Québec : quand la Justice s'en prend aux familles recomposées

Tribune libre

C’est le matin du 30 décembre, en plein temps des fêtes, que je trouvais un courriel de Marie-Claire (nom fictif), une épouse et mère qui m’a communiqué une nouvelle histoire d’horreur mettant en cause l’incurie de notre droit familial québécois. J’aimerais penser que son cas, dont la crédibilité m’a été confirmée par l’Action des nouvelles conjointes et des nouveaux conjoints du Québec (ANCQ), est exceptionnel. Malheureusement, le récit que j’ai lu ce matin-là, pour révoltant qu’il soit, avait des allures de déjà-vu, qui confirmait une fois de plus la dégénérescence de notre système judiciaire.
Depuis des mois, le peuple québécois réclame à juste titre une commission d’enquête sur la construction. S’il était mieux informé, il en demanderait également une sur notre Justice, dont les abus de pouvoir menacent les droits légitimes de plus d’une famille recomposée. Une commission itinérante, présidée par des personnalités extérieures au domaine judiciaire et, cette fois, sans parti pris idéologique (rappelez-vous Bouchard-Taylor), serait sans doute plus judicieuse et permettrait de tâter le pouls de la population sur de multiples dérives. Celles-ci constituent un cancer qui pourrait par ailleurs devenir plus généralisé encore si la Cour suprême rejetait l’appel de Québec sur l’affaire Lola. Une telle rebuffade ouvrirait grand la porte à de nouveaux abus, pour la plus grande prospérité des avocats familialistes.
Violence post-conjugale
Ayant rompu après quinze ans passés à subir la violence d’un mari contrôlant dont elle a eu trois enfants, Marie-Claire croyait enfin les mauvais jours derrière elle quand elle rencontra Jean-Paul (nom fictif), son conjoint actuel, un « homme merveilleux » auquel elle est mariée depuis six ans. C’était sans compter l’ex de son mari, avec qui ce dernier a eu deux filles et, bien sûr, sans l’incurie du droit familial québécois.
Quand Jean-Paul a quitté la mère de ses enfants, celle-ci lui jura qu’elle le « laverait », expression consacrée chez ce type d’ex-conjointe, un fléau de plus en plus répandu, puisque le système québécois favorise leurs desseins les plus sordides. Propriétaire d’un commerce, Madame ne déclare à l’impôt que 20 000 $, alors que la totalité de ses revenus excède 80 000 $. Elle et Jean-Paul ont leurs deux enfants en garde partagée mais, puisque le père gagne 38 000 $ par an, le montant de la pension qu’il paie – vous avez bien lu : qu’il paie – est calculé en fonction des revenus bien sûr déclarés par les deux parents.
Le fait que Madame mène grand train de vie, malgré la faiblesse de ses revenus officiels, n’émeut pas outre mesure les juges, restés stupidement inflexibles. « À six reprises, précise Marie-Claire, tous les documents (démontrant une fraude) ont été envoyés à Revenu Québec et Revenu Canada. Aucun résultat. Le dossier de Madame est confidentiel. Nous, on continue de payer. »
L’homme a par ailleurs adopté les trois enfants de Marie-Claire, qui habitent avec eux à temps plein, en plus de ses deux filles, qui les côtoient à raison d’une semaine sur deux. Une fois l’impôt payé, soit 15 000 $ par an (lui ne fraude pas) et une pension versée de 3 000 $, sans compter les frais de subsistance assumés intégralement par lui pour ses deux filles, il ne reste à Jean-Paul que très peu pour vivre.
Nouvelle conjointe et rejetons de seconde classe
« C’est là que moi je rentre en jeu, m’écrit Marie-Claire. La nouvelle conjointe paie tout : le loyer, l’électricité, les assurances de tout genre, les vêtements de la famille (nous sommes sept, au total), l’essence pour le travail, etc. Qu’est-ce qui lui reste à elle ? Rien. » Je précise que Marie-Claire gagne un revenu net de 22 000 $ par an, pas de quoi pavoiser…
Comme les trois enfants de la nouvelle union ne sont pas considérés dans le calcul de la pension, une réalité aussi répandue qu’aberrante, ces derniers ne comprennent pas que les filles de Jean-Paul mènent grand train de vie quand elles sont avec leur mère, alors qu’eux se voient relégués au rang de rejetons de seconde classe. L’ex, de son côté, se vante de son revenu de plus de 80 000 $ et s’amuse ouvertement de pouvoir malgré cela extorquer une pension à son ex, avec la collaboration pleine et entière de notre système avarié. Il existe sur terre des gens dont les motifs de satisfaction me dépasseront toujours…
Quant à prouver la fraude de Madame, que le juge le plus somnolent pourrait au moins commencer à suspecter, pas évident. Ce qui l’est par contre, ce sont les frais judiciaires d’au bas mot 3000 $ qu’une telle démarche entraînerait, en vue d’un résultat très hypothétique. L’homme n’en a tout simplement pas les moyens et couve une dépression depuis deux ans. Il ne peut cependant arrêter de travailler : les arrérages de pension continueraient à s’accumuler.
« Il y a des fois où je me dis que c’est assez, ajoute Marie-Claire, je devrais partir avec mes trois enfants et ne plus vivre ce foutu calvaire mais je n’en suis pas là encore. Les enfants vont vieillir. Est-ce qu’il y aura une fin ? »
Pas évident là non plus. L’ex vient de conseiller à sa plus vieille de présenter une demande en cour en vue de sa rentrée prochaine au collégial. Digne fille de sa mère, Mademoiselle veut faire financer de longues études et des voyages. La rapacité serait-elle donc héréditaire ? Là aussi, les perspectives d’avenir des enfants de la seconde union ne seront pas pris en compte. En plus d’appauvrir encore davantage les parents, faudra-t-il que la « Justice » hypothèque le futur de leurs trois enfants ? Poser la question, c’est y répondre.
Une « Justice » à l’image des pires ex-conjointes…
Dans ce cas précis, quel si grand bénéfice peuvent bien représenter 3000 $ par an extorqués à un ex, pour une femme qui en gagne plus de 80 000 ? La cupidité explique-t-elle tout, ou la soif de vengeance après avoir été larguée est-elle la plus forte ? Pour une famille de sept personnes, dont le revenu familial net dépasse à peine 40 000 $, soit la moitié de celui l’ex-conjointe, 3000 $ représentent par contre un manque à gagner important.
S’il faut en prime que des frais particuliers pour des études supérieures s’ajoutent, en plus de nouveaux honoraires de cour, le désarroi de ce couple, qui n’a pas les moyens de prouver la fraude de leur prédatrice légale, ne fera que s’accentuer. Si la Justice ne jouait pas autant le jeu d’ex-conjointes retorses et faisait montre d’un minimum d’esprit critique envers les menteuses qui la manipulent impunément, certaines d’entre elles, comme celle dont il est question ici, pourraient se voir dans l’obligation de payer une pension. Trop équitable, ça…
« Si vous lisez ceci et que vous avez un moyen pour régulariser la situation, demande Marie-Claire, faites-le savoir. » J’aimerais bien. Cette requête, il va de soi que la brave femme ne l’adresse pas à notre système judiciaire. Il est décidément lui-même beaucoup trop à l’image des ex-conjointes les moins recommandables…


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9 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    7 janvier 2011

    Deux fois moins d'argent dans ses poches? Tout le contraire. Quand on paye 50 % d'impôt sur le revenu, il faut gagner 30 000 $ de plus pour en payer 15 000 $ de plus, donc il en reste 15 000 $ de plus dans ses poches.
    Dans sa rage, Marie-Claire ne déclare pas le véritable revenu brut de Jean-Paul. Le sien non plus, d'ailleurs, vu qu'elle ne mentionne que son revenu net.
    Qu'ils soumettent donc leur cas au tribunal! Nous n'avons aucun moyen de jouer son rôle. Je ne vois pas l'ombre d'un scandale.

  • Olivier Kaestlé Répondre

    7 janvier 2011

    Encore là, je sens chez vous une lecture biaisée contre laquelle l'évidence la plus manifeste resterait impuissante. Je n'ajouterai donc aucun autre commentaire. Salutation.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 janvier 2011

    Ce qui est sacré c'est la responsabilité des parents envers leurs enfants, quel que soit le nombre d'unions, et c'est ça que la loi reconnaît. 3 000 $ pour deux enfants, dont au moins une adolescente, ne couvrent qu'une petite partie de leurs besoins. Ça doit résulter d'un vieux jugement dont je soupçonne Jean-Paul de craindre la révision parce qu'il pourrait être condamné à payer davantage.
    Et Marie-Claire ne parle pas de la pension que le père de ses trois enfants lui paye ou devrait lui payer.
    Si Jean-Paul et Marie-Claire vivent au-dessus de leurs moyens, ça, c'est une autre affaire...Ce n'est pas une raison pour tenter d'affamer les filles de Jean-Paul.

  • Olivier Kaestlé Répondre

    7 janvier 2011

    Donc deux fois moins d'argent dans ses poches... Êtes-vous sûre que vous tentez de me contredire ? Je trouve au contraire que vous appuyez mon propos...

  • Archives de Vigile Répondre

    7 janvier 2011

    Correction: c'est 15 000 $ d'impôt que Jean-Paul déclare payer, et non 7 000 $ comme je viens de l'écrire. Pas tout à fait dans la misère, cet homme.

  • Olivier Kaestlé Répondre

    7 janvier 2011

    Désolé, Lespiedsparterre, mais je me demande si nous commentons tous les deux le même texte pour que vous en arriviez à de telles conclusions. Je pressens qu'à vos yeux la mentalité d'homme pourvoyeur à jamais d'une première union reste un principe sacré. Quant au fait de trouver normal de faire vivre son enfant au Cégep, je suis en partie d'accord, mais je trouve normal de l'intéresser au financement de ses études afin de le responsabiliser pour qu'il ou elle devienne un être autonome. J'ai élevé une belle-fille très travaillante qui arrive à autofinancer ses études et j'en suis fier. Je n'aurais pas la même estime pour elle si elle était devenue une petite princesse qui considère que le fait de se faire entretenir par un homme lui revient de droit divin. Et, jolie comme elle est, elle aurait pu. Dans la vie, il y a les vraies femmes, et les autres...

  • Archives de Vigile Répondre

    7 janvier 2011

    Comment parler de juges "inflexibles" quand on ne leur présente même pas la cause? Ila ne peuvent pas deviner. Si Jean-Paul a une preuve contre son ex, qu'il la fasse au bon endroit.
    Tous les enfants sont traités sur un pied d'égalité selon la loi et Marie-Claire n'a aucune espèce de responsabilité envers l'ex de son mari. Les pensions pour enfants sont fixées selon des tables établies par le gouvernement. Son raisonnement est faux.
    À première vue, le montant de la pension que paye Jean-Paul est modeste quand il a un revenu suffisant pour payer 7 000 $ d'impôt. Les pensions sont basées sur le revenu brut "disponible" et non sur le revenu net.
    La cause de Lola traite de la pension entre ex-conjoints de fait et non des pensions pour enfants.
    La supposée violence de l'ancien conjoint n'a rien à voir dans la cause.
    Quant à l'enfant qui entre au cégep, elle a droit au soutien de son père jusqu'à ce qu'elle devienne autonome financièrement. Ce n'est nullement de l'exploitation: il est naturel de faire vivre son enfant.
    Au lieu de déniger publiquement sa rivale, Marie-Claire devrait soumettre ses prétentions au tribunal. Sinon, que Jean-Paul continue à payer sans se plaindre. Je ne vois pas d'autre solution.

  • Olivier Kaestlé Répondre

    6 janvier 2011

    Je vous trouve bien confiant ou confiante en notre système judiciaire, "Lespiedsparterre". Je ne sais si vous avez bien lu mon texte, mais j'y parle d'une femme qui gagne plus de 80 000 $, n'en déclare que 20 000 $, et soutire ainsi une pension à laquelle elle n'a pas droit. C'est une fraudeuse. Si vous voyez en une telle femme une victime d'une nouvelle conjointe "possessive et qui veut les biens et revenus de son nouveau conjoint pour elle seule", je dois avoir bien mal exposé son cas...
    Je vous rappelle que ladite nouvelle conjointe doit payer pour tout car, par la magie du concept du revenu familial, la nouvelle conjointe doit contribuer, directement ou indirectement, à la pension de l'ex, ainsi qu'à celle des enfants de l'union précédente, sans pour autant que les siens ne soient considérés dans ce calcul. C'est aussi absurde que ça en a l'air. Pas de doute, dans un tel contexte, un homme est, comme vous dites, "hypothéqué"...
    Pour ce qui est du tribunal qui a selon vous "tous les instruments pour régler le cas en toute sérénité et impartialité", laissez-moi rire. Le droit familial représente l'une des pires déviances de notre système judiciaire, avec un parti pris évident et malsain pour l'ex-conjointe, qui autorise pratiquement tous les abus, et une attitude trop souvent hostile envers l'homme, très souvent traité comme un coupable.
    Pour ce qui est de l'affaire Lola, elle a tout à voir avec ce cas d'iniquité parmi tant d'autres, en ce sens qu'un rejet par la Cour suprême de l'appel demandé par Québec pourrait démocratiser les mêmes abus aux ex conjoints de fait. Une aberration.
    Votre commentaire me fait réaliser à quel point le public ignore l'étendue de telles dérives et à combien il devient nécessaire de l'informer. Merci néanmoins de votre contribution.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 janvier 2011

    Le ton agressif est déplacé pour cette affaire banale.
    Marie-Claire oublie que son "merveilleux" Jean-Paul est hypothéqué, vu qu'il doit assumer ses obligations envers sa première famille. Elle se venge en dénonçant au fisc l'ex de celui-ci; c'est au tribunal qu'il faut le faire, si vraiment elle a la preuve de ce qu'elle avance.
    Le Code civil prescrit déjà toutes les règles adéquates pour régler ce cas en tenant compte des cinq enfants et des revenus de chacun des adultes.
    Ce n'est pas la première fois que je vois une deuxième femme, possessive et qui veut les biens et revenus de son nouveau conjoint pour elle seule, envenimer un débat en détestant la première qui a aussi ses droits. Il faut plutôt exposer son cas au tribunal, qui a tous les instruments pour régler le cas en toute sérénité et impartialité.
    L'affaire de "Lola" n'a rien à voir là-dedans.