PROJET ÉNERGIE EST

Québec durcit le ton

Les 700 kilomètres de pipeline de TransCanada seront soumis au BAPE

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C'est le strict minimum !

Après avoir laissé planer le doute pendant des mois sur la teneur de l’évaluation environnementale du projet Énergie Est, Québec durcit finalement le ton. Le ministre de l’Environnement exige maintenant que les 700 kilomètres de pipeline à construire en sol québécois soient soumis au processus. TransCanada a pourtant toujours soutenu que cette prérogative appartenait à Ottawa.

Le Devoir a obtenu copie de la lettre envoyée par le ministre David Heurtel au président et chef de la direction de TransCanada, Russell Girling. Le document, daté du 18 novembre, réitère que le gouvernement Couillard entend mener une évaluation environnementale sur le projet de port pétrolier de Cacouna. Québec a d’ailleurs en main l’étude d’impacts de TransCanada depuis le 30 octobre, même si la pétrolière n’a pas pu mener à terme ses travaux de forage.

Le ministre fait toutefois savoir que « la portion québécoise de l’oléoduc » sera elle aussi soumise à une évaluation environnementale sous l’égide du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Il justifie sa décision en se basant sur une disposition du « Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement » qui fait référence à la construction d’un pipeline.

« Il est dans votre intérêt de respecter la volonté des Québécoises et des Québécois de faire la lumière sur l’ensemble de la portion québécoise du projet […]», écrit M. Heurtel. Il demande donc le dépôt, « sans délai », de l’étude d’impact portant sur le pipeline. Cette étape est selon lui essentielle pour coordonner les différents aspects de l’évaluation environnementale, mais aussi afin de rendre les deux études disponibles au public en prévision de la tenue du BAPE.

Sept conditions

En plus de cette demande concernant l’étude d’impact portant sur les 700 kilomètres de pipeline à construire au Québec, le gouvernement prévient TransCanada que sa décision dans le dossier Énergie Est se basera sur une série de sept « conditions ». Ces conditions font en sorte que le gouvernement du Québec pourrait mener une évaluation beaucoup plus complète que l’Office national de l’énergie (ONE), qui doit pourtant évaluer l’ensemble du projet Énergie Est.

Québec entend ainsi prendre en compte les « émissions de gaz à effet de serre ». L’ONE n’abordera tout simplement pas cette question, pas plus que celle des impacts environnementaux liés aux sables bitumineux. Mais la lettre du ministre Heurtel ne précise pas de quelles émissions il est question dans l’évaluation québécoise. On ne sait pas, par exemple, si les émissions résultant de l’extraction du pétrole des sables bitumineux seront prises en compte.

Le pipeline Énergie Est — qui transportera chaque jour 1,1 million de barils de brut — permettra de mettre en marché une production d’énergie fossile qui générera plus de 30 millions de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, selon une étude publiée plus tôt cette année par l’Institut Pembina. Cela est supérieur à la totalité des émissions générées par les véhicules routiers au Québec.

Le gouvernement Couillard demande aussi à TransCanada de prévoir un « plan d’intervention » et des « mesures d’urgence » dans le but de répondre à tout déversement de brut albertain qui surviendrait en milieu terrestre ou maritime. Ces mesures, précise le ministre dans sa lettre, doivent inclure « un fonds d’indemnisation et une garantie financière prouvant sa capacité d’agir en cas d’accident ». La pétrolière devra aussi prévoir « une unité de vigilance permanente ».

Il faut savoir que le pipeline doit traverser le territoire de plusieurs municipalités situées le long de la rive nord du Saint-Laurent, des terres agricoles et des rivières majeures du sud du Québec, dont plusieurs servent de source d’eau potable. Ce tuyau d’un mètre de diamètre doit également traverser le fleuve en amont de Québec. Enfin, il doit alimenter un port pétrolier où viendront s’amarrer jusqu’à 175 pétroliers chaque année.

Acceptabilité sociale

Les communautés concernées par le projet devront toutefois être « consultées », insiste le gouvernement du Québec, « afin d’assurer l’acceptabilité sociale ». Là encore, il faudra voir si une communauté aura le pouvoir de bloquer le passage du pipeline sur son territoire. Les Premières Nations devront aussi être consultées.

TransCanada aura également à démontrer que son projet générera des « retombées économiques et fiscales pour tout le Québec ». Cela comprend, selon Québec, la création d’emplois « dans les régions où il sera installé ». On ne précise toutefois pas s’il s’agit d’emplois durant la phase de construction — qui doit durer environ 18 mois — ou d’emplois à long terme. Selon les données de la pétrolière, 133 emplois directs devraient être maintenus lors de l’exploitation du pipeline et du port de Cacouna.

La pétrolière albertaine a confirmé mercredi avoir reçu la lettre du ministre David Heurtel. « Nous analysons présentement la lettre et nous n’avons pas de commentaire à formuler pour le moment », a simplement souligné son porte-parole, Tim Duboyce.

Depuis le dépôt de la version préliminaire du projet Énergie Est à l’ONE, TransCanada a toujours dit que l’évaluation environnementale du pipeline revenait entièrement au gouvernement fédéral. Au moment du dépôt, en mars, son porte-parole Philippe Cannon avait souligné que le pipeline était « uniquement » réglementé par Ottawa. « Le projet Énergie Est, puisqu’il traverse six provinces, est sous autorité fédérale », avait-il affirmé.

Le « plan stratégique » de relations publiques de TransCanada dévoilé mardi dans les médias allait dans le même sens. Le document souligne en outre que le BAPE doit essentiellement servir à informer les citoyens et à entendre leurs doléances. Les audiences à venir « seront une excellente opportunité pour l’équipe d’Énergie Est d’informer et d’éduquer le public sur le projet », précise aussi la stratégie élaborée par la firme Edelman pour convaincre les Québécois d’accepter de devenir le point le plus névralgique au Canada pour l’exportation de pétrole albertain.


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