Une polémique entretenue sur Presse-toi à gauche

Quel est le problème ?

La réplique du PCQ

Tribune libre

Il s’agit de trancher à partir de quand nous abandonnons les intérêts populaires. Et notre projet essentiel, le socialisme. À mon avis, c’est quand on repousse à l’infini les occasions de les défendre tous les deux sur toutes les tribunes offertes. Et un manque d’assurance dans ses propres capacités d’y arriver peut amener un tel renoncement.
Donc, encore une fois sur les alliances !
L’histoire des régimes politiques en Amérique du Nord regorge de concessions accordées à la population travailleuse au fil des ans. La progression des droits des Noirs aux USA en est un bon exemple. Ne sommes nous pas nous-mêmes ces « Nègres blancs d’Amérique » à qui on a refusé longtemps l’élargissement des droits ? Mais il s’est présenté un parti de pouvoir prêt à persuader la bourgeoisie québécoise que des concessions étaient inéluctables. On ne peut donc pas balayer du revers de la main tous les progrès acquis par ceux-là mêmes qui se présentaient au pouvoir avec ces compromis annoncés pour y arriver.
La logique est simple. Et nous n’avons nullement à nier notre identité de gauche.
Et je répète l’exemple depuis des années sans que l’on ne m’objecte quels qu’arguments sérieux que ce soit. Encore là, il vaudrait mieux réfuter cette logique plutôt que de la censurer ou la balayer sous le tapis comme si elle n’existait pas.
Il y a eu cette époque où bien des leaders politiques des forces populaires, des syndicalistes en particulier, se demandaient ce qu’il y avait eu de victoires pour les subalternes au Québec et dans le monde au cours des dernières années. Je me souviens particulièrement d’une conférence au CEGEP de Limoilou où Louis Roy (actuel président de la CSN) était présent au côté de Serge Roy (ex-président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, candidat de Québec solidaire dans Taschereau) et de Patrick Rondeau (FTQ), où ce climat semblait perdurer. Combien de victoires et lesquelles ?
J’y ai donné l’exemple des garderies comme un acquis majeur de société. Les femmes, et tout le Québec avec elles, y ont gagné un outil pour améliorer le sort de leurs enfants tout en se donnant les moyens pratiques de s’imposer sur le marché du travail avec une garantie de plus pour leur indépendance financière. Même Mario Dumont admet que « personne ne peut s’attaquer au réseau des CPE ». La droite y perdrait ses appuis même les plus enracinés chez les femmes et leurs alliés masculins.
Personne dans le processus de création des services de gardes n’a attendu une prétendue « indépendance politique » des femmes pour en soutenir l’aspect progressiste. C’est même au cœur de cette lutte que l’indépendance s’est manifestée puis accrue. Hors ce réseau des services de garde, on le doit en partie au PQ parce que, réformiste, ce parti s’est donné la responsabilité politique d’expliquer, autant au public conservateur qu’aux institutions de la bourgeoisie, que le Québec avait les moyens de cet acquis de société et qu’il était mûr pour en faire une des institution nationale dont nous avons raison d’être les plus fiers. Même l’ADQ a dû contourner l’obstacle en promettant un 100.00 $ aux femmes qui restaient à la maison sans s’attaquer au « monstre bureaucratique » qui concilie travail des femmes et service public. Il n’y a pas pire scandale, pour ces droitiers, que d’y voir un résultat des efforts populaires en vue d’une autre contribution à l’émancipation des femmes québécoises.
Ainsi, les femmes salariées ont été une force de progrès qui, combinée à une offre de concession démocratique de la part d’une institution bourgeoise comme le PQ, ont vu un vieux rêve socialiste se réaliser. C’est ce qu’on pourrait appeler, selon l’expression d’un philosophe de l’histoire italien, Domenico Losurdo, « un conditionnement réciproque » entre la gauche et la droite. Cela exige cependant un pôle de gauche à l’offensive ayant confiance dans sa cause et dans son propre programme.
Quelle autre concession majeure ce secteur politique de la bourgeoisie québécoise s’avère-t-il prêt à faire malgré certains tâtonnements ? L’indépendance elle-même !
Dans la large alliance qu’a été le PQ, on semble oublier un de ses maillon le plus solide, le RIN de Bourgeault. Ce tribun populaire s’adressait aux ouvriers, facilement et dans un langage qui les touchait, sans le faire de l’intérieur d’un syndicat, rappelons-le, et les gagnait à soutenir l’indépendance de leur nation. Quand on parle d’alliance, pour nous communistes, rappelons aussi qu’il n’est pas question de fusion.
Nous accordons une telle importance à l’indépendance politique, la nôtre comme celle des autres, que nous demeurons un parti légalement constitué en collectif reconnu à l’intérieur de Québec solidaire. Je donne l’exemple du RIN parce que plusieurs militants actuels de Québec solidaire en ont été et constitueront sans doute les plus résolus de nos membres, éduqués par Bourgeault aux luttes anticoloniales ou anti-impérialistes de leur époque. Plusieurs d’entre eux ont retrouvé dans Québec solidaire les élans premiers des années 60.
Plusieurs revendications du mouvement ouvrier ont conduit à des réformes en sécurité-santé, par exemple, ou aux lois anti-briseurs de grève que le ROC nous envie. Ce sont de l’intérieur du PQ que des syndicalistes ont porté ces revendications. Interpréter les concessions du pouvoir autrement que comme des victoires revient à n’admettre pour les syndicats qu’un rôle de subalterne permanent du pouvoir, mais aussi à les consacrer comme éternellement impuissants devant ce pouvoir bourgeois. Pourtant, grâce à une indépendance réelle, active et en refusant de baisser les bras, le mouvement syndical lui-même a imposé plusieurs reculs à Québec. Ce qui scandalise au plus haut point les forces de la droite qui n’ont de cesse de dénoncer l’extraordinaire puissance de « ces appareils bureaucratiques » de « l’immobilisme québécois ».
Comment peut-on renoncer aussi facilement à la pertinence de Québec solidaire dans le nouveau processus de construction d’une gauche politique indépendantiste si on la soumet, en partant ou théoriquement, à une éventuelle capacité du PQ de se servir de nous ? La réalité est tout autre. Nous sommes déjà devenus une force politique nationale incontournable ! C’est peut-être encore l’occasion de voir percer chez les progressistes du PQ d’éventuelles et nouvelles concessions à imposer au pouvoir consolidé du patronat par les Libéraux et les Caquistes. Jouer sur les contradictions de nos adversaires néolibéraux n’a rien de répréhensible, à moins qu’on y décèle un piège que nous ne serions pas capables d’éviter à cause même de nos nouvelles compétences acquises au combat politique de gauche.
La présence d’Amir à l’Assemblée nationale a décuplé l’incidence de la gauche de l’intérieur même des institutions bourgeoises. Jamais Michel Chartrand, anarcho-syndicaliste et tribun respecté des Québécois, n’a vu porter aussi haut et aussi fort un discours anticapitaliste que celui d’Amir en Chambre. Au point où, affichant leur volonté d’endiguer notre influence, la droite et l’extrême-droite se déchaînent contre ses argumentaires et s’engagent à « le montrer sous son vrai jour » pour le discréditer. Ce qui ne sera pas une mince tâche vu la personnalité d’Amir.
Ce n’est pas en se crispant sur des attitudes antérieures, dépassées à cause d’une conjoncture favorable à la gauche, que se construira Québec solidaire. Tout au contraire, il ne faut pas craindre l’audace et l’originalité de stratégies qui feront avancer les éléments de notre programme au cœur du parlement. Et si le PQ est prêt à collaborer à ces objectifs, en nous aidant à faire élire le plus de « députés indépendantistes » possible, pourquoi rejeter comme rétrograde cette offre de concessions au mouvement populaire. A-t-on vraiment confiance que Québec solidaire représente au mieux ses intérêts ?
Si nous avons consciemment et démocratiquement mis à jour nos politiques en lien avec elle, la population les soutiendra et fera la différence entre nos talents pour les imposer au pouvoir, grâce à des stratégies ayant passé les épreuves de l’histoire, et cette « collaboration odieuse » que l’on prête à ceux qui veulent travailler avec le PQ pour conduire à cette indépendance qui mènera à un second départ de toute l’histoire progressiste du Québec.
Finalement, dans ce texte polémique sur Presse-toi à gauche, on donne l’exemple du Front populaire en France pour démontrer le cul-de-sac d’éventuelles alliances. Tout ce à quoi on arrive cependant, en évoquant ce mouvement historique étranger, c’est de montrer la différence de conception dans les tentatives d’alliances. Les unes appartenant à la tradition trotskiste (ou marxiste révolutionnaire) et les autres à celles des communistes. On identifie volontiers à un échec le Front populaire sans tenir compte du mois de vacance, et de bien d’autres acquis, qui en ont résulté pour les Français. Une victoire indéniable et bien sentie que la bourgeoisie française n’arriverait pas à remettre en cause facilement. Pour le parallèle, imaginez la présence d’un contingent majoritaire de députés indépendantistes à l’Assemblée nationale. Cette victoire obtenue grâce à notre patient travail de gauche, associé à une intelligence stratégique, signifierait des progrès sans conteste pour Québec solidaire et toute la nation. Elle obligerait le PQ à revoir la manière dont il a présenté dans le passé le processus d’accession à l’indépendance démocratiquement acquise. Charest en serait catastrophé. Il n’y verrait plus qu’un encerclement de « radicaux » dont il craint la venue à l’Assemblée. Peut-être arriverions même à l’exclure du pouvoir pour quelques années. Il y aurait tout lieu de parler alors de ce printemps québécois fleurissant en Chambre et faisant un pied de nez aux stratégies libérales.
Nous, communistes, associons le processus d’indépendance du Québec à un progrès dans le sens des valeurs socialistes du droit à l’autodétermination des nations. Les ouvriers québécois les ont acquises au fil de leur évolution politique comme classe révolutionnaire.
Et nous pensons que le meilleur exemple de ce type de progrès a été conquis par les femmes et leurs alliés autour du réseau des garderies.
Et la lutte continue pour le raffiner comme en fait foi la grève des éducatrices.


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    11 février 2012

    Je suis très heureuse de la présence de la gauche sur la scène politique, car il y avait un vide criant à combler. On ne peut que se réjouir de l'élection du député Khadir, qui apporte un point de vue rafraîchissant, mais qui correspond surtout à la volonté populaire, par exemple dans le dossier des ressources naturelles. Il reflète bien l'inquiétude des Québécois en cette matière, et sa demande de moratoire donne un écho à cette inquiétude. Je trouve qu'il se démarque particulièrement bien à plusieurs égards.
    Le seul reproche que je fais à QS et ses alliés, c'est le peu de préoccupation à l'endroit de la question identitaire. De ce côté, on ne peut dire que cette gauche représente la volonté populaire. Elle se retranche derrière des concepts canadiens qui ne correspondent pas aux valeurs québécoises. Un bémol à cela, leur récente conversion sur la question linguistique. Je ne peux qu'applaudir à cela. Mais on ne sait pas réellement jusqu'où QS est prête à aller. Il y a tout de même un cheminement, encore timide, qui s'est effectué et que l'on doit saluer.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 février 2012

    Intérêts populaires et socialisme sont deux concepts indépendants. En ce sens que le socialisme se place dans l'angle de celui qui veut aider. Le socialiste PENSE répondre aux intérêts populaires. Toutefois, le désir et les besoins de l'autre diffèrent radicalement de ce que le socialiste pense être "l'intérêt commun". Le socialiste veut aider le plus démuni selon un schéma ABC. Mais le démuni ayant besoin de DEF n'est pas rejoint forcément par le socialisme. C'est encore pire lorsque le socialiste est un démuni. Ses réflexes de survie altèrent alors sa vision de l'aide dont l'autre a besoin (ie j'ai besoin de manger, pas d'avoir des dents en santé).
    En bref, nous sommes des individus. La responsabilité ultime de notre bonheur nous est propre. Croire qu'un état central ou une compagnie fera notre bonheur par des dogmes quasi religieux comme la main invisible du marché ou le bien commun, est un leurre.

  • Luc Archambault Répondre

    10 février 2012

    @ Pierre Tremblay,
    Le fait qu'une VRAIE et MUTLIPARTITE coalition soit éphémère n'est pas un problème s'il est question de former un gouvernement UNION NATIONALE qui s'occupe de combler le vide d'État démocratique actuel. C'est un problème s'il est seulement question de gouvernance de l'État qui s'abstient de combler ce vide.
    Combler le faux-plein démocratique qui nous afflige se règle en moins de 18 mois. On appelle le peuple à INVALIDER l'État dont il ne veut pas et on l'APPELLE à VALIDER un État qui le satisfait. Après avoir USER de ses PLEINS DROITS et POUVOIRS DÉMOCRTIQUES, et fait s'effondrer sur NOTRE sol et sous-sol national du Québec la DICTATURE d'OCCUPATION après 253 ans de lutte de LIBÉRATION, ce peuple ne voudra rien d'autres qu'un État « entièrement dépendant du PEUPLE » pour être enfin « Maître chez lui » dans la République DÉMOCRATIQUE du PEUPLE SOUVERAIN du Québec.
    Ensuite, la coalition n'est plus nécessaire pour gouverner l'État VALIDE ayant remplacé l'État de DICTATURE d'OCCUPATION actuelle.
    La VRAIE et MULTIPARTITE COALITION NATIONALE - Démocratie et Souveraineté du Québec qu'il nous faut former AVANT les prochaines élections à Québec doit l'être non pas tant pour GOUVERNER l'État ILLÉGITIME canadianisateur actuel, mais bien pour l'INVALIDER sur NOTRE sol et sous-sol national du Québec et pour VALIDER un État légitime.
    C'est une question de SALUT DÉMOCRATIQUE NATIONAL
    Si cette VRAIE COALITION se disloque ensuite pour gouverner plus à gauche, au centre ou à droite l'État VALIDE devant succéder à l'État ILLÉGITIME actuel, quel est le problème, en effet ?
    La FAUSSE Coalition SIROIS/Legault va s'effondrer sous le propre poids de la double contradiction DICTATURE vs DÉMOCRATIE, et, GAUCHE vs DROITE.
    L'affrontement n'en est pas un entre FÉDÉRALISME et SOUVERAINETÉ, comme on tente de nous le faire croire, mais bien entre État fédéral canadianisateur démocratiquement ILLÉGITIME et État souverain démocratiquement LÉGITIME. Cela, tant et aussi longtemps que les canadianisateurs seront INCAPABLES d'obtenir le clair OUI de la démocratie électorale et référendaire québécoise, il n'y a pas une telle chose qu'un FÉDÉRALISME DÉMOCRATIQUE.
    La FAUSSE Coalition SIROIS/Legault est un parti, non pas une coalition.
    Pour battre la FAUSSE, il faut constituer une VRAIE et MUTLIPARTITE COALITION NATIONALE - Démocratie et Souveraineté du Québec doté d'UN même PROGRAMME COMMUN d'État DÉMOCRATIQUE.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 février 2012

    Voilà un texte fort éclairant de Guy Roy. Parmi les attaques vicieuses contre Amir, la droite démagogique(Éric Duhaime notamment, mais aussi Richard Martineau) se sert de la présence (pourtant tout à fait légitime en démocratie) des communistes au sein de QS en amalgamant ceux-ci à des tyrans comme Pol Pot ou à des gauchistes sectaires. En les dénigrant et caricaturant de la sorte, ils veulent ainsi éloigner les Québécois des idées communistes, censurer leur point de vue. Il suffit de fréquenter le site du PCQ (www.pcq.qc.ca) pour comprendre le sérieux et l'honnêteté intellectuelle de ce parti, la qualité de ses interventions. Il n'y a pas de raison que le communisme soit un tabou comme le souhaiteraient les Duhaime de ce monde. Les vrais sectaires, ceux qui voudraient empêcher la circulation des idées, ce sont des gens comme Duhaime. Merci, monsieur Roy, d'écrire dans Vigile et de nous faire part du point de vue communiste, point de vue qui nous fait avancer vers l'indépendance et la justice sociale...

  • Archives de Vigile Répondre

    10 février 2012

    Le seul problème c'est que QS divise le vote souverainiste.
    Mais je comprends que le PQ ne peut pour toujours créer une coalition de gauche et droite pour l'indépendance. Lorsqu'ils étaient au pouvoir ils n'ont rien fait, ils ont échoué.
    Ëtre un parti d'Union nationale soit au centre n'est pas une position facile.
    Le PQ paie un peu pour cela. Une coalition a une durée limitée.
    C'est le problème. Même la CAQ ne durera pas longtemps car garder unis des éléments de gauche et de droite n'est pas aisé.