EAU POTABLE ET PÉTROLE

Québec fixe enfin des règles

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Le développement durable n'est qu'un cheval de Troie

Québec a finalement dévoilé mercredi son règlement sur la protection de l’eau potable, une mesure qui confirme que Pétrolia pourra poursuivre ses forages dans la ville de Gaspé, malgré la controverse qu’ils suscitent.

Le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) fixe pour la première fois la distance « minimale » qui devra être respectée entre un site de forage et une source d’eau potable. Celle-ci devra être de 500 mètres.

La distance pourrait toutefois être plus grande, en fonction des conclusions de l’étude hydrogéologique qui sera désormais exigée par Québec. Cette étude, réalisée par l’entreprise qui veut forer, devra couvrir un rayon de deux kilomètres autour des sites de forage. Toute opération de fracturation devra en outre être menée à une profondeur minimale de 600 mètres, ce qui est déjà le cas. Et les entreprises devront assurer un suivi de l’état de leurs puits pendant les 10 années suivant la fermeture de ceux-ci.

Le ministre de l’Environnement, David Heurtel, a évidemment vanté le geste posé par le gouvernement Couillard. « Nous visons ainsi à répondre aux attentes des municipalités, de l’industrie et des citoyens en mettant en place un cadre réglementaire clair et prévisible, qui vise à assurer une protection adéquate des ressources en eau à l’égard du développement pétrolier et gazier », a-t-il affirmé au cours d’un point de presse tenu à Gaspé.

Gaspé c. Pétrolia

Le règlement présenté par Québec annule aussi les règles mises en place par plusieurs municipalités dans le but de protéger leurs sources d’eau potable. Le cas le plus médiatisé est celui de la Ville de Gaspé, qui a adopté un règlement en ce sens en décembre 2012.

Les mesures instaurées par Gaspé avaient eu pour effet de bloquer un projet de forage que Pétrolia souhaite réaliser sur le territoire de la municipalité. Le site choisi se trouve à 350 mètres des résidences les plus près. Mais comme il respecte les mesures annoncées par Québec mercredi, il pourra reprendre, comme le demandait la pétrolière. L’entreprise, qui a sept lobbyistes inscrits au registre québécois, a d’ailleurs fait des démarches auprès du gouvernement en lien avec le RPEP, afin que celui-ci permette « une exploitation optimale du gisement » pétrolier qui se trouverait à Gaspé.

Pétrolia a salué mercredi l’annonce du gouvernement, tout en précisant que le forage qu’elle compte mener ne nécessitera pas d’opérations de fracturation hydraulique. Celui-ci pourrait bien permettre de préciser le premier potentiel pétrolier exploitable de l’histoire du Québec. Selon les données préliminaires, le sous-sol pourrait contenir 7,7 millions de barils d’or noir.

Le maire de Gaspé, Daniel Côté, s’est lui aussi réjoui de la mise en place d’un règlement provincial sur la protection de l’eau potable. Il n’a toutefois pas précisé ce qu’il adviendra de la cause qui oppose la Ville et Pétrolia en cour. Il dit vouloir lire attentivement le RPEP avant de se prononcer. La pétrolière a lancé en 2013 une poursuite contre Gaspé en raison de l’adoption de son règlement sur les eaux. La Cour supérieure lui a donné raison, mais Gaspé a porté la cause en appel.

Projet controversé

Reste qu’à Gaspé, les projets pétroliers suscitent la controverse. La porte-parole du regroupement Ensemble pour l’avenir durable du Grand Gaspé, Lise Chartrand, s’est dite déçue de l’annonce du ministre Heurtel. Selon elle, le règlement élaboré par les libéraux est « taillé sur mesure pour Pétrolia ».

Mme Chartrand a aussi souligné qu’au-delà du règlement, il faut que les projets se fassent dans un contexte d’acceptabilité sociale, ce qui ne serait pas le cas à Gaspé. Les municipalités n’ont cependant pas le droit de refuser l’implantation de projets d’exploration pétrolière ou gazière sur leur territoire. C’est la Loi sur les mines qui encadre actuellement la recherche d’hydrocarbures, en attendant l’adoption d’une loi spécifique aux énergies fossiles. Et celle-ci a préséance sur l’aménagement du territoire.

Une situation que déplore le maire de Ristigouche-Partie-Sud-Est, François Boulay. « On exclut toujours la question de l’acceptabilité sociale. Il n’y a rien qui permet aux citoyens de donner leur avis. » La petite municipalité de Gaspésie a elle aussi adopté un règlement de protection de l’eau, ce qui a bloqué les projets d’exploration de Gastem. L’entreprise lui réclame maintenant 1,5 million de dollars. M. Boulay a d’ailleurs souligné mercredi que l’annonce de Québec ne change rien à la poursuite lancée par Gastem. Un boulet pour une municipalité dont le budget annuel dépasse à peine les 200 000 $.

« Nous attendons toujours que le gouvernement du Québec et le ministre des Affaires municipales daignent nous contacter pour que nous discutions de la question. Le silence du gouvernement dans le dossier de Ristigouche est plus qu’inquiétant », a laissé tomber M. Boulay.

Dans le monde municipal, qui réclamait une action de Québec depuis longtemps, le RPEP a reçu un accueil favorable. Le milieu des affaires voit pour sa part un signal positif pour l’industrie de l’énergie fossile. « Le Règlement constitue un signal clair et positif pour un développement durable, responsable et rentable de la filière pétrolière et gazière au Québec qui contribuera, au final, à la prospérité et à la qualité de vie de l’ensemble des Québécois », a déclaré le président-directeur général du Conseil du patronat, Yves-Thomas Dorval.
Consultez la version administrative du Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection


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