, seront toujours là. Le peuple aussi. Et toute une génération aura en mémoire cette partie de notre histoire d'une laideur sans nom. Les policiers sont là pour défendre la population et non pour devenir le bras armé d'un parti ou d'un gouvernement.
Sinon, à ce moment là ils acceptent de devenir une «police politique». Et là nous sombrons dans une dictature. Alors c'est à tous les citoyens de dire non à la dictature. À tous les citoyens. Les travailleurs, les étudiants, les rouges et les verts, leurs parents, les POLICIERS, les juges, les syndicats, les directeurs de CEGEP, les Recteurs, l'opposition politique, c'est à nous tous. Les policiers, chacun individuellement, en tant que citoyen doivent comprendre que la VIOLENCE avec laquelle ils ont réprimé la manifestation de VICTORIA-VILLE, qu'elle soit mise en scéne par Charest ou impromptue, EST INACCEPTABLE
Serge Jean Répondre
8 mai 2012Jean Charest est un minable criminel.
Honte à tous ceux qui lui obéissent pour commettre l'irréparable contre le peuple. Le pardon ne viendra jamais!
Archives de Vigile Répondre
8 mai 2012Il faut absolument que nos élus dénoncent cette façon
de faire dans un état supposément démocratique.Nous sommes
rendus bien bas avec ce gouvernement qui n'a plus
aucune légitimité.