RÉPLIQUE À DENIS ST-MARTIN

Qui est hypocrite?

Les souverainistes doivent s’affranchir de cette mauvaise conscience qui les incite à « laver plus blanc que blanc », ils doivent s’épargner le piège de la surenchère lessivante, si tant est qu’ils espèrent mener à bien, un jour, le projet qui leur tient à cœur.

Tribune libre

Dans sa contribution au Devoir de vendredi passé (11 février), le professeur Denis St-Martin s’en prend ouvertement à la motion contre le port du kirpan à l’Assemblée nationale. Résumons : la prise de position du Parti Québécois dans ce dossier relèverait selon St-Martin de l’hypocrisie politique dans la mesure où le PQ se devrait, en matière de droits des minorités, « laver plus blanc que blanc ». Selon lui, le discours péquiste relèverait du populisme, lui qui fut pourtant traditionnellement de « centre-gauche » censé « défendre les plus faibles contre les plus forts ». St-Martin plaide donc pour un souverainisme politiquement correct affranchi des « démons du nationalisme ethnique », lequel serait le seul souverainisme moralement acceptable.
Or, il n’est pas particulièrement surprenant de voir un fédéraliste avoué plaider pour une telle conception du souverainisme. En ce sens, le souverainisme hygiénique dont St-Martin s’affaire à chanter les vertus contient en son sein même les conditions de sa propre neutralisation politique. En célébrant incessamment la diversité et l’affirmation du minoritaire, un tel souverainisme ne peut que s’aliéner la composante majoritaire, laquelle constitue pourtant sa base électorale traditionnelle, tout autant que le groupe qui se sent le plus interpellé par le projet indépendantiste.
Les contemplateurs d’un souverainisme lessivé semblent vouloir inculquer à la composante historique majoritaire une forme de mauvaise conscience, à l’endroit de laquelle la pleine assomption d’elle-même ne peut qu’être discriminatoire, portant nécessairement atteinte aux identités minoritaires. La majorité historique, dans sa souscription aux exigences supérieures en termes de droit du minoritaire que comportent les « démocraties avancées », est appelée à se recomposer dans un schéma social au sein duquel elle constituerait un collectif parmi tant d’autres dans un Québec multiculturalisé. Cette dernière est donc invitée à pratiquer une forme de repentance à l’endroit du fait qu’elle incarnerait une sorte d’oppression existentielle à l’endroit du minoritaire.
C’est vite oublier, une fois de plus, qu’un Québec ainsi multiculturalisé et consenti comme tel par une « avant-garde » souverainiste, « éclairée et cosmopolite », condamne en fait la nation dont elle promeut l’indépendance à une relative indifférenciation d’avec le reste de la fédération canadienne. Qu'y aurait-il de si différent entre deux sociétés idéologiquement multiculturalisées dans lesquelles la langue serait réduite à sa seule composante utilitaire, vidée de son substrat culturel?
Les souverainistes doivent s’affranchir de cette mauvaise conscience qui les incite à « laver plus blanc que blanc », ils doivent s’épargner le piège de la surenchère lessivante, si tant est qu’ils espèrent mener à bien, un jour, le projet qui leur tient à cœur.
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L’hypocrisie suprême, me semble-t-il, n’est pas celle des souverainistes lucides qui ont tiré les leçons qui s’imposent de l’épisode déplorable de 2007, consécration de l’échec d’un souverainisme dénationalisé. Elle réside bien plus dans le discours des fédéralistes qui disent voir dans un Québec en cours de multiculturalisation les seules conditions de son émancipation future.
Au contraire, il me semble que les souverainistes qui assumeront véritablement le virage identitaire du Parti Québécois au-delà de sa simple dimension discursive jamais n’ont avancé si résolument décomplexés depuis la traversée du désert que fut l’épisode post-référendaire.
Pour ma part, je ne peux que saluer un tel geste et espérer qu’il sera de ceux qui annonceront le retour d’un souverainisme décomplexé, pleinement en mesure d’assumer sa subjectivité propre.


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