Que reste-t-il de la pensée marxiste au Québec?

«Les indignés» dans le monde

Le marxisme à la québécoise a-t-il jamais existé? En fait, oui, et sa contribution la plus originale se concentre autour de l'analyse de la question nationale sur fond de lutte des classes. Cette perspective a occupé (et à vrai dire obsédé) des dizaines de chercheurs francophones du Québec des années 1960 au milieu des années 1980.
Ce chantier critique avait ses départements de sociologie (à l'Université de Montréal puis à l'Université du Québec à Montréal), ses revues (Parti pris puis Socialisme et Les Cahiers du socialisme) et ses stars, dont Marcel Rioux, Gilles Bourque, Anne Légaré, Jean-Marc Piotte ou Michel Van Schendel. On croise même dans ces publications le nom de Roch Denis, devenu ensuite recteur et quasi-fossoyeur de l'UQAM avec ses mégaprojets immobiliers qui ont engouffré beaucoup de capital.
Que reste-t-il de tout cela? Franchement, du point de vue théorique, presque rien, sinon quelques feuilles éparses d'un automne des idées teintées de rouge et de bleu. La pensée critique, lointaine héritière du marxisme, est passée à autre chose depuis, ici comme ailleurs.
«Le divorce est consommé, dit le doctorant de l'Université Laval François L'Italien. Ce marxisme à la québécoise était lié à la conjoncture de la Révolution tranquille. Chez Parti pris par exemple, l'influence de la pensée des marxistes de la décolonisation à la Franz Fanon semble nette. Ce discours croisait logique de classe et logique coloniale. C'est ça qui va "pogner" au Québec. Dans l'oeuvre de Marcel Rioux, par exemple, libérer le Québec, c'est se libérer du capitalisme.»
La recette sera appliquée à l'analyse de différents problèmes, avec chaque fois la même perspective: les libérations avancent en cordée, celle des femmes et celle du capitalisme par exemple. La Centrale des enseignants du Québec a produit des documents trempés de cette eau, datés comme les ponchos: L'école au service de la classe dominante (1972) et École et lutte de classe au Québec (1974).
Les groupuscules politico-militants marxistes-léninistes, maoïstes ou trotskistes, sous-peuplés d'illuminés fanatiques, ont accouché d'une doxa dérisoire et affligeante, ânonnant les oeuvres complètes de Staline ou de Henver Hoxha. George Orwell l'avait caricaturée dans La Ferme des animaux: «Four legs good; two legs bad.»
Étrangement, plusieurs stars de la scène médiatico-politique actuelle viennent de cette vieille école du dogmatisme totalitaire. Deux partis indépendantistes sont maintenant dirigés par d'anciens «m-l», Québec solidaire (Françoise David) et le Bloc québécois (Gilles Duceppe). Plusieurs commentateurs professionnels sont également issus (il y a très, très longtemps) de cette frange théorique manichéenne, dont le chroniqueur de La Presse Alain Dubuc.


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