Quel cynisme ?

Corruption libérale - le PLQ en perte de légitimité - cynisme politique croissant

Le dossier de La Presse consacré au cynisme politique a le grand mérite de chercher à comprendre un profond malaise qui traverse notre société. C’est un fait, le lien est rompu entre la classe politique et la population. Mais l’explication par le cynisme n’est pas la bonne. Elle consiste à prendre la conséquence pour la cause. Plutôt que de cynisme, il faut parler d’un sentiment d’impuissance politique généré par une crise de la démocratie associée à l’avènement de nouveaux pouvoirs qui entrent en contradiction avec elle.
La première dimension de cette crise est celle de la représentation. Depuis une vingtaine d’années, on a assisté à l’émergence de la « société civile », qui permet à une collection de groupes militants et de lobbies de gagner un pouvoir démesuré sur le débat public. Il n’y a plus de peuple, seulement des intérêts catégoriels. Ces groupes, qui ne représentent souvent qu’eux-mêmes et n’existent que par leur mise en scène médiatique, exaspèrent le sentiment populaire qui est le seul à ne pas disposer d’expression publique. La conséquence de cette survalorisation de la société civile se laisse deviner : la société perd de son unité au profit d’un corporatisme qui se place en contradiction avec toute référence au bien commun.
La deuxième dimension de cette crise est celle de la bureaucratisation de la société avec l’hégémonie d’une certaine technocratie qui prétend monopoliser la décision politique au nom d’une soi-disant expertise dont elle serait dépositaire. Le sens commun est sacrifié et les bureaucrates en viennent ainsi à s’immiscer dans toutes les dimensions de la société pour la reconstruire selon les méthodes de l’ingénierie sociale, ce qui entraîne souvent une forme de délire thérapeutique.
La troisième dimension de la crise est celle de la judiciarisation du politique. La sacralisation des Chartes de droits favorise une neutralisation du débat public, dans la mesure où toutes les revendications, même les plus loufoques, se présentent dans le langage des droits fondamentaux. Ainsi, ce sont des questions fondamentales qui sont expulsées de la délibération publique, par crainte d’un peuple immature risquant de verser dans le « populisme ».
Ces pouvoirs post-démocratiques favorisent le déploiement d’une nouvelle idéologie dominante où se conjuguent multiculturalisme victimaire, individualisme libertaire, religion des « droits humains » et hygiénisme thérapeutique. Sans surprise, toute dissidence avec l’idéologie dominante est présentée comme un dérapage par la rectitude politique. Le problème se trouve évidemment dans le fait qu’une majorité de la population se trouve en désaccord avec le consensus progressiste soutenu par les nouveaux pouvoirs.
Ainsi, la dépolitisation de la société québécoise relève moins du cynisme que d’un désaveu manifeste de la population envers un système politique qui se reconstruit contre elle. Lorsque le débat public technicise à outrance les problèmes politiques, se vide de toute question existentielle et n’entretient plus qu’un rapport fictif avec la souveraineté populaire, on ne doit pas se surprendre du repli vers le domaine privé de la population.
Mais il ne faut pas non plus se laisser berner par cette apathie illusoire : la crise des accommodements raisonnables a confirmé la disponibilité politique de la population lorsqu’une question existentielle est investie dans l’espace public. Un mouvement politique qui déciderait de contester à la fois l’idéologie dominante et les nouveaux pouvoirs trouverait certainement une base populaire significative pour le soutenir. De la réforme scolaire au multiculturalisme à la perte du sens commun, les points de friction ne manquent pas entre le système dominant et la population.
Le problème n’est donc pas de savoir par quelle pédagogie publicitaire ramener le peuple vers le débat public. Il faut plutôt se demander si une certaine partie de notre élite fera alliance avec la majorité silencieuse pour restaurer la démocratie libérale contre les nouveaux pouvoirs qui l’ont neutralisée.


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