Quand on préfère les cierges aux lumières...

Laïcité — débat québécois


Il y a quelques temps, le philosophe Charles Taylor disait en entrevue sur
les ondes de Radio-Canada, à propos des gens outrés par les accommodements
raisonnables, que « si cette génération avait suivi le cours d’éthique et
de culture religieuse, la crise des accommodements n’aurait tout simplement
pas eu lieu. » Et voilà! Le kirpan, le turban, le port du voile, la
non-mixité, l’érouv, les vitres givrées, rien que de la grosse richesse de
Bien commun. Alors pourquoi houspiller et étaler son inculture comme de la
confiture? Il vous manque un cours, et c’est celui-là! Vous y apprendriez à
respecter l’Autre comme Le Petit Prince. Et que tous ceux qui pensent
autrement ne sont que des « enfermés » dans leur monde, des épais de «
P’tit Québec », de grands « Zérouxville » qui s’ignorent! Éthique et
culture religieuse. Avec un tel titre, on serait tenté de donner à ce cours
le Bon Dieu sans confession. Mais il faut savoir que derrière ce discours
apparemment inoffensif s’en cache un autre plus profond, plus redoutable et
combien plus efficace parce qu’il tombe dans les cerveaux en échappant à la
critique.
Une espèce de message subliminal qui inocule des idées à petite dose, tel
un vaccin, pour nourrir l’esprit, le formater, cristalliser certaines
pensées pour en verrouiller d’autres, et rendre ainsi les enfants
bienveillants, poreux et mielleux à l’égard du religieux. Pas forcément
croyants, non, mais ouverts et insignifiants.
Les véritables finalités de ce cours ne sont pas ultimement ce que l’on
nous présente dans les cahiers du « Ministaire », à savoir « la
reconnaissance de l’autre » et la « poursuite du bien commun ». Parano, la
fille? Oui, un tout petit peu! Givrons l’esprit, pas juste les vitres!
Allez, « confiez-moi votre enfant pendant ses sept premières années et je
vous donnerai l’homme. » C’était, à une certaine époque, le slogan des
jésuites. Les temps ont changé, me direz-vous, oui, mais pas le cerveau des
enfants.
PREMIER SUBLIME : IL EXISTE UN AUTRE MONDE
Le saviez-vous? Celui-là, il est capital. C’est pour tout dire le plus
grand bien commun dont toutes les religions sont porteuses; l’autre monde,
le surajouté, le surnaturel. L’inébranlable certitude que ce monde-ci
n’épuise pas tout, que la vie n’est pas que matière et qu’il y a donc «
quelque chose » de plus.
Un dieu, des dieux, des esprits, des forces qu’importe, pourvu qu’il y ait
ce « quelque chose » qui déborde, à la manière d’un jupon qui dépasse. Les
plus romantiques vous diront que c’est l’infini babillage du monde, quand
on se met à l’écouter.
Ce « quelque chose », je le nomme le premier sublime parce que c’est lui
qui fonde la suite et qui va permettre de tout diviser en deux; l’esprit et
la matière, l’âme et le corps, l’homme et l’animal, le savoir et la
croyance, le bien et le mal, et le ciel, où le gros œil de Maman, tel un
mirador, voit tout, tout, tout ce qui se passe sur notre terre…
DEUXIÈME SUBLIME : VOUS ÊTES IMMORTELS
C’est bien connu, tout le monde répugne à devoir mourir. La pire affaire!
Consolez-vous, il y a quelque chose qui vit en vous et qui peut très bien
continuer sans vous. C’est votre âme. La nébuleuse de la carcasse. La carte
maîtresse pour ne pas mourir.
Un conseil : ne partez jamais sans elle. Parce qu’avec elle, vous serez
mort, mais on vous croira vivant. Les religions ont vite saisi que c’est
exactement ce que tout le monde veut entendre.
TROISIÈME SUBLIME : CAMOUFLER LE MAMMIFÈRE
Je continue. Parce qu’avec elle, vous ne mourrez pas comme votre chien.
Parce qu’avec l’âme et un léger supplément de pensée, vous n’aurez pas
passé votre vie dans les arbres, à secouer les pommiers. Non, vous serez
plutôt allés au cegep et même à l’université pour noter dans votre grand
cahier tous les desseins intelligents.
Cette rupture d’avec le reste du vivant, que les intelligents appellent
l’anthropocentrisme, permet de demeurer votre vie durant le chouchou du bon
dieu, de ne pas mourir comme un chien, et d’aller droit dans l’autre monde.
Au Paradis ou dans la grande Fournaise.
QUATRIÈME SUBLIME : C’EST LE MÉDECIN QUI SOIGNE MAIS C’EST DIEU QUI
GUÉRIT
Au menu de la cafétéria : côtelettes de porc, choux de Bruxelles et pommes
de terre en purée. « Dans notre identité à nous, dit Mélanie, ce sont des
patates pilées. » Que croyez-vous qu’il va arriver au petit Rachid? Qu’il
va tomber raide mort pendant que Mélanie suce l’os de sa côtelette? On
comprendrait s’il avait avalé l’os mais…
Et monsieur Levi, si un bon samedi, il appuyait lui-même sur le bouton de
l’ascenseur, au lieu de demander à monsieur Simard d’Outremont, croyez-vous
qu’il se désintègrerait?
Et Mgr Ouellet qui boit du vin durant la messe en nous disant haut et fort
que ce n’est pas du vin mais le sang de Jésus. Depuis quand est-ce que le
vin contient de l’hémoglobine?
D’un point de vue rationnel ou scientifique, c’est de la pure
superstition! Quelqu’un serait seul à faire cela, sans l’alibi de la
religion et on lui dirait d’aller consulter… Mais on va dire aux enfants
que de respecter cela, c’est reconnaître… l’autre! Dites-moi, c’est qui le
« smatte » qui a éteint les Lumières?
DERNIER SUBLIME : LE BIEN ET LE MAL VIENNENT DE LA RELIGION
Dieu ordonna à Abraham d’immoler son fils Isaac… Et le philosophe Michel
Onfray déclare : « tant que Dieu existe, la morale sera toujours une
sous-section de la théologie ». Dieu ordonna aussi d’immoler Michel
Onfray…
ET L’ATHÉISME ?
Durant la « crise » des accommodements raisonnables, certains ont trouvé
surréaliste de voir sur un même plateau de télévision Mgr Turcotte flanqué
d’un rabbin et d’un imam. C’est n’avoir pas compris qu’ils ont tous le même
fonds de commerce et que sous l’apparente diversité des signifiants
s’immisce l’unicité du signifié; celui d’un autre monde.
De toute évidence, les lobbys religieux ont bien manœuvré en conseillant
ce cours d’ECR puisqu’il offre une incroyable tribune à tout ce qui touche
les arrières-mondes et, sous prétexte de culture et d’ouverture à l’autre,
fait subtilement l’apologie du religieux, récusant ainsi le matérialisme
tant honni que les religions ont toujours vigoureusement combattu. Ce même
matérialisme qui aujourd’hui n’est plus une position philosophique a priori
mais bien une vision philosophique tirée de la science.
Mais me direz-vous, on y parle aussi d’athéisme? Que non! Le mot a été
biffé et remplacé par tout un paragraphe! Alors que plusieurs religions et
spiritualités seront « traitées » tout au long du cursus scolaire, le «
Paragraphe » lui ne sera « qu’abordé ». Des miettes écrasées sous l’Index.
Pour la gloire de Dieu!
Définitivement ce cours ferme la porte de l’école aux idéaux des Lumières
et sa notion de progrès. C’est probablement pour mieux ouvrir la
laïcité...
LA SOLUTION
Cette France à « laïcité fermée » que les concepteurs de ce cours disent
rigide et intolérante intègre depuis 1996 dans ses programmes de lycée et
de collège l’enseignement du fait religieux dans ses cours d’histoire, de
français, de philosophie et de géographie. Une approche critique du fait
religieux contraire à la nôtre qui verse dans l’apologique.
Ainsi, en français, on y présente l’Antiquité dans ses deux grandes
dimensions : la Bible comme œuvre littéraire pour l’héritage
judéo-chrétien et l’Odyssée d’Homère pour l’héritage gréco-romain. La
différence d’avec notre cours d’ECR? Aurait-on idée de présenter l’Odyssée
comme modèle pour fonder les valeurs morales?
Louise Mailloux
Collaboratrice à l’Aut’Journal


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